Low-tech ça veut dire quoi ? On vise la sobriété, l’utilité, l’efficience… Mais encore ? Définition, principes et exemples, on fait la lumière sur la low-tech.
Concept parfois fourre-tout, on a vite fait d'assimilier la low-tech à un refus de la technologie. Bien au contraire, elle vise plutôt l'utilisation raisonnable d'une technologie au service de plus de résilience.
Sommaire :
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Différents acteurs ont différentes définitions de la low-tech (ou « à basse intensité technologique » en français).
Dans la note publiée par La Fabrique Écologique, on parle de « technologies sobres et résilientes »[1].
Selon le Low Tech Lab, le terme qualifie « des objets, des systèmes, des techniques, des services, des savoir-faire, des pratiques, des modes de vie et même des courants de pensée qui intègrent la technologie selon 3 grands principes : la low-tech doit être utile, accessible et durable »[2].
De son côté, l’ADEME apporte la définition suivante : « L’approche low-tech, parfois appelée innovation frugale, est une démarche innovante et inventive de conception et d’évolution de produits, de services, de procédés ou de systèmes qui vise à maximiser leur utilité sociale, et dont l’impact environnemental n’excède pas les limites locales et planétaires. La démarche low-tech implique un questionnement du besoin visant à ne garder que l’essentiel, la réduction de la complexité technologique, l’entretien de ce qui existe plutôt que son remplacement. La démarche low-tech permet également au plus grand nombre d’accéder aux réponses qu’elle produit et d’en maîtriser leurs contenus.»[3]. L’ADEME précise encore : « Le qualificatif de low-tech s’applique à une démarche et non pas à son résultat. Ainsi, un objet n’est pas low-tech dans l’absolu, il est plus (ou moins) low-tech qu’une solution alternative répondant au besoin initial. ».
En l’absence pas de définition officielle de la low-tech, il y a une certaine interprétation de ce qui est considéré, ou pas, comme low-tech.
On la définit souvent par rapport à ses principes. Mais ici aussi, il y a des visions différentes.
D’autres acteurs reprennent d’autres principes. Nous proposons ici une adaptation libre des principes repris sur la page Wikipedia dédiée au low-tech [4] :
Mais quelques exemples seront plus parlants.
Voici deux exemples pour appréhender la logique du low-tech.
> Pour plus d’exemples de systèmes low-tech, voir : Comment rendre son quotidien et sa maison plus low-tech ?
Pour le savon, le plus low-tech est le savon solide. Il n’a besoin de rien pour fonctionner. On peut le fabriquer à peu près partout et tout le monde sait comment ça marche. Tout au plus faut-il lui adjoindre un porte-savon pour qu’il sèche rapidement et soit plus facile à utiliser.
Une variante serait d’utiliser un « pousse-mousse » manuel. Ça demande un peu plus de ressources, il y a un mécanisme de pompe qui peut tomber en panne mais globalement ça reste plutôt simple et sobre, tout le monde sait comment ça fonctionne et il suffit de le remplir avec n’importe quel savon liquide de n’importe quelle marque. L’avantage est qu’il est probablement plus facilement accepté par les utilisateurs qu’un savon solide plus ou moins mouillé que d’autres ont touché. C’est moins low-tech que le savon solide mais, par rapport à la demande de service, on propose un système qui est à la fois low-tech et répond aux contraintes d’utilisation.
On trouve pourtant le plus souvent, dans des toilettes communes, des distributeurs accrochés au mur. Il y a d’évidentes raisons pratiques (éviter la casse, le vol, raison hygiéniques…) mais cela vient avec une complexité qui rend le produit moins durable. Certains sont mécaniques mais d’autres fonctionnent avec un détecteur de mouvement. De manière générale, on ne sait pas s’il faut pousser dessus, tirer sur une poignée, passer sa main devant, en-dessous, ou crier « savon ! » pour que ça fonctionne[5]. Les deux systèmes, manuel et à détecteur, utilisent parfois des cartouches de savon non standard[6]. Et pour celui avec détecteur de mouvement, il nécessite de l’électricité (et donc un câble installé quelque part ou une batterie) et utilise un moteur ou une pompe pour donner le « sploutch » de savon demandé. Avec un peu de chance il tombera en panne dans deux ans et sera considéré comme non réparable. Pas du tout low-tech !
Ce genre de distributeur ne répond donc pas à plusieurs critères de la low-tech. Il pourrait cependant améliorer son score par l’adoption de standards. Avec des poches à savons que l’on pourrait remplir, avec des pièces détachées communes à plusieurs marques (tige sur laquelle on pousse, coque…), etc.
Ce serait sans doute moins intéressant commercialement parlant[7] mais on irait vers plus de durabilité pour un même type de produit.
S’il y a bien quelque chose qui est passé du côté high-tech de la Force ces dernières années, c’est la machine à café !
Totalement low-tech, la cafetière « moka » ou « italienne » est increvable. Elle est facile d’utilisation, ne demande pas ou très peu d’entretien ni de consommables (filtres) et est d’une simplicité déconcertante[8]. Elle est même compatible avec plusieurs sources d’énergie, ce qui augmente encore sa polyvalence (et donc sa durée de vie). Tout au plus faut-il de temps en temps changer le joint entre les deux parties. On pourrait dire qu’elle est difficile à réparer soi-même, mais à moins de rouler dessus, c’est incassable. Elle demande certes des ressources importantes à la fabrication (inox ou alu), mais pas plus que d’autres types de machines. Et de toutes façons ce n’est pas la fabrication de la machine qui a le plus d’impact, c’est la production du café qu’on va mettre dedans[9].
> Lire aussi : Quel café choisir ?
Une variante low-tech pourrait être la cafetière à piston[10].
À l’autre extrémité, on a la machine à capsules. C’est l’antithèse de la low-tech. C’est une machine complexe, difficile à réparer, à la durée de vie plutôt faible (par rapport aux machines les plus simples), qui ne fonctionne qu’à l’électricité et qui par-dessus-tout utilise du café dans un format propriétaire spécifique. Bien sûr ce sont des généralités : ça se répare (mais il faut s’y connaître), on peut utiliser des capsules réutilisables… mais ça reste une machine globalement moins durable.
Ce n’est pas spécifique aux capsules. Une machine automatique qui utilise des grains est aussi une machine complexe, difficile à réparer, à entretenir, potentiellement connectée, avec un écran d’affichage indispensable pour la faire fonctionner, avec des pompes ou des condensateurs spécifiques, etc.
> Lire aussi : Quelle machine à café choisir ?
Oui ! Si les deux exemples précédents montrent des alternatives low-tech plutôt « basiques », dans low-tech, il y a quand même « tech ».
Ce n’est donc pas du tout un courant technophobe. L’idée n’est pas de se passer d’électricité par exemple, ni même de moteur ou d’ordinateur. On parle plutôt de courant « technocritique » ou de « techno-discernement ».
C’est une réaction à la high tech à tout prix, au solutionnisme technologique (résoudre un problème avec une solution technologique). Mais la technologie « utile » est tout-à-fait compatible avec la low-tech. Des projets low-tech peuvent par exemple utiliser des imprimantes 3D[11], des panneaux solaires photovoltaïques ou des tubes en aluminium profilés.
Autrement dit, pour chaque usage, on cherche l’objet le plus low-tech possible. Et plus l’objet est technologique, plus celle-ci doit « justifier » son utilisation.
« D’une certaine manière, les low-tech sont souvent des « lower-tech », éventuellement même des « lowest-tech possible » visant à combiner avec ingéniosité les meilleures trouvailles d’hier et les meilleures connaissances d’aujourd’hui », explique Arthur Keller[12].
Quelques exemples :
La low-tech c’est questionner son besoin. On a l’habitude de répondre au besoin par une solution technologique. Ici on cherche plutôt à interroger le besoin en lui-même et à choisir la façon la plus efficiente d’y répondre, en évitant toute technologique superflue.
> Voir aussi : La méthode ÉCO : 3 étapes pour moins et mieux consommer
On a besoin d’avoir chaud l’hiver, ou du moins de vivre à une température qui nous procure assez de confort. Si la réponse la plus courante est de chauffer sa maison, la low-tech interroge cette réponse et propose à la place de se réchauffer soi-même.
C’est l’idée derrière la slow-heat[19] : réchauffer la personne plutôt que la pièce. Au lieu de chauffer tout un bureau à 22°C, on réchauffe la personne assise à son bureau. Pour cela, on utilise un gros, pull, une bouillote, un panneau radiant (qui chauffe à distance, un peu comme un barbecue dont on s’approche)... Le confort pour la personne est similaire, mais chauffer une seule personne est beaucoup plus efficient que de chauffer toute une pièce. Le résultat est différent, mais dans les deux cas on atteint une température de confort[20].
On retrouve cette question du besoin dans les différentes solutions low-tech.
La low-tech est un monde très large. On peut l’appliquer à de nombreux domaines. Le concept peut aussi recouvrir ou compléter d’autres courants comme la sobriété, l’économie de la fonctionnalité, l’économie circulaire, le fait-maison (ou DIY – Do It Yourself)…
On peut aussi être low-tech sur certains aspects mais pas sur d’autres. Ou on peut essayer d’être le plus low-tech possible. Ça ne demande pas le même investissement personnel.
Se passer d’une machine à café connectée avec écran couleur et possibilité d’enregistrer différents profils d’utilisateurs est facile. Vivre dans une plus petite habitation comme une tiny house, sans frigo et cuire son pain au four solaire est sans doute moins facile à imaginer au quotidien pour nombre d’entre nous.
Tout se discute. Mais dans tous les cas l’idée est la même : trouver les produits ou services qui sont les plus utiles, accessibles et durables !
[1] « Vers des technologies sobres et résilientes – Pourquoi et comment développer l’innovation « low »tech » ? », La Fabrique Écologique, 2019.
[3] ADEME, Synthèse de la publication « Démarches "Low Tech" », 2022.
[5] Pure invention. Mais peut-être pas si futuriste que ça…
[6] Dépend des modèles, certains utilisent des réservoirs que l’on peut recharger, d’autres des poches à remplacer entièrement.
[7] Ces machines sont parfois installées « gratuitement », mais forcent évidemment les clients à commander les consommables de la marque. Un peu comme les machines à capsules ou les imprimantes. La machine en elle-même n’est pas chère mais les consommables (capsules, cartouches…), bien.
[8] Même si le café filtre « manuel », où l’on fait couler soi-même de l’eau chaude sur le café, est encore plus simple. Par contre ça demande un suivi constant, là où la cafetière moka ressemble plus aux autres machines à café qui font tout ou partie du travail toutes seules.
[9] Conclusion d’écobilans comme par exemple : Matteo Cibelli et al. "Carbon footprint of different methods of coffee preparation" (2021). Cite, notamment, différentes études sur l’impact d’une tasse de café. Ou encore : « Life cycle assessment (lca) of a lungo cup of coffee made from a Nespresso original capsule compared with other coffee systems in Switzerland », Quantis, 2018 (écobilan à la demande de Nespresso, les chiffres pour Nespresso sont donc plus fiables que pour les alternatives comparées). Ces deux études ont des conclusions différentes mais mettent malgré tout en avant que la production du café et l’utilisation (faire couler le café et laver la tasse) sont les deux impacts les plus importants.
[10] Il y a cependant des pièces en mouvement et le corps est en verre, ce qui casse plus facilement. Mais bon, c’est pour chipoter.
[11] L’imprimante 3D est un bon exemple de ce qui peut être utile à la low-tech (fabrication de pièces spécifiques pour réparer ou créer un appareil) tout en étant une machine assez compliquée qui par définition utilise des composés qu’on ne peut fabriquer soi-même : mini moteurs, plastique, profilés en alu… Il existe des versions « DIY » même si certaines pièces resteront liées à un processus industriel. À noter qu’il existe au moins une imprimante 3D « mécanique » : https://danieldebruin.com/thisnewtechnology/ (même si elle semble ne faire que des pots en terre cuite).
[12] Source : Parole d’expert, Acteurs du Paris durable, 2020, cité par l’ADEME dans la synthèse de sa publication « Démarches "Low Tech" ». Arthur Keller est expert des vulnérabilités des sociétés face aux risques systémiques et des stratégies de sécurité globale des territoires et de résilience
[13] Ou à base de récup’, mais ça n’enlève pas que ces mêmes éléments auront été fabriqués industriellement.
[14] Ce qui est très discutable, mais vu le taux de pénétration dans la société, c’est difficile de s’en passer.
[15] C’est vraiment difficile de parler de smartphone et de low-tech en même temps…
[16] « Kris De Decker : Low Tech: What, Why and How » sur https://www.thegreatsimplification.com/episode/33-kris-de-decker
[17] Mais ça se discute aussi : le smartphone peut remplacer plusieurs appareils (appareil photo, GPS, lecteur MP3, voire un ordinateur).
[18] Honda a fait ça sur sa petite voiture électrique. D’autres constructeurs font ça également sur de gros véhicules de luxe.
[19] Entre autres sources sur le sujet, le podcast « Déclic - Le tournant » d’Arnaud Ruyssen (RTBF).
[20] « Choisir un radiant de bureau » sur www.slowheat.org
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