Il y a de cela 4 ans, le sujet de cette petite chronique était une publicité qui sentait bon l’enfumage de 1e classe. On y voyait un gros SUV Volvo roulant au milieu d’un paysage idyllique (les voitures sont toujours montrées en dehors de leur milieu naturel embouteillé), avec au passage quelques réflexions sur les « rues bondées » et le fait de « se soucier des autres ». Personnellement ce n’est pas ce qui me vient à l’esprit en voyant un tank roulant dans un paysage de carte postale. Mais je ne devais pas être la cible de cette pub.

Pas plus tard que cet été voilà-t-y pas que BMW s’y est mis aussi. Cette fois-ci l’enfumage est électrique.

C’est plus moderne, mais tout aussi à côté de la plaque.

Le principe est le même : on y voit deux voitures électriques (un SUV de 544 chevaux et une berline de 326 chevaux) qui circulent dans des villes vides de toute circulation.[2]

Mais BMW pousse le bouchon un peu plus loin. Car ici les deux véhicules passent devant plusieurs personnes, toutes assez oisives et porteuses de slogans écolos (« there is no planet B », « make earth cool again »). La pub se termine sur les deux voitures côte à côte, le conducteur de l’une et la conductrice de l’autre se regardant d’un air entendu.[3]

Car ces deux personnes ont tout compris. Elles roulent en BMW. Ce n’est pas comme tous ces écolos qui parlent beaucoup mais ne font rien. Le slogan ? « It’s not about the power of words. It’s about the power of action. »

Il est en effet de notoriété publique – et si jamais on ne le savait pas, BMW nous le dit – que rouler dans des bagnoles de 2,4 tonnes (dont à vue de nez 700 kilos de batteries) qui développent 544 ch va sauver la planète.[4]

Ça mon pote c’est agir pour l’environnement ! C’est pas comme ces écolos-bobos qui pensent sauver le monde avec leurs vélos électriques (et comment ils font leur électricité hein, avec des moutons bio qui pédalent ? Ils savent que ça pète des gaz à effet de serre les moutons ?) et leurs paniers bio achetés chez le producteur (et les tracteurs, ils croient que ça roule à l’eau fraîche et aux miettes de pain sans gluten sans doute ?)

Heureusement que BMW est là pour nous montrer la voie. Avec eux la planète est sauvée, tout le monde en bagnoles de 544 ch.

D’accord, c’est 80.000 € mais bon, quand on veut on peut non ?

Et voilà, c’est fini, problème résolu. Mais pourquoi n’y a-t-on pas pensé avant, c’était si simple !

Bien sûr ce n’est pas ce qui est dit dans la publicité. BMW montre simplement deux de ses nouveaux véhicules électriques. Le problème est dans le fait d’entretenir l’idée qu’il ne faut surtout rien changer : les mêmes recettes, les mêmes voitures, le même principe que ces 20 dernières années. Toujours plus gros, toujours plus cher, toujours plus de kilomètres.[5]

Ça c’est de l’innovation, bébé !

Le pire c’est que ces véhicules sont finalement totalement inutiles. Du SUV surpuissant à la berline de 326 ch, ça ne sert à rien. Ça n’est nécessaire ni pour aller chercher les couques, ni pour rouler à 30 km/h en ville ni même pour partir en vacances avec plein de bagages (scoop : une Dacia break fait mieux pour moins cher !).

Mais est-ce que tout doit servir à quelque chose ? Non bien sûr. Je vous assure que je conçois pleinement le fait d’avoir une voiture qui n’est pas « juste » utilitaire.

Mais est-ce que BMW en vendrait beaucoup, des voitures utilitaires à 80.000 € ?

Ah mais attendez, ces véhicules sont 100% déductibles fiscalement, échappent à tout malus en Wallonie, ne payent pas de TMC en Flandre, peuvent circuler dans toutes les LEZ[6] et ne payent qu’une taxe annuelle ridicule.[7]

C’est donc bien ça : BMW n’est pas là pour sauver la planète, mais pour faire la promo d’un véhicule horriblement cher à une clientèle soucieuse d’optimiser sa fiscalité. En surfant sur l’environnement, parce que c’est « responsable ».

Vous voulez vendre des tanks électriques de 544 ch ? Assumez ! Mais ne dites pas que vous le faites pour l’environnement. Pourtant, la marque se penche aussi sur des projets différents, notamment une collaboration avec Cube pour développer un vélo cargo pendulaire. Donc ils se préparent au changement. Mais tout en essayant de vendre le plus longtemps possible une recette éculée.

Pour finir je citerais Xavier Daffe qui résume très bien la situation : « Quelle est donc cette folie qui consiste à mettre sur le marché des engins électriques ou hybrides rechargeables de plus de 2 tonnes dont la puissance délirante sert au mieux à mouvoir cette masse, au pire ne sert… à rien dans un contexte de zones 30 qui se généralisent? Franchement, au-delà de la caricature, l’intérêt sociétal me dépasse ». [8]

Et qui est Xavier Daffe ? Un journaliste de Bioinfo ? Un militant écolo ? Le directeur de Greenpeace ?

Non, c’est le rédacteur en chef du Moniteur Automobile.[9]

 

* WTF : what the fuck. Au-delà du gros mot, abréviation couramment utilisée pour signifier son étonnement face à un objet, une situation…

[2] Spot à voir sur youtube. Après on n’est pas obligé d’augmenter le nombre de vues :p

[3] J’admets que se regarder d’un air entendu peut paraître bizarre :p

[4] Pour rappel, une petite voiture de 80 chevaux est déjà largement assez puissante pour circuler au quotidien. Small is beautiful !

[5] Visiblement ça marche, BMW a fait 2,8 milliards de bénéfices. Sur les 10 dernières années ? Non, sur le premier trimestre 2021. Source : https://pro.largus.fr/actualites/groupe-bmw-des-ventes-record-et-un-benefice-en-nette-hausse-10613406.html

[6] Low Emission Zones, comme à Bruxelles ou Anvers par exemple.

[7] Moins de 100 €. Et encore, pas en Flandre.

[9] Après, je ne connais pas toutes les activités de M. Daffe, mais directeur de Greenpeace, ça je suis à peu près sûr que non.

 

Dernière mise à jour
16 septembre 2021
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