Vous l’avez sans doute vue en magasin. Même en se dépêchant pour faire ses courses, elle est bien mise en avant. Mais qui ça donc ? Mais l’eau aromatisée qui va sauver la planète, bien sûr !

Sauver la planète ? B-Better Water, puisque c’est d’elle qu’on parle, ne le promet pas. Ce serait trop gros. Mais elle se proclame quand même « Better for the planet ». Ah oui, tous les slogans, ainsi que le site web dédié, sont en anglais. Ça donne toujours mieux en anglais. Ça fait plus chouette. Plus moderne. Plus hype.

Et en quoi est-ce better for la planète ? Parce que c’est de l’eau puisée en Belgique ? Parce que la bouteille est réutilisable à l’infini ? Parce qu’on soutient une PME qui a inventé un nouveau produit durable super innovant ?

Ben non évidemment. C’est plutôt Unilever qui a trouvé une façon de contourner le désamour de plus en plus profond entre nous, consommateurs, et le plastique.[1] Donc pourquoi ne pas nous vendre de l’eau aromatisée dans des emballages en carton ? Aromatisée parce que c’est tendance, et dans un emballage en carton parce que c’est sans plastique. So obvious.[2]

On passera sur le fait que pour le coup on nous vend de l’eau avec des arômes au prix du jus d’orange bio. Après tout, chacun fait ce qu’il veut et si on aime l’eau aromatisée, celle-ci n’est pas pire qu’une autre.[3] C’est toujours mieux qu’un soda, avec ou sans sucre.

Non, ce qui est énervant ici, c’est la pléthore d’arguments écologiques :

  • « Carton complètement recyclable ». Par opposition au carton non recyclable ?
  • « Empreinte carbone réduite ». De combien, ça, c’est pas précisé. C’est dommage, y’avait la place sur l’emballage, ça doit être un oubli malheureux…
  • « Bouteille re-remplissable ». Re-remplissable par quoi ? Pas par le même produit en tout cas, vu qu’il n’est pas disponible en vrac.
  • Le site ajoute même que les « cartons (à boisson) sont « biosourcés à plus de 90% ». Ce qui est légèrement drôle, vu que le gros de l’emballage, c’est du carton. Donc des arbres. Ou alors c’est en opposition aux arbres synthétiques ? On ne sait pas.

Mais l’argument le plus chouette se trouve sans doute dans la réponse à l’une de la FAQ[4] (parce que oui, il y a une FAQ sur leur site). Question : « est-ce que B-Better Water est la meilleure option ? » . Réponse (je paraphrase en traduisant) : bien sûr l’eau du robinet est la meilleure option (pour le coup, on est d’accord avec eux) mais B-Better Water est à choisir si on n’a pas accès à de l’eau potable « sûre » (soit nulle part en Belgique, ou alors le distributeur ne fait pas son boulot). Ou si on veut craquer pour quelque chose de fruité. Ou si on veut un supplément de minéraux ou un boost de vitamines. Minéraux et vitamines qu’il n’y a pas dans l’exemplaire que j’ai en main.[5]

Et vous savez d’où vient l’eau utilisée ?

Non ?

Eh bien moi non plus. Techniquement, il y a de l’eau dans la liste des ingrédients. Ça pourrait être de l’eau potabilisée d’un fleuve ukrainien. Ou de l’eau du robinet belge. On n’en sait rien. Elle doit répondre à des critères de qualité bien sûr (il y a une directive sur les boissons en Europe), mais à 2,27 € du litre, on pourrait s’attendre à autre chose.

En fait il n’y a que pour la version « nature » (de l’eau « nature »… on aura tout vu quand même) que c’est précisé. Et elle vient d’où ? Des « Helenen springs ». En fouillant le site on trouve où c’est : en Allemagne. Le local, c’est vraiment surfait.

J’imagine bien la conversation :

  • Karolina (directrice marketing chez Univeler) : « dis Robert, comment pourrait-on vendre de l’eau allemande avec des arômes dedans au prix d’un jus bio aux Belges, qui ont une eau du robinet de très bonne qualité, venant essentiellement de nappes phréatiques ? »
  • Robert (bricoleur de génie, qui passait par là) : « c’est simple, dis simplement que c’est super pour la planète avec tellement d’arguments que ça fait sérieux, et c’est caisse ! » (Robert est de Liège).

Et voilà, c’était plié.

Unique aspect intéressant du produit : il participe au fonds international « 1% for the planet ». Les entreprises participantes versent 1% de leur chiffre d’affaire.

Comme les entreprises peuvent rejoindre le programme pour une de leurs marques seulement[6], on imagine que ce n’est pas 1% du chiffre d’affaire d’Unilever qui est reversé, mais 1% de celui de la marque d’eau en question.[7]

Et donc si je calcule bien : 1% de 1,7€[8], ça fait donc moins de 0,017 € par bouteille. Certainement bien moins puisque le chiffre d’affaire de la vente d’une bouteille est forcément plus faible que son prix de vente.

À ce tarif-là, je mets quelques gouttes de citron dans mon eau du robinet. Et avec la différence j’achète du jus d’orange Fairtrade. Ou je donne ça à un organisme de mon choix.

 

[1] Entre autre source, mais les exemples sont nombreux : www.brandwatch.com

[2] Je tente l’anglais aussi, on ne sait jamais.

[3] Test-Achats a quand même porté plainte au SPF Economie pour la version « Immunity » de B-Better Water, qui contient 0,8g de sucre ajouté. Selon Test-Achats cela ne devrait pas s’appeler « water », mais « limonade ». Les autres versions contiennent en général 0,5g ou moins de 0,5g de sucre. Mais rien d’interpellant dans la liste des ingrédients. On a un tout petit peu de sucre, quelques arômes naturels, c’est une composition assez simple.

[4] FAQ = Frequently Asked Questions, ou Foire Aux Questions pour les moins anglophones.

[5] Je l’ai reçu, d’abord.

[6] Sur le site de Onepercentfortheplanet, on précise que l’on peut participer au programme pour une marque de sa gamme, le % étant alors relatif aux ventes de la marque.

[7] Unilever aurait fait 51 000 millions d’euros de chiffre d’affaire en 2018 d’après Wikipedia. 1%, ça ferait donc 510 millions d’euros.

[8] La bouteille fait 750 ml.

 

Dernière mise à jour
12 avril 2020

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