Votre langue fourchait sur Eyjafjallajökull ? Pas de panique, Lifjalla est bien plus accessible : prononcez Lif-ya-tla. Ce terme, qui n’existe visiblement pas en Islande, ressemble à une contraction des mots « vie » et « montagnes ». Un nom parfait pour une marque d’eau islandaise qui met explicitement sa « pureté » en avant.

Et c’est tellement bien que ça se vend ici, en Belgique… en magasins bio.[1] Mais qu’est-ce qui pourrait bien justifier le fait de vendre de l’eau islandaise à 2000 km (à vol d’oiseau) de chez elle ? On n’a pas vraiment trouvé. Bienvenue dans la série des produits « si ça s’achète, pourquoi ne pas le vendre ».

En tout cas le fabricant met beaucoup d’efforts à vanter les mérites environnementaux de son produit :

  • « Facile à recycler » ;
  • « 99% du transport est fait par bateau » (NDLR : manquerait plus qu’on transporte de l’eau par avion !!!) ;
  • « Facile à déplacer et à stocker », « Peu encombrant », « Gain de place » (NDLR2 : c’est moi où ça veut dire la même chose ?) ;
  • « Stimule la consommation de l’eau » (NDLR3 : là, j’avoue que l’argument me laisse perplexe, serait-ce un emballage intelligent qui vous rappelle de boire ? Ou de l’eau qui donne soif ? Ça on n’a pas encore inventé, c’est comme l’eau en poudre).
  • (…)

Ça c’est pour la couche marketing.

Mais concrètement, que fait-on ?

On pompe de l’eau en Islande, on la met dans une poche en plastique (elle qui voulait juste voir les moutons et la mer, c’est triste), on met la poche dans une boîte, on la transporte en camion jusqu’au port, puis en bateau jusqu’à destination (on ne sait pas où), puis encore en camion jusqu’en Belgique, puis au magasin, où le client va la chercher (pour la boire, enfin on espère), avant de jeter l’emballage dans la bonne poubelle (de recyclage), de se demander si oui ou non la poche en plastique peut aller dans les PMC (réponse : ça dépend[2]), de mettre le sac à la rue, où il sera ramassé en camion, puis envoyé dans un centre de tri, puis dans un autre camion, pour aller dans une usine qui va recycler l’emballage (pas en Belgique pour le plastique), qui va faire du carton ou du plastique recyclé, qui sera transporté dans un énième camion, etc., etc.

Vous voyez où je veux en venir.

Visiblement, ce producteur d’eau en « bag in box écologique » oublie que l’eau courante est disponible partout en Belgique, qu’elle est de bonne qualité aussi, tout en étant 280 fois moins chère.[3] Elle ne nécessite ni bateaux ni camions pour son transport et elle est tellement peu encombrante qu’elle reste gentiment dans son robinet tant qu’on ne la sollicite pas. Et, ma foi, elle doit probablement autant stimuler la consommation de l’eau, voire plus parce que l’eau du robinet est tout le temps disponible sans être limitée à des cubis de 5 ou 10 litres.

Je ne doute pas de la qualité de l’eau islandaise (même si l’importation ne se fait pas sans risque visiblement[4]) mais je ne vois pas l’intérêt d’en importer en Belgique. Si on ne jure que par l’eau en bouteille, autant se tourner vers une eau belge vendue en bouteilles consignées. Il y en a plusieurs.

Après, on est libre de consommer de l’eau islandaise. Chacun son vice. Il y en a bien qui boivent du vin qui a fait tout le chemin depuis l’Australie. Sans doute doit-il avoir un goût particulier… Mais pour de l’eau, franchement, j’ai du mal à comprendre. Je dirais même plus : je sèche.

Comme disait Coluche, quand on pense qu'il suffirait que les gens ne les achètent plus pour que ça s’vende pas ! [5]

 

[1] Comme quoi il n’est pas toujours, facile d’être cohérent, d’autant que de l’eau ne peut pas être bio, par définition (ce n’est ni de la culture ni de l’élevage).

[2] Règles actuelles du tri PMC en fonction des régions, sur le site de Fost Plus. Plus facile à comprendre que la réglementation sur les masques, mais quand même.

[3] 7,73€/5 litres dans le « magasin bio » où on l’a vue récemment. 5,5€/m³ (soit 0,0055€ le litre) pour l’eau du robinet en Wallonie (en moyenne). Moins cher à Bruxelles.

[4] En août 2019 l’Afsca a retiré le produit de la vente et demandé aux consommateurs de ne pas le consommer en raison « d’une contamination possible avec un produit de désinfection ». Si c’est le genre de problème qui peut arriver pour à peu près n’importe quel produit transformé ou emballé, ça remet en perspective tout le marketing « 100% pure », « 100% sûr » autour du produit.

[5] Coluche dans « Misère ».

 

Dernière mise à jour
22 juillet 2020
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