Aaaah votre classeur, celui qui a traîné dans votre sac tout le WE, à côté de la pomme du 4 heures du mercredi (oups…) et du sac de piscine (du lundi). Celui qui a écumé tous les bancs de votre école. Qui a été copain avec à peu près tous les chewing-gums plus ou moins mâchés et plus ou moins séchés, collés un peu partout (et de préférence là où des mains peu prudentes risquent de se poser, naïvement).

Là, vous le voyez ? C’est aussi celui sur lequel Kevin a éternué l’autre jour.

Comment dites-vous ? Ah, vous ne vous sentez pas concernés. Vous ne léch(i)ez pas vos classeurs.

Et votre bic, hmmm ?

Ahaaaah ! Là on rigole moins ! Qui n’a pas déjà distraitement mâchouillé un bout de crayon ou de stylo ? Celui que vous prêtiez parfois à Sadia ou à Aurélie. Et qui revenait avec des traces qui, vous en étiez certain.e, n’étaient pas là avant.

Voilà, maintenant vous y êtes.

Et pourquoi est-ce que je remue d’aussi pénibles souvenirs ?

Parce que maintenant c’est de l’histoire ancienne. Certes, avec le Covid[1], on a un peu moins envie de léchouiller des objets divers et variés ou de caresser son classeur avant de mettre ses mains en bouche.

Mais c’est surtout de l’histoire ancienne car, réjouissez-vous, il existe maintenant du matériel scolaire ANTIBACTÉRIEN. Fonctionne aussi comme fournitures de bureau.

Et à quoi ça sert ? Ben à anti-bactérier, pardi.

Je reprends les arguments développés par les fabricants :

  • « Inhibe et prévient la croissance des bactéries grâce aux ions d'argent ».
    Sisi, comme dans les masques buccaux achetés par la Défense en Belgique, souvenez-vous.[2]
     
  • « Maintient à 100% des propriétés anti bactériologiques tout au long de la durée de vie du stylo ».
    On voit qu’ils ne connaissent pas les adeptes du zéro déchet qui gardent leurs bics rechargeables plusieurs années !
     
  • « Le produit idéal pour améliorer l'hygiène à l'école ».
    Je veux pas médire mais bon, les hôpitaux n’arrivent déjà pas à avoir une hygiène parfaite, alors est-ce que ça vaut la peine d’essayer pour une école ? Et puis, contre le rhume de Kevin, je ne suis pas sûr que ça marche.
     
  • « Ainsi, la chemise à rabats (…) stoppe la propagation des bactéries, des virus... et les élimine à plus de 99% et ce, sans limitation dans le temps ».
    Et le 1% des bactéries/virus qui résiste, on en parle ? Vous pensez qu’ils ne vont pas se multiplier, surtout avec tout cet espace laissé libre par les autres bactéries ? « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort » est, hélas, vrai dans le micro-monde.[3]

Qu’on utilise des désinfectants en cas de crise sanitaire est une chose, qu’on intègre des anti-bactériens dans des objets du quotidien en est une autre. Surtout pour des objets manipulés, voire machouillés, toute la journée par des enfants.

S’il n’y a pas de grand risque direct[4], est-ce que ça vaut la peine de favoriser la résistance des virus et bactéries ? Et de disperser dans nos corps ou dans l’environnement un certain nombre de molécules qui n’ont rien à y faire, surtout au vu de l’efficacité très relative ?

En tout cas je n’ai pas souvenir que les fardes, bics et cahiers étaient repris dans les gestes barrière.

Un oubli, sans doute.

 

[1] Ami.e lecteur.trice, si tu lis ceci en 2030, le Covid c’est ce qui a occupé tous les titres des journaux pendant deux ans entre 2020 et fin 2021 (?). Eh non, ce n’était pas le réchauffement climatique. Je sais.

[2] Article de la RTBF. Pour aller plus loin, un avis de l’Anses sur le sujet.

[3] Citer Nietzsche dans un article d’écoconso, check !

[4] Voir par exemple les conclusions de cette étude sur les ammoniums quaternaires, une famille de molécules aux propriétés antimicrobiennes.

 

Dernière mise à jour
26 octobre 2021

Nos projets en cours