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Abonnez-vous ici >Les supermarchés proposent-ils une alimentation écologique ? Super-Liste enquête pour la première fois en Belgique. Résultats.
Un supermarché durable ? Voilà une drôle d'idée. Toute personne qui s'intéresse à l'alimentation durable sait qu'il est préférable d'acheter en circuit court des produits locaux et bio.
> Lire aussi : Alimentation durable : où trouver des produits locaux, bio ?
Ceci dit, l'immense majorité des achats alimentaires se font dans la grande distribution en Belgique[1]. À côté du développement des circuits courts, il est donc aussi crucial de rendre l'offre alimentaire des supermarchés plus durable. Si Test-Achats fait des enquêtes pour savoir quelle est la chaîne de magasins la moins chère, jusqu’à présent personne n’avait fait l’exercice pour déterminer quel était le distributeur le plus « vert ».
Or, quand on va en magasin, on pourrait croire que tout est devenu « durable » : mise en avant du local, du plastique recyclé, des produits de saison, du bio, utilisation du Nutri-Score, voire de l’Éco-score... L’assortiment a clairement évolué ces dernières années. Mais à quel point l'offre en produits alimentaire est-elle respectueuse de l'environnement ? C'est la question à laquelle Super-Liste tente de répondre. Né aux Pays-Bas, ce projet évalue au fil des ans les performances des supermarchés en matière « d’alimentation durable », en particulier sur les aspects environnementaux.
Les résultats de la tout première enquête réalisée en Belgique viennent d’être publiés. Alors, quels sont les efforts faits par nos magasins ?
Super-Liste a étudié 3 aspects :
Ces éléments ont été choisis car ils sont très importants en matière d'impact environnemental[1b]. La production animale représente 14 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et le gaspillage alimentaire 6%[1c].
> Voir : Manger moins de viande pour protéger le climat.
L’enquête a été réalisée durant l’été 2022 (en ligne et sur le terrain) par Questionmark qui réalise déjà ce genre d’enquêtes aux Pays-Bas. écoconso est l’un des nombreux partenaires de Super-Liste[2].
Si Lidl et Delhaize se démarquent un peu des autres, le rapport met surtout en avant des scores pas franchement faramineux dans les différentes chaînes. Sur un maximum de 100 % – qui correspond non pas à un magasin « parfaitement durable » mais à ce que Super-Liste considère comme « atteignable » [3] – le meilleur magasin obtient péniblement 15 %.
Si on regarde les scores moyens par catégorie, on voit que celui de la catégorie « agriculture durable » est le plus élevé (mais avec un peu plus de 30 % seulement)[4].
2/10, c’est peu, pour une interro. Bien entendu, un supermarché n’a pas (encore ?) pour but de ne proposer que des aliments durables. Mais le score global est sans appel : il existe une belle marge de progression.
Les chaînes se distinguent néanmoins chacune sur des points précis. Delhaize, par exemple, est nettement devant les autres en matière d’alternatives à la viande (transition protéique), Lidl sur l’agriculture durable[6] , etc.
Si les résultats sont globalement mauvais pour tout le monde, que peut-on dire sur des points plus spécifiques ?
La consommation de viande constitue une part importante de notre empreinte écologique alimentaire. Remplacer les protéines animales par des aliments végétaux riches en protéines a donc tout son sens[7].
> Lire aussi « Manger moins de viande : par où commencer ? »
Qu’a constaté Super-Liste ? 67 % des plats préparés proposés en magasin contiennent de la viande. Pourtant, les plats analysés par Super-Liste peuvent facilement être produits sans viande : pâtes, salades, quiches, soupes, etc.
Et parmi les produits en promo des dépliants publicitaires, plus de 70 % des aliments riches en protéines contiennent de la viande ou du poisson. Cela ne traduit pas vraiment une volonté de mettre en avant les alternatives.
Analyse des produits riches en protéines en promotion dans les dépliants publicitaires. En vert ceux qui contiennent de la viande ou du poisson, en jaune ceux qui contiennent des œufs ou des produits laitiers, en bleu ceux qui sont à base végétale.
On pourrait objecter ici que manger moins de viande ne passe pas uniquement par manger des produits végétariens ou vegan, mais aussi tout simplement par manger… moins de viande.
Mais, là aussi, Super-Liste a constaté que la viande est en général vendue en portions qui dépassent les 100 g (burgers, saucisses, schnitzels). Or, il est recommandé pour la santé de ne pas dépasser 100 g de viande par jour (par personne)[8]. Voilà qui ne facilite pas une moindre consommation de viande.
Deuxième aspect analysé : la durabilité de l’offre alimentaire. Pour une sélection de produits, le projet a examiné ce qu’un distributeur annonce sur l’origine des aliments, la présence de labels dans l’assortiment et l’impact sur la déforestation des produits vendus.
Score total de chaque distributeur pour les critères de durabilité de l’offre alimentaire. En vert foncé la transparence sur l’origine (« objectifs et rapports »), en vert moyen la présence de produits labellisés dans l’offre (« Assortiment ») et dans les 3 autres couleurs les efforts pour réduire la déforestation selon les ingrédients analysés (soja, huile de palme et cacao).
Malheureusement, là aussi, le bilan est décevant. Tous les distributeurs ont un plan lié au gaspillage alimentaire, mais aucun ne rencontre tous les critères édictés par Super-Liste, à savoir un plan d’action clair, mesurable, avec des objectifs chiffrés, monitoré et vérifié par un organisme tiers. Parfois, la notion même de gaspillage alimentaire n’est pas définie.
Ce qui ne veut pas dire que rien n’est fait : il y a des actions visibles en magasins comme les « paniers zéro gaspi » chez Carrefour (composés de fruits et légumes trop mûrs ou abîmés et vendus à 2,5 € [14]) ou les « soupes enVie » chez Colruyt (faites à base de légumes non vendus à la criée).
C’est certes utile, mais ce n’est pas le même engagement qu’un plan d’action chiffré et mesurable, dont ces actions seraient l’un des volets.
> Lire aussi : 12 conseils pour éviter le gaspillage alimentaire
Il y a très clairement de grandes marges d’amélioration quand on parle de durabilité et d’alimentation dans la grande distribution. Et encore, le rapport n’a pas investigué la saisonnalité des produits proposés, la qualité de l’offre (part des produits transformés, produits trop gras/sucrés/salés, etc.) ou les emballages utilisés.
Il ne faut cependant pas nier les efforts réalisés ces dernières années par les supermarchés. Sans qu’on puisse pour autant le chiffrer (c’est la première édition de Super-Liste en Belgique), on constate que la grande distribution a clairement fait des efforts : viandes et fruits & légumes plus souvent locaux qu’avant, élargissement de l’offre labellisée (bio, fairtrade…), assortiment de poissons « pêche durable »... La situation a évolué ces dernières années.
On peut maintenant espérer que le rapport Super-Liste poussera les distributeurs à aller plus loin et qui sait, essayer de devenir, chaque année, le premier de la classe ?
Tous les graphiques sont issus du rapport Super-Liste.
[1] 80% des parts de marché des points de vente alimentaire en Belgique sont le fait des magasins F1 et F2 (soit des magasins de 2000 et 800m² en moyenne). Si on ajoute le hard discount, on est à 95% des ventes qui se font via des grands magasins. Ces chiffres ne reprennent pas les boucheries, poissonneries ou magasins spécialisés en diététique. Source : étude Nielsen, citée par Gondola. Super-Liste a analysé, au sein de la grande distribution, les 5 chaînes de supermarchés qui à elles seules représentent 85% des ventes.
[1b] Méthodologie disponible ici : https://www.superlijst.be/fr#onderzoeksmethode
[1c] Étude “Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers”, J. Poore et T. Nemecek, juin 2018.
[2] C’est le « Think Tank » néerlandais Questionmark qui est à l’initiative de Super-Liste, avec le soutien de Rikolto (ex- « Îles de Paix » en Flandre), Test-Achats, EU Life, Canopéa (ex-Inter-Environnement Wallonie), FoodWin et écoconso, entre autres.
[3] Pour donner un exemple sans rentrer dans le détail des calculs, un supermarché qui aurait un score de 100 % en matière de protéines végétales ne vendrait pas que des aliments végétariens. Il vendrait encore de la viande mais beaucoup moins qu’actuellement.
[4] 100 % étant le score si tous les points prévus dans la méthodologie Super-Liste sont rencontrés. Moyenne globale non illustrée dans le graphique.
[5] On prend le score du distributeur qui a les meilleurs points sur les protéines végétales + le meilleur score sur les labels etc. Le total représente non pas un magasin (puisqu’aucun n’atteint ce total) mais le score d’un magasin imaginaire qui reprendrait toutes les bonnes pratiques de tous les autres. L’idée derrière est de dire : « si un distributeur arrive à le faire, pourquoi pas les autres ? ».
[6] Selon les points analysés par Super-Liste bien entendu : transparence sur l’origine, présence de produits labellisés et prise en compte de l’impact des aliments sur la déforestation.
[7] D’un point de vue santé aussi, du reste.
[8] Toutes viandes confondues, dont 40-70 g de viande rouge maximum. Or, on mange 111 g de viande par personne et par jour en moyenne selon la dernière enquête alimentaire belge de 2014-2015 de Sciensano.
[9] On parle ici de ce qui est annoncé par les supermarchés concernant leur assortiment en général (par exemple « 92 % de la viande vendue est belge »). Cela ne remplace par les mentions obligatoires, en magasin, sur l’origine des fruits, légumes, poisson et viandes non transformés.
[10] Si on va sur le site de Delhaize, sur différentes pages où le chiffre de 70 % est utilisé, il est parfois indiqué « d’origine belge » ou « produit en Belgique », ce qui n’est déjà pas la même chose. Et 70 % exprimé en poids, en chiffre d’affaire, en nombre de produits ? Mystère.
[11] 15 labels ont été retenus par Super-Liste. Parmi ceux-ci, des labels exigeants comme le bio européen ou Fairtrade, mais aussi des (nettement) moins exigeants comme UTZ ou Rainforest Alliance.
[12] Ce qui est loin d’être la panacée, étant donné que les distributeurs achètent encore pour leurs produits en marque propre en grande partie de l’huile de palme certes RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil, soit « table ronde sur l'huile de palme durable », qui est le nom de l’organisation qui fait la promotion de l’huile de palme durable), mais selon l’approche « book and claim », ce qui consiste à acheter des certificats d’huile de palme certifiée pour couvrir son usage d’huile de palme, même si l’huile de palme réellement utilisée ne l’est pas. Comme avec l’électricité verte, en somme. Et encore, « durable » ne veut pas dire « sans déforestation ». Une étude de 2020 a montré que des plantations d’huile de palme durable se faisaient sur des terrains occupés par des forêts dans les années 90 -> Certified “sustainable” palm oil took the place of endangered Bornean and Sumatran large mammals habitat and tropical forests in the last 30 years.
[13] Ces 3 ingrédients ont été identifiés par Super-Liste comme particulièrement à risque pour la déforestation.
[14] Pour max. 1,5 kilo. Carrefour, juin 2022.
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