À première vue, l’économie collaborative permet d’éco-consommer, notamment par le partage de biens et de services : louer une voiture plutôt que d’en acheter une, emprunter des outils à un voisin, utiliser des logements existants plutôt que construire de nouvelles infrastructures d’hébergement…

Mais collaboratif ne signifie pas forcément écologique ou respectueux de l’humain. Alors à quoi faire attention pour que l’économie collaborative aide réellement à mieux consommer ?

Sommaire :

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Ce matin, vous louez une camionnette à un particulier pour aller chercher une belle étagère en bois, achetée en seconde main. Comme vous n’aimez pas bricoler, vous avez fait appel à un parfait inconnu qui a les bons outils pour fixer l’étagère au mur. Dès qu’il a fini, vous filez chez votre voisin pour lui donner son cours de piano. L’heure passée chez lui paiera celle du monsieur venu pour l’étagère. Vous vous dites que vous préférez vraiment avoir passé ce temps à partager votre passion plutôt qu’à vous battre avec une visseuse que vous n’avez même pas ! La sonnette vous tire de vos pensées. C’est la personne qui s’est manifestée sur la donnerie. Elle vient chercher les 25 tomes de votre vieille encyclopédie devenue obsolète. Ouf, c’est tout ce qu’il restait après le grand tri fait pendant le confinement. Tout le reste a été vendu ou donné. La journée avance et après avoir été chercher votre panier bio au GASAP[1], vous arrivez juste à temps pour accueillir les voyageurs qui ont loué votre chambre d’ami pour la nuit. Après avoir partagé un apéro et quelques bonnes adresses, ils partent visiter votre ville by night. Plus le courage de vous préparer à manger après une telle journée, vous saisissez votre smartphone et commandez un repas qui sera livré dans 20 minutes par un coursier à vélo.

En fait, sans vous en rendre compte, vous avez passé la journée à pratiquer la consommation collaborative… et à éco-consommer !

Avec la consommation collaborative, chacun peut être à la fois consommateur et fournisseur d’un produit ou d’un service, que ce soit contre rémunération ou gratuitement. On parle aussi d’économie du partage ou d’économie horizontale entre citoyens.
 

Les conditions pour une consommation collaborative écologique

Les utilisateurs de l’économie collaborative sont d’abord motivés par l’efficacité (trouver une solution facilement accessible pour répondre à leur besoin). Vient ensuite l’avantage financier.[2] L’environnement n’est souvent qu’une motivation secondaire.

La consommation collaborative fait la part belle à l’économie de la fonctionnalité : on privilégie l’usage plutôt que la possession d’un bien. Ceci permet d’allonger la vie des produits et d’économiser des ressources car, théoriquement, on doit fabriquer moins de produits.

> Lire aussi : Acheter moins pour réduire son empreinte écologique et nos bonnes adresses pour louer du matériel.

Mais la consommation collaborative ne permet pas forcément de réduire son impact sur l’environnement. L’ADEME s’est penchée sur la question[3] et a conclu que les bénéfices environnementaux sont très différents d’une initiative à l’autre. Celles qui apporteraient le plus d’avantages écologiques sont liées :

  • à la mobilité (en particulier le covoiturage)
  • au réemploi ou au partage d’objets ou d’appareils (en particulier le mobilier et l’équipement audio-visuel)

Alors pour que la consommation collaborative soit écologique et renforce réellement l’éco-consommation, voici 3 points d’attention.

Éviter l’effet rebond

L’effet rebond est la face sombre des gains d’efficacité dans l’énergie ou l’utilisation des matériaux. Quand utiliser un produit devient plus économique (parce qu’il est plus efficace ou meilleur marché), on a tendance à l’utiliser plus intensivement et/ou à employer l’argent économisé pour augmenter sa consommation autre part.

Par exemple, on perd l’avantage écologique de la consommation collaborative :

  • Si, grâce à l’argent économisé ou gagné via l’économie collaborative, on investit dans un bien ou une pratique polluant (un voyage en avion, un véhicule plus gros…).
  • Si on profite des économies et des opportunités offertes par le covoiturage pour partir plus souvent et plus loin.
  • Si, grâce au prix de la seconde main, on change plus souvent de meubles.
  • Si, du fait du moindre coût des hébergements en vacances, on décide de partir plus loin.
  • Si on s’encombre d’objets dont on se serait autrement passé, sous prétexte qu’ils sont à petit prix, voire gratuits.

Attention au transport

Un des impacts négatifs indirects de la consommation collaborative est le transport induit pour aller chercher des objets.

Par exemple, acheter une yaourtière en seconde main permet d’économiser quelques 2 ,3 kg de CO2/an mais si on utilise 2 litres d’essence pour aller chercher l’objet (30 km), on émet déjà 4,8 kg de CO2. Le bénéfice CO2 du réemploi est en quelque sorte annulé.

On essaie donc de favoriser les échanges de proximité. La livraison peut être une solution si l’on suppose qu’une tournée permet de rationaliser les déplacements. Pour cela, on évitera les livraisons express.

Vérifier ce que l’on remplace

Certaines solutions d’économie collaborative peuvent entrer en compétition avec d’autres solutions plus écologiques.

Voici par exemple l’accroche d’un service de véhicules avec chauffeur qui incite à zapper les transports en commun :



 

Autre exemple : s’abonner à un service de voiture partagée est intéressant car cela évite d’être propriétaire d’une voiture qu’on utilise peu. Mais si on loue une voiture en ville au lieu de se tourner vers d’autres solutions (transports en commun, vélos, scooters et trottinettes électriques…), cela aura plutôt un impact négatif sur l’environnement. Sans compter la participation à la congestion des routes…

De la même manière, si grâce à une plateforme on loue une décapotable pour passer la journée à la mer plutôt que de prendre le train, l'impact final est moins bon.

Bref, la consommation collaborative reste de la consommation et il est important de réfléchir avant de choisir une solution, comme on réfléchirait avant un achat. Car, d’une certaine façon, cela peut aussi ouvrir la voie à de la surconsommation.
 

Le règne des plateformes de partage

La consommation collaborative, ce n’est pas vraiment nouveau. Se rendre des services entre voisins, vider son grenier lors d’une brocante, prêter ou donner des affaires à des amis…, ça a toujours existé. Mais le numérique a permis un changement d’échelle grâce aux plateformes de partage sur internet et via des applis.

La technologie a facilité les choses

On peut passer par une appli pour vendre ou acheter des vêtements en seconde main ou chercher un covoiturage via un site dédié. Un quart des Belges a ainsi utilisé internet pour organiser un hébergement entre particuliers en 2019. Et 8% pour réserver un transport entre particuliers.[4]

Les plateformes ont rendu la consommation collaborative très accessible

Ces plateformes qui servent d’intermédiaire ont plusieurs avantages :

  • L’offre est beaucoup plus large et on peut toucher plus d’acheteurs potentiels (dans son pays ou à l’étranger).
  • On peut vendre et acheter à toute heure.
  • On peut facilement comparer le prix de produits semblables.
  • On peut se renseigner sur la fiabilité du vendeur en consultant les commentaires. Et éventuellement le signaler sur le site si on n’est pas satisfait de l’achat.
  • Pour certains services, les plateformes offrent aussi une assurance adaptée et un système de paiement sécurisé. De cette manière, emprunter la voiture à un inconnu ou effectuer des travaux de peinture chez quelqu’un d’autre peut se faire avec moins de soucis.

Évidemment, cela a un prix : les plateformes prennent une commission sur les échanges ou fonctionnent avec un abonnement.

Mais l’économie de plateforme entraîne des dérives

Dans certains cas, ces véritables entreprises que sont les plateformes de partage ont conduit à des dérives :

  • Uber a donné le néologisme « ubérisation » pour marquer la disruption de tout un système. Le reproche principal que l’on peut lui faire est la précarisation des travailleurs. Et si au début les conditions étaient attractives (gains élevés pour les personnes qui prestaient beaucoup de trajets), les tarifs ont diminué et les chauffeurs doivent travailler beaucoup plus pour rentrer dans leurs frais.
     
  • Uberisation
    Le cas de Deliveroo est semblable : des conditions attractives au début de la startup et qui se dégradent une fois que la masse critique est atteinte. On parle de précarisation du travail car les pédaleurs n’ont pas de statut d’employé : s’ils ont un accident ou qu’on leur vole leur vélo, ils n’ont aucun revenu. Ils ne cotisent pas non plus pour leur pension ou pour les allocations de chômage.
     
  • Sur AirBnB, de nombreux loueurs ne se déplacent même pas pour rencontrer les occupants. Certains sont multipropriétaires, achètent en masse dans les quartiers touristiques et en font un véritable business. Le problème est tel que dans de villes comme Barcelone, Paris ou Venise, il devient difficile pour les locaux de trouver un logement dans les quartiers prisés des touristes, on parle de gentrification.[5]
     
  • Quant à Vinted, sous couvert d’économie circulaire, il pousse aussi à renouveler sa garde-robe de plus en plus vite, avec bonne conscience/[6]

Ces plateformes ont toutes un point commun : elles ont peu de frais car elles ne possèdent pas les véhicules, les logements ou les objets qui sont utilisés, partagés ou vendus. Par contre, elles ont de grosses rentrées par les commissions qu’elles prélèvent à chaque transaction. À tel point que les mastodontes de l’économie du partage comme AirBnB, Uber, Deliveroo ou Vinted sont valorisées en milliards d’euros en bourse. Parfois au détriment des hôtels ou taxis qui ont des contraintes fortes et envers qui ils exercent une concurrence déloyale.

Avec ces plateformes, on a vraiment basculé dans un modèle d’entreprise capitaliste, avec comme objectif de maximiser le profit. Alors peut-on encore parler d’éco-consommation ?
 

Nos bonnes adresses en Belgique

Fort heureusement, la consommation collaborative ne se résume pas à ces plateformes. Il reste des solutions qui apportent de réelles alternatives pour une consommation plus respectueuse de l’environnement et de l’humain. Et certaines sont même gratuites ou à petit prix.
 

Alimentation

Pour manger local, les AMAP[7] et les GASAP[8] sont un must.

Un groupe de consommateurs se rassemble et choisit un ou plusieurs producteurs locaux pour faire ses achats. Le principe est de prépayer des paniers (bio ou non) pour toute l’année, ce qui permet au producteur de disposer d’un capital pour l’année et de connaître les quantités qu’il devra produire. Clients et producteurs sont proches géographiquement et il y a souvent l’un ou l’autre moment d’échange pendant l’année : visite de la ferme, coup de main pour la récolte, consultation pour décider des semis à venir…

> Voir toutes nos bonnes adresses pour bien manger grâce à la consommation collaborative.
 

Mobilité

Les initiatives liées à la mobilité sont variées. Elles visent notamment à donner accès à une voiture quand c'est nécessaire sans devoir posséder un véhicule en permanence. 

Par exemple : autopartage avec Cozywheels ou Wibee, covoiturage avec Carpool, location d’une camionnette avec chauffeur chez Howdy…

Mais on peut aussi choisir des livraisons à vélo avec l'un des membre de Coopcycle.

> Voir toutes nos bonnes adresses pour se déplacer grâce à la consommation collaborative.
 

Biens et services

Pour s’échanger gratuitement des objets ou des services, on adore les donneries, les SEL (systèmes d’échanges locaux), et les RES (réseaux d’échanges de savoirs).

Il y a là un vrai esprit collaboratif, désintéressé, essentiellement basé sur le relationnel et la proximité.

> Voir toutes nos bonnes adresses pour partager des biens et services en Belgique.
 

Tourisme

Envie de partager des moments avec les locaux plutôt que de se retrouver dans les mêmes hôtels renseignés par tous les guides de voyage ?

On peut tester le couchsurfing (dormir gratuitement chez l’habitant), welcometomygarden (planter sa tente dans le jardin de quelqu’un), le réseau warmshowers (pour les voyageurs à vélo), le wwoofing (participer à la vie d’une ferme bio contre le logement gratuit), les greeters (des habitants passionnés qui font découvrir leur ville)...

> Voir toutes nos bonnes adresses pour organiser ses vacances en mode consommation collaborative.

 

[1] Groupe d’Achat Solidaire de l’Agriculture Paysanne

[2] Voir par exemple  « L’essor de l’« économie du partage » », BNB 2018

[3] Voir étude ADEME, BIOby Deloitte, CREDOC, OuiShare. 2016/11 « Potentiels d’extension de l’économie collaborative pour réduire les impacts environnementaux »

[5] Lire l’entretien d’Anne-Cécile Mermet sur revue-urbanites.fr ou cet article du Guardian.

[7] Associations pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne

[8] Groupes d’Achats Solidaires de l’Agriculture Paysanne

 

Dernière mise à jour
14 octobre 2020
Rédigé par
Jonas Moerman

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