"En polyester recyclé". L’argument écologique s’affiche en grand sur le pull phare de l'hiver. De quoi acheter sa polaire l'esprit tranquille ? Enquête.
Vêtement presque incontournable en hiver, le pull bien chaud en polaire peut être fait à partir de plastique recyclé. Mais acheter cette polaire est-ce vraiment écologique ?
Un pull en polaire c’est en réalité un pull en… plastique. Les vêtements en polaire sont des textiles synthétiques, du polyester, qui est fabriqué à partir de pétrole.
Premier problème : c’est mauvais pour l’environnement et la santé. La matière première de ces vêtements est non renouvelable, leur fabrication nécessite beaucoup d’énergie et de produits chimiques et, enfin, leur utilisation libère des microplastiques.
Deuxième problème : il y en a de plus en plus. La moitié des fibres textiles utilisées dans le monde sont désormais synthétiques et leur quantité ne fait qu’augmenter.
Face à ces enjeux, l’industrie textile propose de fabriquer les vêtements en polaire à partir de plastique recyclé. Ces vêtements à l’image verte se multiplient dans les rayons et les boutiques en ligne des magasins de mode ou sportifs.
Bonne idée ou greenwashing ? On passe la polaire en plastique recyclé à la loupe !
> Voir notre campagne « Me raconte pas de salades ! 9 objets écolos à l’interrogatoire ».
Sommaire :
-> Évaluer ses besoins avant tout achat
-> Choisir la version la plus durable du produit
-> Optimiser l’utilisation pour réduire les impacts
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Alors, cette image verte, c’est des salades ou pas ? Le smartphone reconditionné est-il écolo ?
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> Découvrir en détails : La méthode ÉCO : 3 étapes pour moins et mieux consommer.
Quand on y pense, a-t-on vraiment besoin d’un pull en plus ? N’a-t-on pas déjà d’autres polaires ou d’autres pulls chauds dans son armoire ? Est-ce qu’on n’est pas en train de céder à une certaine obsolescence émotionnelle ? L’obsolescence émotionnelle c’est la perte d’intérêt que l’on peut avoir pour un vêtement une fois qu’on l’a acheté. Par exemple parce qu’une nouvelle collection arrive très vite (et crée le désir pour la nouveauté), parce qu’il y a une promotion (qui nourrit un sentiment d’urgence), parce qu’il y a un large choix (qui favorise l’achat impulsif)[1]…
Le plus gros problème du secteur du textile c’est la surconsommation. On achète beaucoup plus de textiles qu’avant : 26 kg par personne en moyenne en Europe[2] ! Certes, il est nécessaire de diminuer l’impact lors de la création de nouveaux textiles mais pour réduire réellement les impacts environnementaux, il est essentiel de diminuer la quantité de vêtements produits et consommés dans le monde[3].
Or, les textiles recyclés peuvent donner bonne conscience grâce à une image plus durable. Résultat : on est encore plus enclin à l’acheter ce petit polar, même si on n’en a pas vraiment besoin[4].
Alors on se pose bien la question et on respecte la règle des 5 R, qui rappelle que refuser, réduise et réutiliser sont prioritaires sur le recyclage.
> Voir aussi « La méthode Bisou » pour s’interroger avant un achat.
L’attrait principal des vêtements en polaire est qu’ils tiennent bien chaud. Grâce à leurs fibres creuses, ils sont isolants, respirants et sèchent vite. Idéal quand on se balade, pour les sports et activités outdoor ou tout simplement les soirées glaciales de l’hiver belge. Mais il y a d’autres options.
À noter : la plupart des « analyses de cycle de vie » ne tiennent compte que des émissions de CO2 et ne comparent pas les émissions de polluants tels que les microplastiques, les substances chimiques utilisés pour les teintures, les impacts sur la biodiversité… Ce qui tendrait parfois à favoriser les fibres synthétiques dans les analyses de cycle de vie par rapport aux matières naturelles[5].
On compare les tissus.
Les fibres d’une polaire sont majoritairement en polyester, il s’agit du nom que l’on donne au « polyéthylène téréphtalate » (autrement dit le PET[6]) lorsqu’il est utilisé dans des textiles. C’est donc une fibre synthétique.
Dans le cas des polaires en polyester recyclé, les fibres sont à base de PET recyclé, pour la plupart provenant de bouteilles en plastiques. Elles ont la même efficacité que celles en polyester vierge mais avec moins d’effets négatifs sur l’environnement :
Toutefois, cela ne rend pas son pull en polaire écologique pour autant :
L’étape de la fabrication des fibres et de l’assemblage d’un vêtement sont des étapes qui produisent beaucoup de CO2. Opter pour le deuxième main permet d’éviter ces étapes. C’est donc la meilleure option pour l’environnement[13]. L’achat d’une polaire (même non recyclée) en seconde main aura donc moins d’impact environnemental que d’acheter une polaire recyclée[14].
En plus de cela, on évite aussi une autre étape très polluante : la fabrication du vêtement et sa teinture. Les colorants utilisés en majorité dans l’industrie textile sont des colorants synthétiques (à nouveau à base de pétrole !). La teinture des textile serait la deuxième cause de pollution des eaux dans le monde[15]. Que ce soit comme colorant ou fixateur de couleur, on utilise des métaux lourds, des acides, du chlore, des formaldéhydes, des phtalates… Ces composants peuvent être extrêmement persistants et toxiques pour l’environnement et la santé humaine[16].
Le pull en polaire n’est pas la seule option pour avoir chaud, certaines textiles naturels sont réputés pour leur chaleur : la laine (recyclée), le chanvre, les polaires en coton bio (encore mieux si elles sont labellisées GOTS)… Ces fibres naturelles ne relâcherons pas de microplastiques dans l’environnement.
Lorsque l’on achète sa polaire, on peut faire attention à l’étiquette de celle-ci et chercher s’il y a un label environnemental, social et/ou quel est le pourcentage de fibres recyclées dans le vêtement.
Plusieurs labels peuvent être intéressants à regarder sur l’étiquette du vêtement en polaire recyclé :
Ce label garanti que minimum 50% du vêtement est en textile recyclé. L’entreprise doit aussi respecter certains critères sociaux (droits des salarié∙es, sécurité…) et environnementaux (gestion des eaux usées, des déchets…).
Tous les textiles réalisés à base de fibres recyclées ne le sont pas forcément à 100%. Dans une bonne partie d’entre eux, il y a un mélange avec des fibres de polyester vierge.
Le label RCS garantit la traçabilité des matériaux recyclés tout au long de la fabrication, pour des vêtements composés au minimum de 5% de matières recyclées. On peut connaître le taux de matériaux recyclés en fonction de l’appellation du label :
- Recycled 100 : 95 à 100% des matériaux recyclés
- Recycled Blended : 5 à 95% des matériaux recyclés
Il limite l’utilisation ou garantit l’absence de certaines substances nocives pour la santé dans les textiles. Attention toutefois, celui-ci ne garantit rien au niveau environnemental.
> En savoir plus sur le label Oeko-tex 100.
On peut aussi chercher certains labels afin de savoir comment la marque se positionne par rapport aux droits de ses ouvrier∙es :
> En apprendre plus sur les labels textiles
L’avantage des labels c’est qu’il y a des critères et que leur respect est contrôlé de façon indépendante. Ce n’est pas le cas pour la communication et le marketing de la marque. On fait attention de ne pas tomber dans le piège du greenwashing et on regarde les bons labels !
Des informations sur la production, l’impact environnemental, les conditions de vie des travailleurs et travailleuses ne sont pas toujours simples à trouver. Certaines marques sont très transparentes sur leur production, d’autres optent plutôt pour le greenwashing. Alors comment faire pour s’y retrouver ? Certains outils peuvent aider à y voir plus clair.
On peut se renseigner sur la marque qui produit la polaire, afin de savoir si celle-ci offre un salaire vital à ses producteurs. L’outil FashionChecker d’Ach’ACT et le Fashion Transparency Index met en lumière la transparence de la filière de production et les conditions de vie des travailleurs grâce à un classement par marque actualisé régulièrement.
Il existe des sites et/ou applications qui classent les marques selon certains critères environnementaux, sociaux, de bien-être animal et/ou de santé. Par exemple l’application française « Clear fashion app » et « Good on you » (en anglais). Ces outils ne sont pas parfaits mais permettent d’avoir une première idée assez rapidement.
Comme un gros point noir des polaires est la pollution aux microparticules de plastique, on adopte quelques solutions pour diminuer l’émission de microplastiques au lavage. Ces conseils contribuent aussi à garder ses polaires plus longtemps en bon état :
Pour préserver les qualités respirantes des fibres, on évite aussi d’utiliser de l’adoucissant.
Ces solutions permettent de diminuer le nombre de fibres de plastique dans l’environnement mais ne sont pas des solutions préventives. Pour éviter réellement l’émission de microplastiques due aux vêtements, opter pour des textiles naturels est la seule solution.
Si on a un polar encore en bon état mais qu’on n’utilise plus, on le donne ou on le vend pour prolonger sa vie. C’est bien plus intéressant que de le recycler[21]. On pense aux entreprises d’économie sociale et on e dépose dans l’une des nombreuses bulles à vêtements disponibles partout en Belgique. On peut aussi se tourner vers des évènements de troc, des donneries…
La polaire est abîmée ? On voit s’il est possible de la réparer. Pour cela on peut regarder des tutos comme par exemple sur couture académie pour réparer une tirette sans machine à coudre.
Malheureusement, si le pull est en fin de vie, à l’heure actuelle le recyclage textile n’est qu’à ses balbutiements. Seul 1% des textiles dans le monde est recyclé en fibre textile. C’est en partie dû à la difficulté de séparer les mélanges de matériaux utilisés mais aussi parce que les fibres recyclées sont plus courtes. Ce qui signifie que l’avenir le plus probable de notre polaire est… la poubelle.
On espère toutefois que cela va s’améliorer dans les prochaines années car l’Union européenne souhaite favoriser le recyclage textile d’ici 2025[22].
Heureusement, on peut aussi opter pour l’ucpcycling lorsque sa polaire est trop abîmée par le temps. On peut par exemple en faire des lingettes pour le visage (ici un tuto de Clémentine la mandarine).
> Voir aussi : Comment éviter de jeter ses vêtements trop vite ?
[1] Voir détails sur En mode climat.
[2] « Production et déchets textiles : les impacts sur l’environnement » Parlement européen (2020)
[3] « Reducing clothing production volumes by design: A critical review of sustainable fashion strategies. » Maldini, I.; Balkenende, A. (2017)
[4] « The warm glow of recycling can make us more wasteful » (2021) et « Natural and Sustainable? Consumers’ Textile Fiber Preferences ».
[5] « Critical review of product environmental footprint (PEF) why PEF currently favors synthetic textiles (plastics) and therefore also fast fashion. » Klepp, I. G., Laitala, K., Løvbak Berg, L., Tobiasson, T. S., Måge, J., & Hvass, K. K. (2023).
[6] Le PET est le même plastique que celui utilisé pour fabriquer la plupart des bouteilles pour boissons.
[7] Plusieurs études attestent de cette reduction des émissions de CO2 : « A systematic review of the life cycle inventory of clothing » (2021), « LCA (Life Cycle Assessment) on Recycled Polyester » (2020), « Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d'équipement » (ADEME, 2018), « Open-loop recycling: A LCA case study of PET bottle-to-fibre recycling » (2010).
[8] L’eutrophisation est une forme de pollution qui se produit lorsqu’un milieu aquatique reçoit trop de matières nutritives assimilables par les algues et que celles-ci prolifèrent . Cela asphyxie progressivement l’écosystème marin. (CNRS, 2011, cité par ecotoxicologie.fr) .
[9] Le processus naturel d’acidification des sols est accéléré et amplifié par des retombées de polluants « acidifiants » émis par certaines activités humaines. Un trop grande acidité affecte l’activité biologique du sol et sa structure. Plus d’infos sur sol.environnement.wallonie.be.
[10] « LCA (Life Cycle Assessment) on Recycled Polyester » Periyasamy, A. P., & Militky, J. (2020) et « Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d'équipement » ADEME (2018)
[11] The contribution of washing processes of synthetic clothes to microplastic pollution » De Falco, F., Di Pace, E., Cocca, M., & Avella, M. (2019).
[12] Sources : « Microplastics Shedding from Textiles—Developing Analytical Method for Measurement of Shed Material Representing Release during Domestic Washing » (2018), « Investigation on the microfiber release under controlled washings from the knitted fabrics produced by recycled and virgin polyester yarns (2021) et Laundering and textile parameters influence fibers release in household washings. » (2019).
[13] « Environmental impact of textile reuse and recycling – A review » Sandin, G., & Peters, G. M. (2018).
[14] « A systematic review of the life cycle inventory of clothing » Munasinghe, P., Druckman, A., & Dissanayake, D. G. K. (2021).
[16] « Textile dyeing industry: environmental impacts and remediation » (2020) et Ecotoxicological and health concerns of persistent coloring pollutants of textile industry wastewater and treatment approaches for environmental safety » (2021).
[21] « A systematic review of the life cycle inventory of clothing » Munasinghe, P., Druckman, A., & Dissanayake, D. G. K. (2021).
[22] « Avis du Comité européen des régions sur la stratégie de l’Union européenne pour des textiles durables et circulaires » Journal Officiel de l’union européenne (2023)
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