L’être humain est rempli de contradictions. Même si on sait que le changement climatique risque de faire basculer le monde tel qu’on le connait, on a du mal à changer et à agir à son niveau. Les études le montrent : de plus en plus de monde est informé, a conscience du danger mais ce n’est pas pour autant que les actions suivent.

Pourquoi ? Notre cerveau est-il responsable de cette inaction ? Est-ce la société qui nous pousse vers de « mauvais » choix ? Quels sont les freins auxquels on fait face ?

On explore les raisons qui empêchent ou ralentissent le passage à l’action. Ceci dit, le fonctionnement de l’être humain est complexe et on est encore loin de tout comprendre.
 

Sommaire :

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Le « green gap »

Comprendre la problématique et ses enjeux est un facteur qui favorise des actions individuelles en faveur de l’environnement[1].

Ceci dit, ça semble insuffisant pour amener réellement un passage à l’action. On pourrait supposer que des personnes qui sont au courant des enjeux et se disent en faveur d’un changement environnemental agissent dans ce sens. Les études montrent pourtant que le passage à l’action est moins récurrent que ce à quoi on pourrait s’attendre dans cette situation[2].

Les sondages montrent en effet que de plus en plus de personnes disent agir en faveur de l’environnement, mais dans les chiffres réels c’est beaucoup moins visible. C’est ce que l’on appelle le « believe action gap », un concept psychologique signifiant l’écart que l’on peut apercevoir entre les croyances/intentions des personnes et leurs actions réelles. Ce concept peut s’appliquer à tout type de comportement, et il est particulièrement visible dans la lutte contre le changement climatique. Il est également surnommé « green gap » dans ce cadre[3].

Illustration : The Decision Lab

Qu’est-ce qui explique ce « green gap » ? Sans doute un mélanger de plusieurs explications :  la structure de notre société, nos habitudes et celles de nos proches, le fonctionnement de notre cerveau… Certains freins sont aussi à prendre en compte : freins de temps, d’argent, d’accessibilité, structurels… Et tout le monde n’est pas égal face à certaines situations.
 

Les freins

Même si on souhaite changer du plus profond de notre être, une chose est sûre : aucun individu ne fonctionne seul et n’est responsable de tout son environnement. On vit dans une société et dans un certain cadre, qui peuvent être des obstacles à l’adoption de comportements écoresponsables.

Par ailleurs, et même s’il n’est pas simple de l’admettre, nos comportements, décisions et habitudes sont seulement en partie dictés pas notre rationalité. Nous sommes loin de faire tous nos choix de façon conscience et réfléchie. Une série de facteurs individuels ou psychologiques freinent aussi le changement de comportement.

Heureusement, il est possible de surmonter ces freins.

     > Voir nos propositions : Environnement : j’ai envie d’agir mais j’arrive pas à changer...

Barrières structurelles, politiques, économiques…

Il existe des barrières structurelles, sur lesquelles nous n’avons pas de prise en tant qu’individu, et qui sont des freins au changement et à l’adoption de comportements écoresponsables. Il y a aussi des freins liés à sa situation personnelle, familiale, professionnelle et sur lesquels il n’est pas facile d’agir.

Par exemple, le manque d’infrastructures, comme l’absence de transports en communs dans certains endroits, contraint les choix de mobilité des habitant·es. On est aussi tributaire du manque de disponibilité de certaines alternatives plus écologiques (notamment s’il n’y a pas de magasin de producteurs locaux, d’épicerie bio ou en vrac près de chez soi).

Le frein le plus cité reste toutefois l’argent. Plus de la moitié des personnes interrogées estiment ne pas avoir les moyens financiers pour agir à leur échelle[4]

Bien comprendre la situation, un prérequis à l’action ?

Une première chose qui peut expliquer que l’on agit peu, même quand on est au courant de la problématique est le fait de ne pas réellement comprendre tous les tenants et aboutissants d’une situation.

Il est difficilement de dire que l’on n’a jamais entendu parler de changement climatique mais comprend-on réellement quels sont les enjeux ? Les informations que l’on reçoit sont souvent superficielles, générales, qui ne donnent pas toujours assez de clés pour comprendre concrètement les causes, les conséquences, les solutions qui peuvent être mises en place, etc. Près d’un quart de la population déclare qu’elle ne saurait pas comment s’y prendre pour changer ou n’y penserait même pas[5].     

Qu’est-ce que l’effet de serre concrètement et comment l’être humain y contribue-t-il ? Quelles sont les conséquences de l’actuelle perte de biodiversité ? Comment la pollution de l’air affecte-t-elle notre santé ? Quelles actions ont le plus d’impact pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ?

Comprendre comment tout ça fonctionne serait un prérequis nécessaire à la formation des attitudes pro-environnementales[6]. Comprendre permet aussi de se sentir concerné∙e, ce qui est également important pour adopter des comportements en faveur de l’environnement[7]

Besoin de quelques pistes pour s’informer sur ces enjeux ?
     > Voir quelques propositions pour s’informer et se former au sujet du climat.

La difficulté à percevoir le changement climatique

Le changement climatique est difficilement perceptible pour l’être humain, il serait trop abstrait[8]. Or, on a tendance à moins agir si l’on ressent une distance psychologique avec un évènement, que celle-ci soit :[9]

  • temporelle. Par exemple : les conséquences climatiques n’apparaissent pas directement quand on réalise une action.
  • spatiale (lointaine dans l’espace, dans un autre pays ou sur un autre continent). Par exemple, la fonte des glaces en antarctique ne touche pas tout le monde étant donné que les conséquences de celles-ci semblent « lointaines » par rapport à nous.
  • sociale. On ressent plus de distance si on a l’impression que la situation ne nous impacte pas nous-mêmes ou nos proches.
  • hypothétique (concerne la probabilité qu’un évènement arrive, que cela soit certain ou incertain).

Bien que ce phénomène soit influencé par de nombreux autres facteurs (personnalité, valeurs, normes sociales…), on voit qu’il affecte les réponses des individus face au changement climatique. Et on peut le comprendre assez facilement : les conséquences de celui-ci sont variables, « lointaines », impactent plus certaines régions géographiques, avec certaines conséquences qui arrivent de nos jours mais la majorité arrivant dans un temps « lointain »… On a tendance à moins agir et c’est plus facile à gérer comme information pour notre cerveau qui préfère « faire l’autruche ».

L’absence de bénéfices immédiats

On a plus tendance à agir si on voit des bénéfices directs. Or, les comportements en faveur de l’environnement n’amènent pas forcément de bénéfices visibles immédiatement. Comme il semblent au contraire lointains, on  a tendance à d’abord s’occuper des problématiques que l’on voit au présent[10].

Il est pourtant possible de voir les bénéfices engendrés par nos actions.

Certains biais cognitifs

Les biais cognitifs nous aident à fonctionner tous les jours. En effet, vu la masse d’informations à traiter au quotidien et le manque de temps, le cerveau met en place des stratégies pour gérer tout ça plus « efficacement ». Le souci c’est que ces mécanisme peuvent, dans certains cas, entraver le passage à l’action. Quelques exemples de ces biais qui peuvent influencer notre passage à l’action  :

  • Biais de normalité : on a tendance à sous-estimer la probabilité ou le fait que survienne un problème ou une catastrophe. Il s’agit d’un biais proche de celui d’optimisme. Ce biais nous empêche de comprendre un problème dans son ensemble.
  • Biais d’optimisme : l’impression que l’on s’en sortira de toute façon.
  • Biais de « pseudo inefficacité » : on a tendance à penser que nos actions individuelles ne permettent pas d’avoir une réelle influence sur des problèmes globaux.

Les normes sociales

Les normes sociales sont des normes que l’on a tendance à intégrer, sans forcément le remarquer et sans contrainte. Ces normes influencent nos comportements, dont notre propension à adopter des comportements favorables à l’environnement[11]. Il s’agirait même là d’un levier très important pour que les personnes agissent ou non : le fait d’être face à d’autres personnes ayant des attitudes écologiques amènerait plus de changement de comportement de la part d’individus que de la simple information[12].

Surtout qu’à l’heure actuelle, cela représente souvent plus une barrière sociale qu’une norme. On est influencé par notre idée que « les autres ne font rien » alors il est encore plus difficile pour nous d’accepter de faire des sacrifices à notre niveau. « Pourquoi moi et pas les autres ? »[13]

Seulement nous ne sommes pas seuls à agir ! Et se baser uniquement sur le fait que d’autres « font pire » n’a jamais fait avancer la société… Alors on se rebooste en regardant les actions de celles et ceux qui agissent déjà !

     > Voir notre sélection de ressources pour faire le plein d’espoir.

Un sentiment d’incapacité ou d’impuissance

« C’est trop tard », « ce n’est pas moi qui vais faire la différence », « la technologie va nous sauver »… Même si on a bien compris la crise climatique à venir, il n’est pas toujours aisé de garder sa motivation face aux enjeux. Ce sentiment d’impuissance est assez commun, il serait partagé par plus d’une personne sur trois[14] ! Pourtant, non, malheureusement, on ne peut pas se baser sur le fait que la technologie va nous sauver…  

La saturation d’informations quant au problème et aux solutions

Nous sommes inondé·es d’informations, partout et tout le temps. C’est ce que l’on surnomme parfois « l’infobésité » et ce problème touche aussi le domaine environnemental. Or, le trop plein d’information peut nous empêcher de passer à l’action. Pourquoi ? Fatigue, procrastination ou encore choix paradoxal (faire face à de nombreuses options peut paralyser les décisions)[15]. Il est difficile de prioriser l’action et de savoir où commencer[16].

     > Voir des idées pour alléger cette saturation d’informations.
 

Théorie du changement

Selon les diverses théories du changement, les êtres humains se situeraient dans un circuit amenant plus ou moins probablement à un changement selon les étapes dans lesquelles il est inscrit.

Dans le modèle transthéorique du changement, on voit que le changement n’est pas linéaire. Ce modèle comporte 6 étapes et on peut agir différemment selon celle à laquelle on se situe [17] :

  • Précontemplation : on n’envisage pas l’idée de changer. Peut-être n’a-t-on pas encore complètement conscience du problème, peut-être est-ce un manque de confiance dans sa capacité à changer.
    > Que faire ? On se renseigne sur pourquoi agir.
  • Contemplation : dans cette étape on a ENVIE de changer mais on fait face à de nombreux freins au passage à l’action.
    > Que faire ? On envisage comment on pourrait contourner les freins.
  • Préparation : on a l’intention de changer et on projette des actions à court terme. On commence à se renseigner / à prévoir un plan d’action.
    > Que faire ? On se renseigne concrètement sur les actions qu’on pourrait mettre en place.
  • Action : on commence à agir, on évalue les avantages et désavantages de ces changements. Il s’agit d’une phase instable car on peut facilement rechuter.
    > Que faire ? On teste des idées pour maintenir sa motivation et on s’entoure bien.
  • Maintenance : on est à ce stade après 6 mois de réussite de l’objectif. Il y a toujours un risque de rechute mais on a plutôt confiance dans notre capacité à maintenir le changement.
  • Terminaison : c’est quand on a intégré le changement dans son quotidien.
    > Que faire ? On passe à la suite : quels nouveaux comportements pourrait-on adopter ?

> Voir plus d'idées : Environnement : j’ai envie d’agir mais j’arrive pas à changer...
 

L’être humain a un fonctionnement complexe

De nombreuses théories tentent d’expliquer le (non) comportement des êtres humains dans certaines situations. Ce questionnement est au cœur de nombreuses disciplines telles que la psychologie, la sociologie, l’anthropologie… Pour certaines, les raisons se trouvent plutôt dans le fonctionnement du cerveau, pour d’autres dans la pression des pairs ou la façon dont la société est structurée…

Difficile de faire tout le tour de la question et de toutes les recherches en un simple article. Nos connaissances concernant le fonctionnement humain ne font qu’augmenter mais il y a encore tant à apprendre !  

Le sujet vous intéresse ? Voici une série de ressources pour aller plus loin.
 

Plus d’infos

 

[1] (Babutsidze & Chai, 2018)

[2] (Hines et al., 1987), (Bamberg & Möser, 2007) (Klöckner, 2013)

[3] « The belief-action gap in environmental psychology: How wide? How irrational? » Grandain A., Boon-Falleur M. & Chevallier C. (2021)

[4] « L’humeur écologique des Français », Fondation pour la nature et l’Homme (2023)

[5] Étude menée en France. « L’humeur écologique des Français », Fondation pour la nature et l’Homme (2023)

[6] « The belief-action gap in environmental psychology: How wide? How irrational? » Grandain A., Boon-Falleur M. & Chevallier C. (2021)

[7] « The belief-action gap in environmental psychology: How wide? How irrational? » Grandain A., Boon-Falleur M. & Chevallier C. (2021)

[8] « Changement climatique: comment libérer l’action citoyenne? » Geneva University Neurocenter par Tobias Brosch

[10] « Changement climatique: comment libérer l’action citoyenne? » Geneva University Neurocenter par Tobias Brosch

[11] « Leveraging social cognition to promote effective climate change mitigation” Boon-Falleur, M., Grandin, A., Baumard, N. and Chevallier, C. (2022).

[13] « Changement climatique: comment libérer l’action citoyenne? » Geneva University Neurocenter par Tobias Brosch

[14]L’humeur écologique des français” Fondation pour la nature et l’Homme (2023)

[16] « Changement climatique: comment libérer l’action citoyenne? » Geneva University Neurocenter par Tobias Brosch

Dernière mise à jour
05 février 2025
Mots-clés
Rédigé par
Elsa Derenne
Carol Kuza

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