Le prix est un obstacle à une alimentation durable. Comment concilier budget, santé et environnement ? Avec un régime flexitarien ! Explications.
60% des Européen∙nes souhaitent manger plus durable mais, pour 56%, le prix est le principal obstacle[1]. Ce constat ressortait aussi du sondage que nous avions effectué fin 2023[2].
Trois-quarts des personnes interrogées trouvent aussi que les aliments durables devraient être au même prix, voire moins chers, que les autres. Le système doit en effet évoluer pour que l’alimentation durable[3] devienne plus accessible. Il n’est pas normal que des aliments qui ont moins d’impact sur l’environnement et qui sont meilleurs pour la santé soient plus chers. Ou, autrement dit, que les aliments les moins chers soient souvent de mauvaise qualité.
Mais en attendant que l’offre alimentaire durable soit plus largement accessible, on fait quoi ? Une façon de contourner le problème est de consommer autrement, en particulier d’opter pour un régime flexitarien, c’est-à-dire moins riche en viande.
On fait le point sur notre assiette actuelle et ses problèmes puis on détaille à quoi ressemble un menu flexitarienne.
Sommaire :
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On va donc analyser deux choses : ce que l’on mange actuellement et ce que l’on pourrait manger à l’avenir. Le tout sur trois aspects : le prix, l’environnement et la santé. De là on verra à quelles conditions il est possible de concilier santé, environnement et prix.
Selon l'enquête alimentaire belge (qui analyse ce que l'on mange[4]), les adultes consomment trop d’aliments riches en calories mais pauvres en nutriments.
On mange ainsi trop de sucre, de sel et de graisses saturées (les « mauvaises » graisses). Et on ne consomme pas assez de bonnes graisses (oméga 3 et 6, polyinsaturées), de fibres, de minéraux (calcium, cuivre, iode, fer, magnésium, zinc, potassium…) et de vitamines (B1, B6, C, D et E)[5].
Ce constat est représenté dans la pyramide alimentaire ci-dessous. On y voit notamment que l’on consomme beaucoup trop « d’occasionnels » (produits sucrés, très transformés, alcool…) et trop de viande, mais clairement pas assez de fruits, de légumes, de céréales et de produits laitiers ou au soja enrichis en calcium.
Côté environnement, notre consommation alimentaire actuelle émet environ 5 kg d’équivalent CO2 par personne et par jour [7]. Idéalement, on devrait plutôt viser 2 à 2,5 kg[8]. C’est une fourchette car estimer les impacts environnementaux de l’alimentation est très difficile. De plus, il n’y a pas de chiffre précis à atteindre : si on émet un peu plus de gaz à effet de serre dans l’alimentation, on devra faire plus efforts dans un autre domaine (mobilité, chauffage…), et vice-versa.
> Lire aussi : « Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre de 50% ? »
Quoiqu’il en soit, il faudra réduire ces émissions liées à l’alimentation, le statut quo ne permettra pas d’atteindre les objectifs climatiques. L’alimentation représente en effet à peu près 14% de notre empreinte carbone[9], c’est donc un des poids lourds de notre empreinte carbone.
Avec cette façon de manger, on dépense 8,4€ par personne et par jour (d’après nos calculs basés sur des marques distributeur)[10]. Cela représente un peu plus de 3000 € par personne et par an[11].
Actuellement on a donc un régime alimentaire :
Si on veut à la fois améliorer le bilan santé, environnement et prix il faudrait :
Ceci de façon à obtenir une assiette qui s’aligne sur les recommandations nutritionnelles, génère moins de gaz à effet de serre et coûte moins cher.
Alors que se passe-t-il si on essaie de concilier environnement, santé et prix ? Voici ce que ça donne :
Dans cet exercice, on ne supprime aucune catégorie d’aliment (même les sodas)[12].
Comment y arrive-t-on ? Avec un régime flexitarien.
> Lire aussi : Flexitarien, végétarien, végétalien : quelles différences ?
Dans le menu flexitarien, il y a :
> Lire aussi : Par quelles protéines végétales remplacer la viande ?
Côté santé, les quantités ont été ajustées afin d’apporter au minimum les nutriments recommandés[13] (vitamines, protéines, minéraux…) et afin de ne pas dépasser les valeurs maximales pour certaines aspects (cholestérol, acides gras saturés…). Ce ne sont pas que des quantités théoriques, elles correspondent à un menu de la semaine qui reprend 35 repas différents (petit déjeuner, repas de midi, goûter, souper, dessert)[14].
Côté environnement, la quantité de gaz à effet de serre émis diminue de plus de 50% : elle passe de 35 à 15,4 kg équivalent-CO2 par personne et par semaine.
Côté prix, il passe de 58,8€ par personne par semaine (avec uniquement des produits de marque distributeur) à 52,7€ et ce avec 65% de produits locaux ou bio ou les deux ![15]. Le menu flexitarien en partie bio / local est donc 10% moins cher que le menu actuel en marques distributeur. Mieux encore : si on compare le menu flexitarien avec 65% de produits locaux ou bio au menu actuel avec uniquement des produits premier prix, le surcoût n’est que de 6%.
Moins cher, moins de CO2 et équilibré : manger flexitarien, ça fonctionne[16] !
L’idée n’est pas de déterminer ce que tout le monde devra manger demain. Pour la nutrition par exemple, il ne s’agit pas de déterminer un profil idéal qui convienne à tout le monde. Ceci ne tient pas compte non plus des conséquences qu’aurait un changement de régime alimentaire (sur les producteurs, la distribution, la possibilité ou pas de produire tel ou tel aliment en plus grande quantité…).
Cela reste donc un exercice théorique, mais qui montre qu’il est tout à fait possible de manger à la fois durable, sain et économique et cela dès aujourd’hui.
[1] « WWF Food Habits Survey 2023 », sondage effectué dans 11 pays européens, dont la Belgique (p30). Et ça ne fait qu’augmenter : on n’était « que » 47% à estimer en 2021 que le prix était un frein à une alimentation durable. Le prix est le frein n°1 bien devant d’autres freins comme l’étiquetage peu clair, la disponibilité de l’alimentation durable, le manque de connaissance sur comment manger durable etc. Une autre étude de l’Apaq-W, plus spécifique (circuit court et Wallonie) montre également que le prix est le premier frein à des achats plus durables (ici, en circuit court) (Produits locaux & Circuits courts, Apaq-W / Observatoire de la consommation, juin 2023).
[3] Il n’y a pas de définition officielle de ce qu’est une « alimentation durable ». On vous renvoie vers notre article « Comment manger durable et choisir entre bio, local, équitable ? » et vers le référentiel wallon qui reprend 6 axes principaux pour une alimentation durable : Garantir la disponibilité et l’accès de tous à une alimentation relevant d’un système alimentaire durable, Contribuer à la bonne santé et au bien-être des citoyens, Générer de la prospérité socio-économique, Préserver l’environnement, Offrir un niveau de connaissances et de compétences élevé en matière de système alimentaire durable, Mettre en œuvre des mécanismes de gouvernance responsables et efficaces.
[4] Enquête auprès des Belges, réalisée par Sciensano, sur leurs habitudes de consommation. L’enquête est déclarative (les données sont ce que les personnes interrogées répondent sur un questionnaire). Des biais sont donc possibles, mais c’est ce qui a de plus complet en la matière et c’est certainement plus précis que les chiffres de consommation alimentaire que l’on peut tirer de bilans statistiques. On peut en effet mesurer les quantités d’aliments consommés au moins de deux façons : en demandant à x personnes ce qu’elles consomment (par ex. comme le fait l’enquête de Sciensano) ou en divisant par la population la quantité d’un aliment qui « reste en Belgique » et y est a priori consommé. Dans ce cas on additionne la production nationale d’un aliment et les importations du même aliment. De cette somme on retire les exportations. Le résultat est ensuite divisé par le nombre de personnes en Belgique et cela donne une consommation moyenne. Ces deux façons de faire donnent des résultats différents. Pour la viande par exemple le chiffre statistique donne une consommation de 168g par jour (consommation humaine apparente de viande commercialisable) en 2016 alors que l’enquête de consommation donne un chiffre de 115g pour les adultes.
[5] Source : « Towards a sustainable, healthy and affordable Belgian diet » (en anglais), étude du WWF Belgique de 2021 qui reprend les chiffres (adaptés) de l’enquête alimentaire belge de 2014-2015.
[6] Source : Enquête alimentaire 2014-2015 (Sciensano), dernière enquête en date.
[7] D’après nos calculs, notamment grâce à la base de données Agribalyse[7] qui donne, pour 2500 aliments différents, leur impact environnemental. Pour simplifier, on ne reprend ici que la quantité de gaz à effet de serre émis exprimés en équivalent-CO2. On a aussi calculé l’impact global, mais ce n’est pertinent qu’en comparant des régimes alimentaires, pas comme chiffre absolu. Dans son étude de 2021 le WWF Belgique avait estimé que notre consommation alimentaire émettait 4,81 kg éq. CO2 par personne et par jour.
[8] D’ici 2030 on doit baisser nos émissions de 50% (par rapport à 2018). On n’a malheureusement pas de données actualisées tous les ans en matière d’émissions liées à la consommation alimentaire des Wallons et Wallonnes. On a donc ici une production de 5,1 kg éq. CO2 par personne et par an sur base de données de consommation alimentaire relevées entre 2014 et 2015 et comparées à des émissions de 2018. Cela donne donc une valeur qui tourne autour de 2,5 kilos. L’étude « Future-proof and sustainable healthy diets based on current eating patterns in the Netherlands » (2020) avait d’ailleurs étudié plusieurs scénarios dont un à 2,04 kg éq.CO2pp/jour et un autre à 2,5 kg éq.CO2 afin de ne pas dépasser 1 ,5 °C de réchauffement global.
[9] Chiffres de la plateforme wallonne du GIEC : 2,2 t (hors Horeca) pour une empreinte totale de 16,1t.
[10] Prix relevés chez Colruyt en mai 2024. La marque « distributeur » permet d’avoir un prix qui est entre celui des aliments premier prix et les marques et/ou les aliments bio.
[11] Ce qui est assez cohérent avec les moyennes calculées par Statbel : on dépense en moyenne 2554€ par an et par personne en Belgique pour l’alimentation (sans compter les alcools). Cela représente 13,9% du budget des ménages qui est consacré à l’alimentation (Statbel 2023, chiffres 2022). Si on reprend nos calculs (3000€/an), cela donne 11,3% du salaire médian wallon calculé sur base annuelle. Chiffres salaire médian : 3100 € bruts pour un temps plein dans le secteur privé (source : Le Soir / SD Worx, mars 2024). Calcul du net via https://www.lacsc.be/outil-de-calcul/salaire-brut-net (employé). Le salaire médian coupe la population en deux : 50% des Wallons gagnent moins que 3100 € bruts par mois pour un temps plein, 50% gagnent plus. Le chiffre du salaire en tient pas compte des primes, bonus, avantages extra-légaux etc, uniquement le salaire mensuel.
[12] Les boissons alcoolisées ne sont pas reprises dans les comparaisons.
[13] 40 valeurs nutritionnelles ont été reprises, des calories aux protéines, en passant par les minéraux, les vitamines, le cholestérol, les bons et mauvais acides gras etc.
[14] Le menu de la semaine n’est pas développé ici.
[15] Les produits locaux et/ou bio ont été choisis dans toutes les catégories mais surtout dans les produits non transformés comme les fruits, les légumes ou la viande fraîche (où le choix est souvent large dans les circuits « alternatifs »). En effet, selon l’aliment envisagé, le prix en circuit court / bio / local peut être le même voire moins cher qu’en grande surface. Pour d’autres catégories – souvent des produits transformés – le prix est plus élevé en circuit court / bio / local. Attention qu’on compare ici des prix par catégorie d’aliment, pas par qualité, ce qui désavantage les produits que l’on trouve en circuit court / bio / local.
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