Impact sur l'environnement, atteinte au bien-être animal... Les fibres naturelles animales sont-elles écolo ? Quels sont leurs avantages et inconvénients ?
Sommaire
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C’est parti pour un petit tour d’horizon des matières textiles animales avec lesquelles on fabrique nos vêtements. On parlera de leur fabrication, de leur origine et de leurs conséquences sur l’environnement et le bien-être animal.
Les fibres naturelles sont des produits de la nature et qui ne nécessitent pas de manipulation chimique pour être transformées en fibres.
Parmi les fibres naturelles, on trouve les fibres animales, dont on parle ici (issues d’animaux ou d’insectes) et les fibres végétales (issues de plantes).
Classification des fibres textiles naturelles
Les matières textiles animales sont des poils, plumes, peaux ou sécrétions d’animaux ou d’insectes.
La production des fibres et matières animales ont souvent des conséquences néfastes :
Voici un tableau récapitulant les avantages et inconvénients de ces fibres. On passe ensuite en revue les matières une à une.
Fibre |
Écologique ? |
Bien-être animal |
Avantages |
Inconvénients |
Cuir |
(si sous-produit de l’industrie de la viande) |
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Soie |
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Duvet |
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Duvet recyclé |
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Laine de mouton/ mérinos |
(si sans mueseling) |
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Laine recyclée |
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Laine d’alpaga ou de vigogne |
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Laine de chèvre cachemire |
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Laine de chèvre angora (mohair) |
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Laine de lapin Angora |
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Fourrure |
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> Lire : Mites de vêtements : astuces pour les éviter et s'en débarrasser
Le cuir est fabriqué à base de peau animale. Le plus courant est le cuir de vache mais on trouve aussi du cuir de chèvre, de chamois, de cheval, de cerf… ainsi que des cuirs dits « exotiques » comme de crocodiles, de serpents… La majorité des cuirs proviennent de peaux que l’on va récupérer dans des abattoirs où les animaux sont tués à des fins alimentaires.
De l’animal au cuir
Pour arriver au cuir tel que l’on connait aujourd’hui, les peaux vont passer par une série de procédés dont le tannage (un bain de substances nommées « tannins » végétaux ou minéraux).
Sans surprise, on retrouve des traces d’utilisation du cuir à l’ère préhistorique. Les populations préhistoriques utilisaient la peau et les fourrures des animaux qu’ils avaient chassés pour se nourrir.
Les pays plus grands producteurs de cuir sont la Chine et le Vietnam.
Les élevages d’animaux (et en particulier ceux des vaches), émettent de nombreux gaz à effets de serres. Hors d’élevage, les pratiques de braconnage contribuent au déclin de certaines d’espèces.
On utilise également beaucoup de substances chimiques polluantes lors de la transformation de la peau pour qu’elle devienne imputrescible (qu’elle ne pourrisse pas). Le tannage, par exemple, est principalement réalisé à base de chrome.
La production du cuir nécessite la mort d’un animal pour récupérer sa peau. De nombreux scandales au niveau des conditions d’élevage ont éclaté ces dernières années.
Des alternatives végétales au cuir se multiplient, on les appelle des « simili cuir ». Elles peuvent être à base de marc de raisins (Vegea®), d’ananas (Piñatex®), de liège, de pommes, d’eucalyptus, de champignons…[1]
On peut aussi opter pour du cuir de seconde main, upcyclé (fabriqué à base de déchets ou de chutes de l’industrie[2]) ou recyclé (le processus de recyclage implique de le broyage de cuir mélangé à du caoutchouc naturel[3]).
La soie de culture est majoritairement produite par les « vers à soie » qui sont en réalité les chenilles d’un type spécifique de papillons, le « Bombyx du mûrier ». Son nom lui vient de son alimentation, constituée principalement de feuilles de mûrier. La soie provient du cocon que crée la chenille en vue de devenir un papillon (à base d’un seul fil mesurant de 1 à 2 km de long !).
Soie, papillons Bombyx, cocon et tissus
Selon son tissage on peut alors l'appeler satin, taffetas ou encore crêpe.
Domestiqués depuis des millénaires, ces papillons se sont petit à petit transformés et certains d’entre eux sont actuellement incapables de voler.
La Chine est le premier pays producteur suivi par l’Inde et le Japon.
La soie est un tissu fin, doux et brillant. Il s’agit d'une matière luxueuse. C’est de la soie que provient l’adjectif « soyeux/se ».
Les engrais, pesticides et autres substances chimiques utilisés lors des cultures de la soie sont problématiques.
Dans la majorité des cas, on tue les chenilles afin de récupérer leurs cocons par un bain de vapeur ou d’eau chaude… Le bien-être animal est donc largement entaché.
La technique de « Peace silk » ou « Ahimsa Silk » est une alternative plus respectueuse des insectes. Les producteurs attendent que les papillons sortent de leurs chrysalides, quitte à endommager le fil[5].
Des études sont également réalisées pour étudier la possibilité d’utiliser de la soie d’araignée ou encore d’acariens[6].
Pour avoir un effet similaire à la soie, on peut opter pour la fibre de chanvre qui est également brillante, ainsi que le Lyocell.
La laine est une fibre animale (poils) produite notamment par :
La qualité de la laine varie selon la race de ces animaux. La race de mouton la plus réputée pour sa laine est le mouton « Mérinos », élevé en Australie.
Pas besoin de tuer l’animal pour prendre la laine. La tonte est réalisée une fois par an et permet de couper les poils des moutons. Les moutons, tels qu’on les connait aujourd’hui, on besoin d’être tondus une fois par an car leur lainage ne s’arrête pas de grandir. Un mouton qu’on ne tond pas serait donc dissimulé sous ses poils. Ceci est cependant dû à sa domestication et à la sélection des races produisant le plus de laine.
La laine peut être produite à partir du moment où l’endroit est adapté au pâturage des moutons.
Laine : de la parure à la bobine
On utilise également de la laine pour produire du « feutre », très utilisé pour fabriquer des chapeaux. Dans ce cas, la laine est non tissée et provient souvent de lapins.
Le saviez-vous ? Contrairement aux croyances, la laine est hydrophobe. L’eau (sous format liquide) ruisselle sur la laine. C’est pour cette particularité qu’on l’utilise parfois comme culotte imperméable pour certains langes lavables.
Après la tonte, on passe au nettoyage de la laine (on enlève les impuretés comme la terre, la paille…) et ensuite à l’étape du cardage[7] (démêlage des fibres), de peignage et/ou de filage.
On utilise la laine depuis plusieurs millénaires. Sa commercialisation a été une partie importante de l’économie pendant de nombreuses années, jusqu’à l’arrivée de concurrents comme la soie et le coton.
L’Australie est le plus grand producteur de laine avec la Chine et la Nouvelle-Zélande.
Comme pour toutes les matières animales, les chèvres, moutons et alpagas vont libérer des gaz à effets de serre (dont du méthane) tout au long de leur élevage.
À partir du moment où on réalise des élevages intensifs, le bien-être animal est altéré.
Certains pays (comme l’Australie, Nouvelle-Zélande…) pratiquent le mulesing sur les moutons dont la fourrure très dense est propice à la ponte de parasites. Cette intervention préventive est très douloureuse pour l’animal et souvent réalisée sans anesthésie. On retire la peau située autour de la queue des moutons pour éviter la prolifération de la myiase (présence sous-cutanées de larves de mouches qui altère la qualité de la laine)[8]. Rien n’oblige l’éleveur à préciser si cette pratique à été employée ou non.
En Europe, heureusement, la pratique du mulesing n’est pas nécessaire et est, de toute manière, interdite.
Les labels GOTS, Responsible Wool Standard (RWS) et ZQ Merino ne sont donnés qu’aux vêtements en provenance d’élevages sans mulesing. Opter pour de la laine belge co-produit de l’élevage peut-être intéressant[9].
On peut aussi opter pour la laine recyclée ! Il suffit d’un recyclage mécanique (non chimique) pour fabriquer de la nouvelle matière première. Sinon, les matières naturelles végétales peuvent être de bon isolants.
> En apprendre plus sur la laine dans l’article La laine chaudement recommandée
Le duvet est constitué des petites plumes de canards ou d’oies, que l’on trouve sur la partie ventrale des oiseaux nordiques. On prélève les plumes des canards sur l’animal lorsqu’il est décédé ou on les récolte lors de la mue naturelle. Les oies quant à elles sont parfois plumées vivantes.
On utilise le duvet comme isolant dans des vestes, des doudounes, des sacs de couchage…
Plumes et duvet
La qualité, le poids et le prix varient fortement d’un duvet à un autre. On peut savoir à quel point le duvet est de bonne qualité (c’est-à-dire s’il est un bon isolant) en fonction de son « pouvoir gonflant ». On mesure ce pouvoir gonflant en unité « cuin » (allant de 400 et 1000), déterminant le volume pour un poids donné. Par conséquent plus le pouvoir gonflant est élevé, plus le pouvoir isolant l’est également. C’est-à-dire que pour obtenir un pouvoir isolant similaire (0 C° par exemple), plus on prend un duvet ayant un cuin élevé, plus notre vêtement (ou sac de couchage) sera léger.
Après avoir récolté les plumes (plumage, arrachage ou collecte), on les lave et on les brosse. On classe alors les différents duvets selon leur qualité et leur taille.
L’utilisation du duvet comme isolant est connue depuis longtemps, les romains l’utilisaient déjà dans les literies. L’apparition du duvet dans les textiles et de la « doudoune » qu’on connait est pourtant beaucoup plus récente. Au 20ème siècle, l’aventurier Eddie Bauer créé une veste très chaude rembourrée avec du duvet pour l’une de ses expéditions.
Les plus grands producteurs de duvet sont la Chine ainsi que des pays d’Europe de l’Est (Pologne, Ukraine…).
Peu d’études sont réalisées sur l’impact environnemental du duvet mais l’étude la plus connue sur le sujet a évalué le duvet comme ayant bien moins d’impact que les rembourrages en polyester[10].
Le bien-être animal est ici aussi entaché. On pense à la cruauté de la plumaison d’oies vivantes, encore autorisée dans certaines régions. Le duvet est surtout récolté après que l’oiseau ait été tué. Même si dans la majorité des cas le duvet est un « sous-produit » de l’industrie de la viande, il s’agit quand même d’une récolte de plumes sur le corps d’un animal mort.
Le label Responsible Down Standard (RDS) permet de garantir une certaine protection lors de l’élevage et de la production de duvet par les oies et canards.
En Islande, le duvet « Eider » est récolté sur les nids des canards après la naissance des petits. La femelle se les arrache pendant la ponte afin de s’assurer que ses œufs restent au chaud. On ne touche donc ici pas aux oiseaux. Ce type de duvet est très recherché et, par conséquent, très cher.
Pour un choix encore plus écolo et respectueux des animaux, on opte pour du duvet recyclé ! Le label Global Recycled Standard permet d’y voir plus clair.
Certaines marques cherchent également à utiliser des alternatives vegan comme des fleurs séchées, des bioplastiques à base de maïs, des déchets (plastiques, cigarettes…)[11]...
La fourrure est la peau des animaux garnie de ses poils ou, plus rarement, de duvet ou de plumes[12]. Les fourrures d’animaux les plus vendus sont les « visons », nom de plusieurs espèces appartenant à la famille des Mustélidés (comme les belettes, hermines, furet…). On trouve aussi des fourrures de phoques, de renards, chinchillas, ratons-laveurs…
Vison : l’animal et sa fourrure
Une fois que l’animal est mort, on procède au dépeçage pour séparer la peau des organes de l’animal. La fourrure est ensuite nettoyée et, tout comme le cuir, va être tannée afin de la rendre « imputrescible » (c’est-à-dire qu’elle ne pourrira pas).
La fourrure est utilisée depuis la préhistoire. Par la suite, elle est devenue signe de réussite et caractéristique d’une classe sociale élevée.
C’est à l’arrivée du « prêt à porter » au 20ème siècle que la demande de fourrure a explosé. Son succès était tel que certaines populations d’animaux sauvages se sont raréfiées tant elles étaient chassées pour leur fourrure. Des élevages, aussi appelés « fermes à fourrure » sont apparus. Ils représentent 80 % du marché de la fourrure.
En Belgique, depuis 2023, les fermes à fourrures sont interdites[13].
La fourrure est très chaude, à tel point qu’elle est toujours utilisée dans des régions connaissant des climats extrêmes comme par exemple les Inuits[14].
L’impact environnemental des élevages est problématique[15]. Si la fourrure provient de la chasse (et non d’un élevage), c’est la question de la diminution des espèces, parfois déjà en voie d’extinction qui ressort.
La fourrure n’est pas, contrairement au cuir, liée à l’industrie de la viande, ce qui fait que ces animaux sont élevés/chassés et tués spécifiquement pour leur fourrure. Les conditions d’élevage sont également critiquées.
Il existe de nombreux textiles isolants et thermorégulateurs adaptés aux températures et ayant moins d’impacts au niveau environnemental et du bien-être animal.
On peut, par exemple, se tourner vers le duvet ou la laine (que l’on peut toutes deux retrouver en matière recyclée).
À défaut, on opte pour de la fourrure en seconde main afin d’éviter les impacts à la production.
Un focus sur chacune de ces matières :
Comprendre les différents types de fibres
[2] « Qu’est ce que le cuir upcyclé ? » We Dress Fair
[3] « Qu’est ce que le cuir recyclé ? » We Dress Fair
[4] « Les 4 étapes : du cocon à l’étoffe » Musée de la soie
[5] « Qu'est-ce que la soie Peace Silk ou Ahimsā Silk ? » Moochild
[6] « La soie d’araignée, innovation textile biodégradable et sans cruauté animale » The Good Goods (2020) et « La soie d’acarien » Textile Addict
[7] Fun fact, le mot cardage vient de « chardon ». Autrefois, on utilisait des chardons pour nettoyer la laine de ses impuretés et la rendre plus douce.
[8] " Le problème du museling dans la laine" The Good Goods https://www.thegoodgoods.fr/mode/le-probleme-du-mulesing-dans-la-laine/
[9] “Filière laine : quel potentiel en Wallonie ? » Valbiom (2023)
[10] « Down: Better for the environment” IDFB (2019)
[11] « Flowerdown Material page »Pangaia ,“Produits recycles” TchaoMégot
[14] « Couture et vêtements traditionnels » Atlas des peuples autochtones du Canada
[15] “La fourrure est-elle durable et respectueuse de l’environnement? Que du contraire ! ” Wear it kind (2019) et « La vraie fourrure, bien plus nocive pour l’environnement que la fausse » Gaia (2013)