D’origine végétale, réutilisable, incassable, avec une image écolo, la vaisselle en bambou a tout pour plaire. Mais on a vu fleurir ces dernières années de nombreux articles composés d’un mélange de bambou et d’une résine plastique, la mélamine. Et ça pose problème.
 

D’importantes migrations de composés nocifs

De nombreux plastiques « libèrent » des composés dans les aliments qu’ils contiennent. C’est un phénomène connu, c’est pourquoi ces migrations sont encadrées par des normes, afin qu’on ne mange pas (trop) de composés toxiques.

> Pour en savoir plus, voir notre brochure Le plastique c’est pas automatique, en particulier le tableau sur les utilisations du plastique.

Le souci c’est que la vaisselle qui mélange bambou et mélamine a des taux de migrations de mélamine et de formaldéhyde trop importants, d’après une étude allemande du BfR. [1] Les maximums de migrations détectés pouvaient dépasser jusqu’à 60 fois la norme autorisée pour les matières plastique en contact avec des aliments. L’ajout de bambou « perturbe » la matière plastique et augmente les migrations venant de cette dernière. [2]

Ainsi, les tests ont révélé que :

  • 31% des produits en bambou mélaminé dépassaient la norme admise pour le formaldéhyde (contre 6% des produits en mélamine normale – puisqu’on fait aussi de la vaisselle en mélamine « pure ») ;
  • 35% des produits en bambou mélaminé dépassaient la norme pour la migration de mélamine (contre 15% des produits en mélamine normale).
     

Quel est le danger ?

Le formaldéhyde et la mélamine sont cancérigènes.[3]

Dépasser la norme de migration n’est donc pas une bonne idée. Mais cela devient surtout problématique si ces migrations font qu’on ingère ces composés cancérigènes en trop grandes quantités au quotidien.[4] Et c’est aussi ce que met en avant l’étude : si on consomme des aliments dans de la vaisselle en bambou mélaminé, on peut dépasser la dose journalière admise pour ces composés.

Le risque est d’autant plus élevé que l’on consomme des aliments chauds, gras ou acides. Les tests du BfR ont d’ailleurs été conduits avec des boissons chaudes (à 70°C) et légèrement acides (comme du café) pendant deux heures. Ce qui est d’autant plus un souci quand on sait que ce bambou mélaminé est notamment utilisé pour fabriquer des gobelets réutilisables pour boissons chaudes.

> Lire aussi : Pourquoi et comment éviter les contenants en plastique pour l’alimentation ?

Le bambou mélaminé est aussi très courant pour la vaisselle pour les jeunes enfants, qui sont un public particulièrement sensible et à protéger. La NVWA (l’AFSCA des Pays-Bas) enfonce d’ailleurs le clou : elle considère que la norme actuelle de migration du formaldéhyde – même respectée, donc - est trop élevée en regard de ce que de jeunes enfants pourraient absorber quotidiennement. [5]

> Lire aussi : Comment éviter les perturbateurs endocriniens dans l’alimentation ?
 

La vaisselle en bambou mélaminé n’a en fait… jamais vraiment été autorisée !

Le plus fou est encore à venir.

Tout produit plastique en contact avec des aliments doit répondre aux critères prévus par la législation européenne.[6] Or, celle-ci – dont la dernière mouture date de 2011 – n’autorise pas explicitement le bambou comme substance dans les produits en plastique en contact avec des aliments.[7] Ce qui s’en rapproche le plus dans la liste autorisée ce sont les « farine et fibres de bois, non traitées ». Outre le fait que ça n’est pas très clair[8], l’EFSA a récemment indiqué qu’il n’y avait pas vraiment eu d’évaluation de cette autorisation[9] et considère que même les fibres de bois devraient faire l’objet d’une autorisation au cas par cas et non être autorisées comme catégorie générale.

Bref, non seulement le bambou n’était pas autorisé, mais en plus ce qui s’en rapprochait le plus est lui-même sujet à caution.

Tout ça a finalement poussé différents états à réagir, dont tout récemment la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.[10]

Une image écologique trompeuse

Le succès de cette vaisselle est sans doute aussi lié au souhait des consommateurs de trouver des alternatives plus écologiques à la vaisselle en plastique. La vaisselle en bambou est souvent vendue comme meilleure pour l’environnement, à grand renfort d’adjectifs comme « naturel » ou « biodégradable ».

C’est vrai pour la fibre de bambou mais pas pour le produit fini une fois mélangé à la mélamine. On ne rend pas du plastique naturel ou biodégradable en y ajoutant simplement du bambou !

Un descriptif comme celui ci-dessous est donc mensonger et s’apparente à du greenwashing :

Les arguments écologique du bambou mélaminé : du greenwashing

Source : site belge de vente en ligne, février 2021.
 

Et la mélamine dans tout ça ?

La vaisselle en mélamine « pure » existe aussi. Si les tests du BfR montrent que les normes de migrations sont plutôt bien respectées par la vaisselle en mélamine, il n’en reste pas moins que  l’AFSCA a procédé en 2020 à 16 rappels de produits[11] pour dépassement de norme. Seuls 3 d’entre eux étaient en bambou mélaminé, les autres étaient en mélamine classique. On rappelle que la NVWA estime que cette norme, même respectée, est trop élevée pour les jeunes enfants.

Par précaution, on évite donc la mélamine pour la vaisselle en contact avec des aliments chauds, gras ou acides.
 

Quels sont les produits incriminés ?

Le danger et l’interdiction de vente concernent uniquement la vaisselle composée d’un mélange de bambou et de mélamine.

Comment la reconnaître ? Et peut-on utiliser sans danger de la « simple » vaisselle en bambou ou en mélamine ?

Reconnaître le bambou mélaminé

De haut en bas : bambou, mélamine, bambou mélaminé (source : AFSCA).

 

  • La vaisselle en bambou est facilement identifiable car elle a l’aspect du bois.
    Le « vrai » bambou, même vernis, n’est pas concerné par cette interdiction de vente. Il doit répondre d’une autre législation sur le contact alimentaire.[12] À notre connaissance, le bambou vernis ou peint ne présente pas de problème de migration spécifique.
  • La mélamine est un plastique dur, souvent assez brillant et coloré.
    Une grande quantité d’articles de vaisselle en plastique destinés aux enfants, au camping ou aux pique-niques est en mélamine.
  • La vaisselle en mélange de bambou et de mélamine met souvent en avant sa composition en bambou mais son aspect est mat et très uni comme un plastique. Ses risques ont déjà été largement décrit ci-dessus. C’est la seule vaisselle parmi les trois à être interdite.
     

Par quoi remplacer le bambou mélaminé ?

On peut garder le bambou mélaminé que l’on aurait chez soi pour des usages non alimentaires ou pour des aliments froids, ni gras, ni acides.

Pour le reste, on opte pour les grands classiques :

  • La faïence et grès (la vaisselle « en dur »).
  • Le verre est totalement neutre. On trouve même des gourdes et des tasses à emporter enrobées dans un pochon en tissu ou en silicone pour limiter la casse.
  • Si on a besoin d’un produit vraiment incassable, l’inox est incontournable. On le préfère à l’aluminium.

> Voir plus d’idées : Comment faire des pique-niques et collations zéro déchet ?
 

Lire aussi

 


[1] Étude 2019 du BFR (Allemagne) : Gefäße aus Melamin-Formaldehyd-Harz wie „Coffee to go“ Becher aus „Bambusware“ können gesundheitlich bedenkliche Stoffe in heiße Lebensmittel abgeben.

[2] Reusable bamboo mugs leach dangerous amounts of formaldehyde and melamine (ChemistryWorld, décembre 2019)

[4] La norme de migration indique la limite de migration d’un composé vers un aliment, généralement exprimé en quantité de composé par kilo d’aliment. La dose journalière admise indique quelle quantité d’un composé donné on « peut » absorber par jour sans risquer de problèmes de santé. Autrement dit la DJA exprime plus un « risque réel » lié à une consommation effective. Même si bien sûr tout ça est basé sur des moyennes, pas sur des situations particulières (une personne qui consommerait 32 cafés dans un gobelet en bambou mélaminé par jour par ex.).

[5] Advisory Report from the Director of the Office for Risk Assessment and Research concerning the Health Risks of Bamboo Cups (février 2021, en anglais).

[6] Règlement (UE) n ° 10/2011 de la Commission du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires (version consolidée en 2020).

[7] La note du « Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale – Scopaff » (groupe d’experts de la Commission européenne) indique clairement que « L’utilisation de bambou ou de tout autre additif dans la fabrication de matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires, par exemple pour remplir ou renforcer la matière plastique, requiert une autorisation conformément aux articles 9 à 11 du règlement (CE) nº 1935/2004. Cette autorisation doit être accordée et établie à l’annexe I du règlement (UE) nº 10/2011 de la Commission avant que ces additifs puissent être utilisés dans la fabrication de matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires et dans le produit obtenu, mis sur le marché. Aucune autorisation de ce type n’a été accordée pour le bambou. ». Note du 23 juin 2020

[8] Et c’est l’EFSA qui le dit.

[9] Update of the risk assessment of ‘wood flour and fibres, untreated’ (FCM No 96) for use in food contact materials, and criteria for future applications of materials from plant origin as additives for plastic food contact materials (EFSA, 2019). Le bois était visiblement considéré comme inerte et déjà utilisé pour d’autres usages alimentaires. La mention du bois comme additif autorisé remonterait à un premier texte de 1995.

[10] Deux articles pour compléter la note du Scopaff : celui du SPF environnement sur le sujet (décembre 2020) et celui de l’AFSCA (février 2021). Les « AFSCA » du Benelux ont même fait une déclaration commune rappelant l’interdiction et l’obligation de se mettre en conformité pour les opérateurs concernés (importateurs…).

[11] Rappels 2020 sur afsca.be.

[12] Règlement 1935/2004 concernant les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires (version consolidée en 2009), dont le 10/2011 est un développement précisant le contact alimentaire des matières plastiques.

 

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