Transport, construction de stades… Quel est l’impact des événements sportifs sur l’environnement ? Coupe du Monde, JO, compétitions... On fait le point.
Le monde sportif est de plus en plus critiqué à cause de ses impacts sur l’environnement. Émissions de gaz à effet de serre dus à la construction de stades et au déplacement de milliers de supporters et supportrices, contribution à la pollution plastique, polluants persistants dans les textiles sportifs… la liste est longue.
Peut-on réellement réduire l’impact du monde sportif sur l’environnement ? Tour d’horizon des différents impacts, leviers d’actions et d’initiatives inspirantes.
Sommaire
NB : des idées de ressources pour les clubs et associations organisatrices d’évènements se trouvent en bas de l’article.
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Les grands évènements sportifs, et surtout ceux qui se déroulent à l’international, ont des impacts environnementaux et sociétaux importants. On pense aux Jeux olympiques, aux Coupes du Monde des différentes disciplines, à des grands tournois ou encore à des compétitions nationales regardées à l’international.
Quelques exemples :
Le tableau n’est pas bien rose...
> Mais quels sont les impacts du sport pratiqué de manière individuelle ? On les retrouve dans l'article : Quel est l'impact du sport sur l'environnement?
Plusieurs études ont calculé les émissions de gaz à effets de serre (GES) produites par certains évènements de grande ampleur. Et plus le nombre de supporters et supportrices est important, plus les émissions de gaz à effet de serre augmentent.
Les émissions de GES sont les plus grandes contributrices du changement climatique. On se base donc sur elles pour étudier la situation et identifier les leviers sur lesquels on peut agir.
Spoiler alert : en tant que supporters et supportrices, on a un rôle à jouer !
On reprend sur ce graphique des données du travail de The Shift Project[7]. Pour les évènements sportifs de grande ampleur, les émissions calculées vont de plusieurs milliers à plusieurs millions de tonnes d’équivalent CO2 (CO2e).
Les émissions des Jeux olympiques de Londres et de Rio, événements les plus émetteurs depuis 2007, sont estimés à plus de 3 millions de tonnes de CO2e. Mais est-ce beaucoup par rapport aux émissions mondiales ?
En comparaison, nous avons indiqué en jaune les émissions territoriales de GES émise par Malte (518 536 habitant·es en 2020), évaluées à 2,1 millions de tonnes de CO2e pour l’année 2021[8]. On se rend donc rapidement compte que les évènements sportifs ont un impact important, surtout quand on pense qu’ils se déroulent seulement sur quelques semaines !
Mais qu’est ce qui pollue le plus dans ces évènements sportifs ? La construction des infrastructures ? Le déplacement du public ? L’alimentation de tout ce beau monde ?
Le graphique ci-dessous[9] nous indique les sources d’émissions de GES lors d’un match ayant lieu dans un stade de 35 000 places.
Source : calculs provisoires The Shift Project
En tête, le transport des spectateurs et spectatrices suivi de très (très) loin par l’alimentation et les boissons. En troisième position on trouve le transport de l’équipe sportive et encadrante.
Les déplacements des supporters et supportrices
Que cela soit pour les évènements sportifs de grande ampleur ou des matchs plus locaux, c’est le transport des spectateurs et spectatrices qui a le plus d’impact en termes d’empreinte carbone. Les transports représentent en moyenne minimum 60 % des émissions totales d’un match. Cela peut monter jusqu’à 80 % pour une compétition internationale[10].
Les principaux coupables ?
C’est donc le transport que l’on peut avoir le plus d’impact. En attendant des changements structurels (augmentation de l’offre des transports en commun, adaptation des horaires, prix attractifs…) on peut mettre en place des changements au niveau individuel (privilégier le covoiturage, la mobilité active…). Des initiatives intéressantes se lancent dans certaines villes pour favoriser des modes de mobilité douce (voir ci-dessous).
Constat positif : on fait en moyenne un peu plus de co-voiturage pour des évènements sportifs que pour nos autres trajets ! Cela dit, on a encore de la marge car les voitures transportent en moyenne 1,9 à 2,6 personnes (selon la longueur du trajet).
Les déplacements des athlètes et du staff
L’impact du déplacement des athlètes et de leur staff n’est pas gigantesque sur le total des émissions d’un match (3 % en moyenne). Mais l’influence de leur choix de mode de transport sur les comportements de leurs fans n’est plus à démontrer.
Nos stars du sport ont tout de même souvent une empreinte carbone bien plus importante que la moyenne des gens, et ce, en grande partie à cause des trajets en avion[11]. Une étude a calculé que pour l’Euro de football 2024, éviter l’avion permettrait aux équipes de diminuer leur empreinte carbone de minimum 60 %.
Cela dit, tout ne dépend pas de l’équipe. Le calendrier sportif joue un grand rôle également sur le choix des transports. Encore un levier de changement intéressant !
L’alimentation et les boissons représentent en moyenne 15 % des émissions d’un match. Comment est-ce possible ?
On le sait, l’alimentation émet des GES, surtout quand elle contient des aliments d’origine animale. Or, à l’heure actuelle, l’alimentation proposée autour des stades contient très souvent de la viande (burgers, pains saucisses…), dont une grande partie de viande « rouge » (ici de bœuf), aliments les plus émetteurs. Ces repas à base de viande rouge comptent pour 76 % des émissions de GES dues au poste « Alimentation et boissons », alors qu’ils ne représentent « que » 50% de des ventes.
On comprend cela grâce aux chiffres d’impact CO2 ci-dessous montrant les équivalences d’émissions de CO2 pour des repas en fonction du régime alimentaire.
Comparatif des émissions de GES des différents régimes alimentaires
Illustration : écoconso - Source : Impact CO2
Alors comment diminuer l’impact de l’alimentation sur les événements sportifs ? En favorisant le végétal et en privilégiant les aliments locaux, de saison. Et c’est ce que certains évènements commencent à faire !
Les boissons émettent moins de GES que l’alimentation. Mais elles sont souvent vendues en nombre lors de ces d’évènements festifs, ce qui augmente leur impact. Les boissons alcoolisées, en particulier, ont souvent une place importante dans les évènements sportifs[12]. Et la bière est une des boissons les plus émettrices de CO2, devant le café et les sodas (chiffres français).
Comparatif des émissions de GES dues aux boissons
Illustration écoconso Source Impact CO2
Les infrastructures sportives sont normalement destinées à durer. Les émissions liées à leur construction ne sont en principe « pas si importantes » en comparaison avec les autres postes des événements sportifs.
Les émissions de GES du stade sont divisées par le nombre d’utilisations de ce stade… et sont donc « amorties » sur plusieurs années.
Alors quel est le vrai problème ? La construction de stades expressément pour certaines grandes compétitions internationales. Dans ce cas, la création d’un bâtiment engendre des émissions bien plus importantes (environ 30 % des émissions de l’événement en lui-même)[13]. Et les stades sont souvent constitués de béton et d’acier, matériaux de construction particulièrement polluants (leur procédé de fabrication étant fortement émetteur de CO2[14]).
Existe-t-il des alternatives ?
Quand c’est possible, on organise les évènements dans des infrastructures déjà présentes. On peut même choisir le lieux (ville, pays) où aura lieu la compétition en conséquence.
S’il est réellement nécessaire de construire un nouvel édifice sportif, on devrait favoriser l’utilisation de matières plus respectueuses de l’environnement, telles que les matières biosourcées (on pense au stade de Nice et à sa charpente en bois[15]). Une attention doit également être portée à la gestion de l’énergie (via notamment l’utilisation de panneaux solaires), de l’électricité, des déchets, de l’eau (récupération de l’eau de pluie)…[16]
On entend parfois parler de la pratique du « sport washing » par des entreprises polluantes ou un état/parti politique ne respectant pas les droits humains.
Il s’agirait d’une technique pour redorer l’image d’une organisation en sponsorisant des évènements associés au sport pour s’associer à une idée de « santé ».
Dans le domaine environnemental, on parle par exemple d’entreprises qui travaillent avec les énergies fossiles, de compagnies aériennes, de constructeurs automobiles ou encore de marques de fast-food qui sponsorisent de nombreux évènements sportifs.
Exemple de l’Open d’Australie 2021 sponsorisée par une société pétrolière et gazière, une compagnie aérienne et un constructeur automobile Source La relève et la Peste
Mais est-ce cette technique fonctionne ? La recherche a montré que oui ! Inconsciemment, les marques semblent être associées dans ces évènements sportifs à des « atmosphères positives ». Cela détourne l’attention de leurs actions néfastes et leur donnerait donc une meilleure image, une plus grande visibilité et augmenterait même les ventes[17].
Le problème est donc que le sport, au travers de ces publicités de produits hauts émetteurs en carbone, promeut in fine un style de vie qui n’est pas en accord avec les préoccupations actuelles liées au changement climatique[18].
Serait-il possible d’interdire les publicités émanant d’entreprises ayant de forts impacts climatiques ? C’est en tout cas ce qui a été fait pour le tabac autrefois. À méditer…
En attendant, ces pratiques sont dénoncées par de nombreuses associations et de plus en plus de voix s’élèvent. Des mobilisations citoyennes importantes sont par exemple venues à bout, en 2024, du sponsoring des 20 km de Bruxelles par Total Energies[19].
Microbilles sur les terrains de football, bidons en plastique lors du Tour de France, gobelets jetables pour les courses, emballages et boissons lors des rencontres, balles de tennis non recyclables… Le sport n’est un bon élève dans le domaine des déchets.
On peut citer l’exemple interpellant des 77 000 bidons d’eau utilisés par les coureurs lors du Tour de France (3500 par équipe) et qui, pendant des années, pouvaient être jetés n’importe où dans le parcours[20]. En dehors de ces bidons, c’est jusqu’à 12 000 tonnes de déchets seraient générées pour chaque Tour de France !
Du côté du tennis, c’est jusqu’à 50 à 70 000 balles qui sont utilisées lors d’une seule édition de Roland Garros[21].
Si la situation est loin d’être idéale, des initiatives encourageantes pour l’environnement fleurissent dans le monde du sport. C’est parti pour le tour des bonnes nouvelles.
Une première en train pour l’équipe des bleus qui s’est rendue en train à Metz pour le match de préparation à l’Euro – Source : Equipe de France
> La thématique de l'alimentation sportive plus durable vous intéresse? On en apprend plus sur ce sujet dans l'article Sport : comment adopter une alimentation durable.
Le sponsoring « responsable » se développe petit à petit. On salue ainsi le partenariat entre la SNCF et certains gros événements sportifs comme la coupe du monde de Rugby en 2023 et les Jeux olympiques de Paris 2024[29] (même si cela n’empêche pas d’être sponsorisé par d’autres entreprises polluantes en même temps).
Depuis 2021, les coureurs du Tour de France sont tenus de jeter les bidons d’eau dans les zones de collecte ad hoc (119 en tout, plusieurs par étape)[30]. Si les cyclistes n’appliquent pas cette règle, des sanctions tombent !
> Des initatives de réductions de déchets existent également dans des compétitions à l'échelle plus régionale! On en apprend plus ici.
Est-ce possible d’imaginer des compétitions sportives internationales respectueuses de notre environnement dans le futur ? Difficile de se prononcer.
Malgré les efforts mis en place dans les jeux de Paris, on se rend compte qu’il est impossible que ce genre d’événement soit « neutre en carbone »[31] (la compensation carbone n’étant pas non plus la solution !). Et si on repensait les événements sportifs ?
Quelles pourraient être les conditions pour réaliser ces évènements à l’avenir[32] ? Voici quelques pistes de réflexion pour aller plus loin sur ce sujet.
Affaire à suivre…
Pour en apprendre plus sur la thématique
Pour les clubs et staffs d’organisation d’évènements qui veulent changer les choses
[1] « En suisse, des engins de chantiers creusent un glacier pour préparer le Coupe du monde de ski à Zermatt » RTBF (2023)
[2] « Coupe du monde 2030 : une compétition sur trois continents qui soulève des inquiétudes environnementales » TV5 Monde (2023)
[3] « Jeux Olympiques 2024 : cette vidéo montre des coraux détruits par le chantier de la tour des juges à Tahiti » TF1 (2023)
[4] « La grande explication : ce qui se cache derrière ce projet fou de station de ski en Arabie Saoudite » Brut (2024)
[5] « Qatar. Les travailleurs migrants sur le chantier d’un stade de la Coupe du monde de la FIFA n’ont pas été payés pendant des mois » Amnesty (2020)
[6]« Paris sous pression avant les J.O : la hausse alarmante des expulsions illégales de locataires » Moustique (2024), « JO de Paris : le grand nettoyage social » Bruxelles en mouvement (2024)
[7] « Décarbonons les stades : rapport intermédiaire » The Shift Project (2024)
[8] « Climate Action Progress Report Country Profil Malta” Climate Europa (2022)
[9] Source : The Shift Project
[10] « Décarbonons les stades : rapport intermédiaire » The shift Project (2024) et “ L’empreinte carbone des grands évènements sportifs internationaux, un essai non transformé… par la venue des spectateurs ! » Carbone 4 (2023)
[11] “Score a goal for climate: Assessing the carbon footprint of travel patterns of the English Premier League clubs” Pereira, R. P. T., Filimonau, V., & Ribeiro, G. M. (2019)
[12] « Sport et alcool Les liaisons dangereuses » Addictions France (2023)
[13] « Going for green: Assessing the climate strategy and communication of the 2024 Paris Olympics” Carbon Market Watch(2024)
[14] “Le béton, une industrie émettrice de CO2 : quelles sont les solutions pour des constructions durables ? » RTBF (2019)
[15] “Les stades du futur peuvent-ils devenir plus respectueux de l’environnement ? » RadioFrance (2022)
[16] “Environmental sustainability in stadium design and construction: A systematic literature review.” Francis, A. E. et al. (2023)
[17] “The effects of sponsorship on the promotion of sports events” Nusert M. (2020), “Sportswashing: exploiting sports to clean the dirty laundry” Bergkvist L. & Skeiseid H. (2024)
[18] “Sweat not oil : why sport should drop advertising ans sponsorship from high-carbon polluters” New weather institute (2021)
[19] « Fin du partenariat entre les 20km de Bruxelles et TotalEnergies : organisations environnementales et de droits humains se réjouissent » Greenpeace (2024)
[20] “Combien de bidons sont utilisés sur le Tour de France ? » Velopack (2023), « Tour de France: ces bidons que les coureurs ne jettent plus n’importe où » La voix du Nord (2022)
[21] « Roland-Garros 2024 : combien de balles de tennis sont utilisées pendant le tournoi ? » Sortir à paris (2024)
[22] « Football : l’équipe de France va se déplacer en train ! » Ecolosport (2023)
[23] « UEFA Euro 2024: which country will champion the climate?” Transport & environment (2024)
[24] « l’événementiel sportif un atout pour le territoire : recueil des bonnes pratiques » WWF (2023)
[25] « Fini l’avion : quand les sportifs de haut niveau s’engagent, au détriment de leur carrière » Novethic (2023)
[26] Même si ceux-ci ne seront pas parfaits bien évidement !
[27] « 2024, révéler la France aux goûts du jour la vision pour la restauration de paris 2024 » Paris 2024
[28] “Roland-Garros met l’accent sur une alimentation plus responsable » Ecolosport (2024)
[29] « SNCF, sponsor officiel de la coupe du monde de rugby france 2023 » Rugby World Cup (2020),
[30] “Tour de France 2023. Que deviennent les déchets des coureurs ? » Ouest France (2023)
[31] « Going for green: Is the Paris Olympics winning the race against the climate clock?” Carbon Market Watch (2024)
[32] « Les JO et le changement climatique ? » EPS et société (2024) et « Compétitions sportives et écologie : un mariage impossible ? » Fabrique écologique (2024)
[33] « Applying the facility location problem model for selection of more climate benign mega sporting event hosts: A case of the FIFA World Cups. “Pereira, R. P. T., Camara, M. V. O., Ribeiro, G. M., & Filimonau, V. (2017).