Lorsque l'on achète un produit quelconque ou lorsque l'on utilise un service, notre choix se fait sur base de multiples critères : économiques, émotionnels, esthétiques, environnementaux, etc.

Les critères environnementaux sont généralement liés à la consommation en énergie, en eau, à la composition du produit, à la quantité de déchets générés, aux possibilités de recyclage... On oublie cependant presque systématiquement ce qui se passe avant que l'on achète tel ou tel produit. Prenons l'exemple d'une voiture : avant de se retrouver dans la vitrine du garage, et donc bien avant que son propriétaire ait consommé le moindre litre de carburant à son volant, cette voiture a déjà nécessité l'utilisation d'une importante quantité de matériaux et d'énergie.

La question de l'utilisation des ressources naturelles se pose donc également à la fabrication, au transport... d'un bien de consommation, quel qu'il soit.

Théories du passif écologique

Plus concrètement, on quantifie l'utilisation des ressources naturelles (le "passif écologique") à l'aide de deux concepts :

  • l'énergie grise : qui, comme son nom le laisse supposer, indique la quantité d'énergie utilisée pour produire un bien de consommation ou mettre au point un service et ce, avant tout usage ;
  • le "sac à dos écologique" ou "mips" (material intensity per unit of service), qui quantifie la quantité de matériaux, en masse, qui a été nécessaire pour produire, utiliser, jeter un bien de consommation ou un service. Dans cette théorie, l'énergie est comptabilisée sous forme de masse. Cette notion est donc plus complète.

Ces concepts sont intéressants à plus d'un titre. Ils nous permettent en effet d'objectiver de manière plus complète les impacts environnementaux de notre consommation en nous montrant les impacts "cachés" puisque antérieurs à l'achat ou l'utilisation. Impacts liés à la diminution des ressources disponibles mais aussi aux conséquences de leur utilisation (par ex. production de CO2).

Ces impacts cachés sont bien entendu d'autant plus critiques que le produit a une durée de vie limitée : la part de "pollution" relative à la fabrication peut devenir plus importante que celle liée à l'utilisation.

Malheureusement, notre société de consommation moderne se base de plus en plus sur la consommation à outrance de biens matériels dont la durée de vie se réduit toujours plus. Un bon exemple de cette consommation à outrance est le GSM, souvent remplacé bien avant qu'il ne soit abîmé. Facteur aggravant, le GSM fait partie de ces biens de consommation dispendieux en matériaux à la production : on estime ainsi qu'un GSM nécessite 30 kilos de matériaux divers pour être fabriqué.

Des exemples ?

Revenons dans le concret et passons en revue quelques produits avec leur passif écologique respectif.

Si compte en "énergie grise"...

Savez-vous qu'il faut 0,9 kWh pour produire une canette en aluminium, soit l'énergie nécessaire pour faire fonctionner une lampe économique de 15W pendant 60 heures ? (plus de deux jours !). Que les émissions de gaz à effet de serre dues à la production d’un kg de bœuf équivalent à celles d’un parcours de 70 km en voiture ? Que fabriquer une voiture d’une tonne produit 5500 kg de CO2, ce qui correspond, si on prend la moyenne de production de CO2 des voitures vendues en Belgique, à plus de 35.000 km en voiture ?

Si on compte en "sac à dos"...

Si l'on reprend l'exemple de la voiture, on constate qu'il faut jusqu'à 70 tonnes de matériaux par tonne de voiture (et actuellement, une tonne, c'est une petite voiture). Et pour un produit en or ? 500 tonnes par kilo de produit. Une montre ? 20 kg par kilo de montre. Un ordinateur portable ? 133 kg par kilo (c'est à dire plus de 300 kg pour un portable en entier). 600 g de jeans ? 32 kg de matières et 8000 litres d'eau...

Les exemples sont nombreux, mais nous n'irons pas plus loin ici. En effet, ces chiffres ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Ils sont et resteront des estimations sur base d'une consommation globale ramenée à l'unité. Il n'en reste pas moins que la production de biens et de services demande une quantité de matières et d'énergie parfois très importante, qui représente parfois des années de consommation de matière ou d'énergie du bien de consommation proprement dit ! Cette raison est amplement suffisante pour faire (encore plus) attention à notre consommation.

Alléger le sac à dos ?

Nous pouvons difficilement, en tant que consommateur, agir sur les processus de fabrication des biens de consommation qui nous sont proposés. Nous pouvons cependant orienter nos choix vers des produits moins consommateurs de ressources naturelles, soit parce qu'ils sont produits de manière respectueuse, soit parce que nous choisissons des produits de manière responsable (pas d'achats inutiles, notamment). Ci-dessous quelques conseils pratiques pour alléger nos "sacs à dos" !

  • Consommer des fruits et légumes de saison. En effet, cela réduit les consommations de ressources naturelles, essentiellement d'énergie. Rappelons-nous qu'il faut plus de 8 kWh pour produire des tomates en serre alors que moins de 3 kWh sont nécessaires en saison... En plus, les fruits et légumes de saison sont moins chers et souvent meilleurs ;
  • Consommer des aliments produits localement. Importer 1 kg d'agneau de Nouvelle-Zélande nécessite trois litres de kérosène... Quelle consommation de carburant pour un seul kilo !
  • Acheter des biens de consommation de manière responsable, c'est-à-dire éviter les appareils inutiles. Qui n'a pas acheté une machine à café révolutionnaire une veille de Noël comme cadeau de la dernière chance pour, finalement, se rendre compte que l'on ne boit pas tant de café que ça et que les dosettes sont chères à l'achat ?
  • Choisir des biens de consommation durables. Ce n'est pas le conseil le plus facile à appliquer. En effet, la plupart des appareils un peu technologiques (électroménager, hi-fi...) sont devenus très abordables. Résultat des courses, réparer ce genre d'appareil n'est pas très intéressant quand on compare le prix de la réparation au prix du neuf, garanti deux ans, qui plus est ! Néanmoins, investir dans du matériel de bonne qualité peut se révéler payant ;
  • Choisir des biens de consommation réparables. Si vous êtes un peu bricoleur, vous pouvez prolonger la vie de vos appareils à moindre frais. Réparer une machine à laver ou un frigo n'est pas nécessairement très compliqué, si vous avez un peu de temps et de patience devant vous. Choisissez autant que possible des appareils réparables, c'est-à-dire que l'on peut encore démonter sans tout casser ;
  • Entretenons nos appareils, ils dureront plus longtemps. Cela semble évident, mais combien de moteurs (et pas seulement de voitures) aurait-on épargné si on les avait huilés régulièrement ? Combien de résistances électriques sauvées du court-circuit si on les avait décalcarisées ?
  • Evitons tout emballage inutile. Non seulement ça nous évitera de devoir gérer des montagnes de détritus, mais en plus, on évitera quantités de dépenses d'énergie et de matériaux en amont ;
  • Etc.

Prolonger l'utilisation ou acheter moins énergivore ?

D'une manière générale, prolonger la vie des appareils peut se révéler très intéressant. Il arrive néanmoins un moment où il faut changer. Mais quand les bénéfices d'une nouvelle technologie nous "autorisent"-ils à re-consommer un sac à dos ? Tout dépend de ces fameux bénéfices... d'autant qu'ils ne se mesurent pas nécessairement en énergie gagnée, mais aussi en moindre pollution. Changer une vieille voiture sans catalyseur par un nouveau modèle consommant moins et muni de tous les dispositifs anti-pollution actuels peut se révéler très bénéfique.
Si l'on prend un frigo nécessitant 835 kWh pour être produit, on constate que comparé à une consommation de frigo moderne de classe A+, cela représente quatre ans de fonctionnement. Mais ces 835 kWh seront plus rapidement rentabilisés si vous comparez ce montant à la consommation d'un frigo plus ancien. Un frigo de quelques années consomme facilement plus d'un kWh/jour, ce qui donne l'avantage au nouveau frigo après moins de deux ans. Cela devient intéressant !

Consommer moins !

En conclusion on pourrait dire que mieux consommer, c'est bien, mais que moins consommer, c'est encore mieux. Nous sommes pourtant encore et toujours dans une logique de développement soucieux de l'environnement, mais de préférence sans changer le modèle économique actuel qui passe par une croissance économique (que d'aucuns considèrent comme infinie) liée à une consommation de biens de plus en plus forte. Nous ne pourrons cependant plus ignorer très longtemps la notion de décroissance soutenable, de dématérialisation ou, plus simplement, de moindre consommation.

Cela ne signifie pas un "retour au Moyen-âge" et c'est encore moins une utopie : le Wupperthal Institute en Allemagne a ainsi montré, il y a déjà plusieurs années de cela, que l'on pouvait produire autant de richesses qu'actuellement en consommant quatre fois moins de matières premières et d'énergie tout en n'utilisant que des techniques déjà existantes. C'est ce que l'on appelle le Facteur 4.
Alléger son sac à dos écologique est un défi, mais un défi abordable !

Sources

  • The environmental impacts of mobile computing / A case study with Hewlett Packard. Summary. Wuppertal Institute, March 2003 By Justus von Geibler, Michael Kuhndt, Volker Türk. www.wupperinst.org
  • Visualisation of consumptive behaviour on the basis of Material Intensity. Andreas Niederl and Roman Mesicek. Presented at the FRONTIERS 2 Conference, European Application in Ecological Economics, Tenerife, Canary Islands, Spain, 12-15 February 2003
  • The environmentally optimised lifetime : a crucial concept in life cycle engineering, Wim Dewulf, Joost R. Duflo, Katholieke Universiteit Leuven, Mechanical Engineering Department.
  • Guide des facteurs d'émission - Bilan Carbone- ADEME
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Dernière mise à jour
27 juin 2008
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