Éviter les espèces victimes de surpêche, repérer les labels, vérifier l’origine et la méthode de pêche… Voici nos conseils pour bien choisir son poisson.
34,2% des stocks de poisson étaient surexploités en 2017, contre 10% en 1974.[1] Et un poisson pêché sur cinq dans le monde proviendrait de la pêche illégale. Autant de raisons pour manger du poisson avec modération et faire attention à le choisir le plus durable possible.
Sommaire :
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C’est le plus facile et c’est valable autant pour du poisson frais, que pour des produits transformés à base de poisson. Les labels les plus courants pour le poisson sont le MSC, l’ASC et le label bio européen mais il en existe aussi d’autres.
Le label MSC promeut une pêche durable de façon à ce que les stocks de poissons restent productifs et sains (pas de surpêche). La pêcherie doit également travailler afin de minimiser son impact sur les autres espèces marines et leurs habitats.[2]
Le label est régulièrement contesté par le WWF qui estime que certaines pêcheries labellisées ne devraient pas l’être.[3] Cela reste cependant un label répandu et un meilleur choix que d’acheter du poisson non labellisé.[4]
Le label ASC concerne uniquement l’aquaculture. Parmi ses critères[5] :
Un écobilan de 2016 montre qu’un poisson en aquaculture ASC avait bien moins d’impact sur l’environnement qu’un non-ASC.[6] Cela dépend cependant très fort de ce que l’on compare : une autre étude relève qu’il y a peu de différence entre les normes norvégiennes « de base » de l’aquaculture et le référentiel ASC.[7]
Le label bio européen couvre aussi l’aquaculture avec notamment comme critères [8] :
Naturland est un label allemand mais il est peu répandu en Belgique. C’est un label général d’agriculture bio plus strict que le label européen. Il a ses propres critères pour l’aquaculture bio et intègre aussi des critères sociaux. Le Naturland Wildfish concerne la pêche et garantit notamment la conservation des espèces, l’interdiction des pratiques de pêche dommageables comme les chaluts de fond, la pêche aux explosifs, etc.[9]
Friend of the Sea concerne à la fois l’aquaculture et la pêche. L’aquaculture ne peut se faire qu’après un écobilan, les poissons d’élevage ne peuvent pas contaminer les espèces sauvages, les hormones sont interdites, etc. Ce n’est cependant pas de l’aquaculture bio (pas de nourriture bio par exemple). Mais, comme pour Naturland, il y a aussi des critères sociaux liés au travail. Pour la pêche : interdiction de la surpêche, pas plus de 8% de pertes sur les captures (prises non voulues et remises à l’eau), etc.[10]
Le WWF propose une liste pratique à consulter avant d’acheter du poisson. Les poissons y sont répartis en 3 catégories : bon choix, à consommer avec modération ou à éviter.
C’est plus compliqué que de se fier à un label mais très utile pour choisir du poisson frais issu de la pêche en l’absence de label.
Pour utiliser la liste, il faut donc connaître :
Ça tombe bien, ces informations sont obligatoires pour le poisson frais et certains produits transformés, ainsi que pour les crustacés et mollusques, préemballés ou pas.[11]
Si le poisson n’est pas emballé, l’information doit être disponible sur des panneaux, affiches… même si en pratique on constate des manquements.
> Lire aussi : Comment connaître l'origine d'un aliment pour acheter local ?
Comment savoir d’où vient le poisson ? On regarde l’étiquette !
Source : Commission Européenne.
En « vrai », cela donne ça pour un poisson pêché (filet de sébaste frais et tranches de filet de cabillaud surgelé) :
Et pour un poisson issu de l’aquaculture (ici du saumon fumé) :
En matière d’aquaculture, le pays d’élevage est celui où « le produit a atteint plus de la moitié de son poids final ou est resté plus de la moitié de la période d’élevage ».
Certaines méthodes sont un désastre : c’est le cas du chalut de fond par exemple, qui consiste à tirer d’immenses filets lestés sur les fonds marins.
Cette méthode est très néfaste pour l’environnement et l’écosystème :
On préfère plutôt la pêche qui utilise : senne, filet maillant, palangres, lignes.[12]
Il y a cependant des nuances à apporter. On peut très bien utiliser une senne mais avec un dispositif de concentration de poisson, qui favorise la surpêche et les prises accessoires.[13] Un type de méthode de pêche peut aussi être dommageable pour une espèce dans une zone en particulier, mais pas (ou moins) pour une autre. Il est donc préférable de choisir un poisson sur base du trio nom – zone – engin de pêche et ne pas se limiter à regarder l’engin utilisé. D’où l’utilité de la liste du WWF.
L’indication de l’engin de pêche est obligatoire sur l’étiquette du poisson. Mais seule la catégorie d’engin de pêche doit être précisée, d’après la législation européenne. Par exemple : « chaluts » et pas « chalut de fond » comme l’indication que l’on peut trouver dans le guide du WWF. En pratique cela n’a cependant pas beaucoup d’importance car il est rare qu’un poisson pêché avec un chalut particulier soit préférable à un autre dans la même zone de pêche.
Pour un poisson frais, la zone de pêche indique l’origine du poisson et donne une idée des kilomètres parcourus. Mais qu’en est-il pour les produits qui impliquent une manipulation (poisson fumé, salé, autre…) ?
Pour le poisson, comme pour tous les produits d’origine animale, on peut tenter d’estimer les kilomètres parcourus avec le marquage de salubrité et d'identification (on parle aussi d’estampille sanitaire).[14] Cela indique le pays de l’établissement qui a préparé, découpé, entreposé… le produit en dernier.
L’idée n’est pas tant d’indiquer l’origine que d’assurer la traçabilité du produit.
Dans les exemples ci-dessous, on constate par exemple que le poisson vient de la zone Islande/Féorés et porte un marquage d’identification belge. Il a donc probablement été préparé, découpé ou entreposé en Belgique.
Le saumon fumé élevé en Norvège a, lui, fait un détour par la Pologne (marquage « PL ») avant d’arriver dans les rayons belges. Sur le site de la Commission européenne, on peut savoir « qui » est derrière le code et quelle est l’activité de l’entreprise.[15] On découvre ici que le code correspond en effet à une entreprise de fabrication de saumon fumé.[16] Ça ne dit pas quel chemin il a pris entre la Norvège et la Pologne, ni entre la Pologne et la Belgique, mais on commence quand même à avoir une idée de son parcours.
Pour le poisson transformé (autre que séché, salé, fumé…), par exemple en conserve ou dans un plat préparé, les informations obligatoires sont beaucoup plus limitées. Il n’y a pas d’obligation de mentionner ni la zone de pêche ni le type de méthode de pêche. C’est une constante dans l’information au consommateur : plus c’est transformé, moins on sait d’où ça vient.
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En l’absence de ces informations pourtant cruciales, on préfèrera alors un poisson transformé qui est labellisé.
[1] La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture (FAO 2020).
[2] Plus de détails sur les critères du MSC (site belge). Liste des documents (référentiels et autres) du label MSC (en anglais), dont le référentiel le plus récent. Plus d'infos (en français) sur le processus de certification des pêcheries.
[3] Nombreux articles sur le site du WWF France. D’autres critiques dans l’étude « The Role of MSC Marine Certification in Fisheries Governance in Finland » (2022).
[4] Pour citer le WWF suisse : « Le WWF recommande le MSC, non pas comme un remède à tous les maux, mais comme le meilleur certificat pour les poissons sauvages vendus sur le marché, même s’il n’est plus en mesure d’appuyer chaque certification. ».
[5] Les normes pour les différentes espèces concernées sont disponibles ici : www.asc-aqua.org. Par exemple les critères pour la truite.
[6] Environmental impact of non-certified versus certified (ASC) intensivePangasius aquaculture in Vietnam, a comparison based on astatistically supported LCA (2016 sur Researchgate).
[7] Governing the salmon farming industry: Comparison between national regulations and the ASC salmon standard (2019 - résumé).
[8] Règlement 2018-848.
[9] Plus de détails sur le site Labelinfo.ch, qui résume les critères de Naturland.
[10] Plus de détails sur labelinfo.ch et le site du collectif Friend of the Sea. Labelinfo.ch le classe moins bien que MSC/ASC et Naturland : www.labelinfo.ch/fr (comparaison).
[11] Sont concernés : les poissons vivants, frais ou réfrigérés, congelés, les filets de poissons et autre chair de poissons (même hachée), les poissons séchés, salés, fumés, les poudres et agglomérés sous forme de pellets de poisson, propres à l'alimentation humaine. Ainsi que les crustacés (crevettes par ex.) ou mollusques, décortiqués ou non, frais ou congelés, séchés, salés, etc. Voir Règlement « poisson » 1379/2013 (consolidé 2020).
[12] Tableau intéressant comparant les différentes méthodes sur le site de Quechoisir.
[13] Pêche au thon : qu’est-ce qu’un dispositif de concentration de poissons ? Greenpeace, 2017.
[14] Est soumis à l’obligation d’agrément sanitaire tout établissement qui prépare, transforme, manipule ou entrepose des produits d’origine animale ou des denrées en contenant et qui commercialise ces produits auprès d’autres établissements, y compris les navires congélateurs, les navires usines et les navires cuiseurs de crustacés et de mollusques. Les produits provenant d’un établissement agréé portent une marque d’identification ovale permettant d’identifier cet établissement. (agriculture.gouv.fr). Il y a des exceptions comme la vente directe du producteur au consommateur par ex.
[16] Sur https://ec.europa.eu/food/safety/biosafety/food_hygiene/eu_food_establishments_en on a le lien des établissements agréés pour la Pologne. Pour les produits de la pêche on peut chercher le code 22121818.
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