Des nanoparticules, kesako ?
Il s’agit de particules mesurant moins de 100 nanomètres. Sachant qu’un nanomètre (nm) correspond à un milliardième de mètre, à combien de nanomètres équivalent… Faisons plus simple. A titre de comparaison : une puce a une largeur de plus ou moins 1 million de nanomètres. Et il y a par exemple le même rapport de taille entre la terre et une orange, qu’entre une orange et une nanoparticule ! Une fois n’est pas coutume, voici un dossier qui passe nos biens de consommation au crible… nanométrique !
Dis maman, comment on fait les nanos ?
Des particules ultra fines existent à l’état naturel dans l’air (entre 20.000 et 50.000/cm³). Cependant, des nanoparticules (<100nm) peuvent être produites intentionnellement par l’homme (nanofabriquées). Atome par atome on manipule la matière. C’est ce que l’on appelle les nanotechnologies.
Science-fiction ? Pas vraiment.
Ridicule, les nanobidules dans nos pulls ?
Vous avez 30 secondes pour citer trois produits intégrant des nanotechnologies…
…Le temps est écoulé. Il y en avait des possibilités : du sucre qui ne fait pas de grumeaux, des vêtements ou des rideaux antiodeurs, des peluches antibactériennes, des raquettes de tennis plus résistantes et plus légères, du béton qui ne fissure pas, etc.
Tout cela grâce aux nanos ? Alors, comment ça fonctionne ?
Prenons le sucre en poudre par exemple, il peut contenir un additif alimentaire : du dioxyde de silice (noté E551). Il se peut aussi que la silice soit nanométrique, évitant par ses propriétés l'agglomération des grains.
Le Woodrow Wilson Institute répertoriait en août 2009, plus de 1000 produits contenant des nanomatériaux dans le monde.
Figure 1 : Répartition des nano-produits par catégories
(25 août 2009, extrait du Woodrow Wilson Institute, rapport en PDF)
Il existe une grande variation des données en fonction des sources. Cela montre à quel point il est difficile de pister les nanos.
D’après la Business Communications Company, le marché des produits finis liés aux nanotechnologies devrait dépasser les 950 milliards de dollars en 2010.
On prend conscience, à la lecture de ce chiffre, des intérêts économiques en jeu…
Un secteur en plein essor parmi d’autres est celui des cosmétiques et en particulier les crèmes solaires. Les nanoparticules y sont utilisées pour éviter aux crèmes de laisser des traces blanches sur la peau. En effet, les filtres minéraux, (tel que le dioxyde de titane, inoffensif colorant alimentaire à la taille micro), réduits à la taille nano, deviennent transparents.
En 2006, Les Amis de la Terre réclamaient un moratoire sur les produits corporels contenant des nanoparticules. Selon l’ONG, « il a été démontré que, lorsqu’elles sont exposées aux UV de la lumière solaire, les nanoparticules d’oxyde de titane et d’oxyde de zinc sont photo-actives, produisent des radicaux libres et endommagent l’ADN des cellules de la peau. » Certes, les études sont encore trop rares et contradictoires, mais avec un peu de bon sens, on se dit que le principe de précaution prend encore une fois ici tout son sens. Or, on estime que le dioxyde de titane (TiO2) et l’oxyde de zinc (ZnO) sont employés à hauteur de 1000 à 2000 tonnes par an par l’industrie de la cosmétique.
Bon à savoir : les labels Cosmebio, Nature & Progrès et Ecocert interdisent les nanoparticules dans leur cahier des charges. Attention, ce n’est pas parce que c’est bio que c’est exempt de nanoparticules!
Les nanos font rêver
A l’image des filtres solaires, l’échelle nanométrique confère des propriétés complètement différentes de celles observées à la taille micro, ouvrant des perspectives jamais envisagées auparavant. Il est ainsi possible de fabriquer de « nouvelles matières » à très hautes performances.
Et il est donc permis de rêver…
Rêver à des solutions capables de nous faire économiser des ressources ? Pourquoi pas. Moins de matière pour plus de résistance… Au final, ces technologies pourraient nous aider à stocker l’énergie renouvelable de façon plus efficace et à utiliser notre propre énergie corporelle pour alimenter des appareils électriques.
Alors les nanotechnologies, la solution pour une société dématérialisée ?
En corollaire à ces propriétés, un matériau tout à fait inerte et inoffensif à l’état micro, peut-être dangereux sur le plan de la santé et de l’environnement à l’état nano.
Illustration : Jacques Sondron, www.nanotoxico.be
Nanoparticules = nanorisques ?
Face au potentiel de développement de ces technologies, la question apparaît légitime.
Force est de constater pourtant, qu’il est actuellement impossible de répondre à la question par manque de données scientifiques.
L’Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) écrit dans son dernier rapport (2010) : « le risque sur la santé ne peut-être évalué, il ne peut donc être exclu. » Presque une lapalissade… en guise d’évaluation des risques.
La difficulté réside dans le fait que pour une même substance, ses propriétés et son comportement varient selon sa taille, sa surface et sa forme. Il faudrait donc tester chaque nanomolécule séparément du fait de ses caractéristiques propres. Par exemple, pour l’oxyde de Zinc, il existe plus de 20 nanoparticules différentes. Sans compter les éventuels effets « cocktail » de toutes ces particules.
Bien difficile donc d’évaluer le risque éventuel des nanos ? S’en donne t-on seulement les moyens ? Sur les 7,5 millions d’euros consacrés aux nanotechnologies dans le cadre du 7ème programme cadre de recherche européen, seulement 1% est alloué aux aspects santé-sécurité. Or, on sait que le danger des nanoparticules est directement lié aux propriétés intrinsèques de celles-ci. D’où la nécessité de les caractériser. Impossible donc actuellement de mesurer la balance bénéfices/risques de ces technologies, pourtant déjà appliquées dans des produits de grande consommation.
Quels sont les impacts sur la santé humaine ?
Plus les particules sont fines, plus elles pénètrent dans le poumon profond. Des travaux ont démontré que certaines nanoparticules peuvent franchir les barrières de protection de l’organisme pour s’accumuler dans plusieurs organes, principalement lorsque le sujet est exposé par inhalation ou par ingestion. L’ADN étant de l’ordre du nanomètre, les nanoparticules pourraient alors modifier le patrimoine génétique.
En toxicologie, l’exposition est un facteur clé. Mais comment connaître son degré d’exposition ? Très peu de données publiques officielles sont disponibles concernant l’exposition tant professionnelle que grand public. Les plus exposés étant les travailleurs des laboratoires de recherche, de production ou encore les entreprises qui les utilisent dans différents produits.
Quels sont les impacts sur l’environnement ?
L’Afsset a calculé (2010) que le lavage des chaussettes antiodeurs d’un français sur dix entraînerait le rejet de 18 tonnes par an de nanoargent dans le milieu aquatique.
Le nanoargent est la nanoparticule la plus utilisée au monde, on la retrouve aussi dans certaines lavettes microfibres. Son intérêt est qu'il est bactéricide. Son inconvénient aussi car il présente un danger avéré en éliminant les bactéries, y compris les bénéfiques.
Pour rassurer sur l’innocuité de leurs produits, les industriels invoquent souvent le fait que les nanomatériaux présents dans les produits de grande consommation sont englobés dans une matrice. Mais que deviennent par exemple, les nanoparticules intégrées dans les pneus de voiture avec l’usure de ceux-ci ?
Une gestion rigoureuse des nanomatériaux en fin de vie suppose également qu’ils soient identifiés, que des filières de recyclage soient organisées dès le lancement des nouveaux produits, que des traitements spécifiques de ce type de déchets soient prévus. Sans quoi, ils se retrouveront immanquablement dans l’environnement.
Etiquetage des nanos : une question de définition
Pourquoi diable n’est-il pas possible de savoir si mon sel de table, ma chemise ou ma crème de nuit contient des nanos ?
Aujourd’hui, il n’y a pas de réglementation particulière concernant les nanomatériaux. La mise en œuvre d’un tel étiquetage spécifique est difficile à mettre en œuvre. Prenons le cas de la silice en anti-agglomérant du sucre. Cette silice peut être sous forme de petits grains nanométriques, eux-mêmes agrégés en amas micrométriques. Que devrait alors indiquer l’étiquetage ?
Par ailleurs, dans le domaine des cosmétiques, un règlement européen vient d'être adopté en faveur de l’étiquetage. Celui-ci définit un "nanomatériau" comme un "matériau non soluble ou bio-persistant, fabriqué intentionnellement et se caractérisant par une ou plusieurs dimensions externe(s) ou par une structure interne, sur une échelle de 1 à 100 nm". Or, il existe des nanomatériaux solubles et non bio-persistants… pourquoi sont-ils exclus de la définition ?
En outre, certains scientifiques plaident pour qu’un solide ne soit qualifié de «nanomatériau» qu’à condition que certaines de ses caractéristiques physiques ou chimiques changent brutalement lorsque sa taille diminue.
Plus que jamais dans le cas des nanos, on touche à la limite entre information et protection du consommateur.
Quels impacts sur notre rapport aux objets et à la vie ?
Notre consommation se définit en partie dans notre relation aux objets et à la nature. Les nanos bouleversent ce rapport, en particulier via la convergence entre nanotechnologies, biotechnologies, sciences de l’information et sciences cognitives (NBIC).
« A terme, les nanosciences nous donneraient le pouvoir de connecter l’inerte et le vivant, le naturel et l’artificiel, le corps humain et les machines. S’il reste à prouver que cela sera vraiment possible, rien n’interdit d’imaginer des systèmes permettant de manipuler des organismes vivants grâce à des implants dans le cerveau ou des procédés pour réparer l’être humain ou destinés à augmenter ses capacités. Un tel développement poserait alors un évident problème éthique puisqu’il remettrait en cause l’identité même de l’être humain. La porte ouverte à toutes les dérives… » (dossier CNRS)
Les NBIC touchent ainsi à l’essence même de la vie.
Des technologies aux usages
Encore une fois, des questions simples peuvent nous permettre d’adopter une position juste et modérée face à notre consommation :
A-t-on vraiment besoin de verres de lunettes plus lisses qui n’accrochent pas la poussière ?
Le développement de tels produits, mérite-t-il que l’on prenne des risques que l’on n’évalue même pas?
Et pour ne pas que le sel ou le sucre s’agglomère, un petit truc : quelques grains de riz dans la salière et le tour est joué.
Les nanotechnologies nous concernent tous et auront immanquablement un impact sur nos vies. Les avancées les plus prometteuses sont, il est vrai, dans le domaine de la médecine. Néanmoins, on assiste à un développement des nanotechnologies en médecine dite d’amélioration et non thérapeutique...
Il est donc urgent d’exiger une évaluation des risques liés à l’utilisation des nanotechnologies en toute indépendance. Face à cette nécessité, les politiques doivent prendre leurs responsabilités et permettre aux consommateurs citoyens que nous sommes de prendre une décision en connaissance de cause. Un vrai débat de société doit également s’engager sans tarder sur cette question. Garantir la participation citoyenne face aux choix de consommation et de société, c’est un minimum !
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