Plus de 35% des stocks de poissons dans le monde sont surpêchés selon la FAO[1]. Et 74% de la consommation de poisson eu Europe vient de la pêche [2] et non de l’élevage comme pour la viande. Il est donc important de s’inquiéter de l’origine du poisson qui atterrit dans nos assiettes. Que penser de ce label qui établit des critères environnementaux, sociaux  et exclut des pratiques nuisibles ?
 

Avis d’écoconso­

Le label MSC reprend de nombreux critères en matière de pêche durable. Il fait cependant l’objet de critiques récurrentes comme l’autorisation de méthodes de pêche controversées, des critères pas assez stricts, des pêcheries certifiées à tort selon certains observateurs, etc[3].

Etant donné que 19% du poisson pêché dans le monde est MSC[4], ce label est très répandu chez nous. Il est préférable à pas de label du tout[5] , et fixe d’une certaine manière un socle d’exigences de base en l’absence d’une législation internationale sur la pêche.
 

Résumé des critères

Le cahier des charges MSC est basé sur 3 principes[6] :

  • Absence de surpêche. La quantité de poissons pêchés (pour une espèce à un endroit donné) ne met pas en péril le stock de poisson pour que l’espèce continue son développement . Pour les espèces dont le stock serait menacé, les quantités prélevées doivent permettre une reconstitution du stock de poissons.
  • Préservation de l’écosystème. La pêche doit minimiser son impact sur l’environnement et l’écosystème. La structure, la productivité et la diversité de l’écosystème doivent être préservées. Préserver, c’est éviter de détruire des habitats, de capturer des espèces autres que celle concernée par la pêche, ou encore de détériorer l’écosystème en créant un impact sur d’autres espèces mêmes si elles ne sont pas pêchées.
  • Gestion efficace de la pêcherie. Son système de gestion prévoit notamment de documenter les actions, mettre en place certaines procédures, et respecter les réglementations locales, nationales et internationales.

Produits concernés

Ce label vise les produits pêchés de la mer, il ne concerne pas l’aquaculture (élevage).

Portée du label

  • des critères environnementaux : oui
  • des critères sociaux : oui, mais peu
  • des critères liés à la santé : non
  • des critères liés au bien-être animal : non

Critères du label

Les critères s’appliquent à une « pêcherie ». Cette « pêcherie » est une entité à géométrie variable qui peut couvrir un ou plusieurs éléments comme l’espèce de poisson, la zone de pêche, la méthode de pêche, le type de bateau, l’équipage[7]… Une pêcherie pourrait par exemple être un bateau qui pêche du cabillaud au large de l’Islande.

Le cahier des charges MSC est basé sur 3 principes[8] :

  • Absence de surpêche. La quantité de poissons pêchée (pour une espèce à un endroit donné) ne met pas en péril le stock de poisson : il en reste toujours assez que pour que l’espèce continue de se développer. Pour les espèces dont le stock est menacé, les quantités prélevées doivent permettre au stock de poisson de se reconstituer.
  • Préservation de l’écosystème. La pêche doit minimiser son impact sur l’environnement et l’écosystème. La structure, la productivité et la diversité de l’écosystème doit être préservée. Par exemple en évitant de détruire des habitats, de capturer des espèces autres que celle que l’on souhaite pêcher ou encore de détériorer l’écosystème (si le fait de pêcher a un impact sur une autre espèce par exemple, même si celle-ci n’est pas capturée).
  • La pêcherie est gérée de manière efficace. Elle dispose notamment d’un système de gestion (ce qu’elle fait est documenté, il y a des procédures mises en place etc), les différentes réglementations (locales, nationales et internationales) sont respectées…

Dans chaque principe il y a plusieurs indicateurs à prendre en compte (25 au total dans le set par défaut)[9]. Et chaque indicateur est noté sur une échelle à trois niveaux :

  • Niveau de base (SG60) : c’est le minimum à respecter pour être labellisé.
  • Niveau avancé (SG80) : montre un respect avancé des critères du MSC.
  • Niveau « idéal » (SG100) : le meilleur résultat.

Le détail des critères ci-dessous illustre plus concrètement le genre d’exigence visées par le niveau « SG80 ».

Certaines choses sont également explicitement interdites comme :

  • Cibler des amphibiens, reptiles, mammifères et oiseaux.
  • La pêche au poison ou à l’explosif.

Il existe également différents critères excluant des pêcheries suite à des condamnations (travail forcé, pêche illégale, aileronnage des requins[10]…).

Les critères au sein de ces 3 principes sont ajustés pour certaines espèces ou organisations régionales de pêche. On reprendra ici les critères qui s’appliquent par défaut à toutes les pêcheries.

L’ensemble des critères du label MSC est disponible pour chacun des 3 principes[11], mais nous ne détaillerons ici que le premier critère du premier principe relatif à l’absence de surpêche[12].  Les principes 2 et 3 seront moins détaillés. Principe 1 : Pas de surpêche.

Ce principe garantit que l'exploitation de la ressource (les espèces ciblées) se fait à un niveau qui permet à la population de se maintenir à long terme.

Les critères incluent :

L’état des stocks (de poisson par exemple)

  • Le but est d’atteindre un niveau du stock qui permette le maintien d'une productivité élevée, et présente une faible probabilité de surexploitation du recrutement. Par recrutement, on entend  l’accroissement de la population chaque année[13], en lien avec le point de recrutement (point of recruitment impairment[14]) repris dans la notion d’état de stock. Ce fameux point représente le moment où l’on pêche trop par rapport à l’accroissement de la population de poisson.
  • Comme pour tous les critères, 3 scores sont possibles :
  • SG60 (le minimum syndical pour être labellisé) : Il est probable que le stock soit au-dessus du « point of recruitement impairment » sur base d’un indicateur proxy (un indicateur indirect)[15]. Dans ce cas-ci « probable » veut dire que la probabilité que l’état des stocks soit au-dessus du PRI est de 70%.
  • SG80 (niveau avancé) : Il est fortement probable que le stock soit au-dessus du PRI. Sur base de 2 indicateurs proxys (et non plus un seul indicateur comme dans le SG60). La probabilité doit être de 80%.
  • SG100 (le meilleur résultat possible) : Il existe un degré élevé de certitude que le stock est au-dessus du PRI sur base de 3 indicateurs proxys. Probabilité : 95%.

    Le référentiel ne spécifie pas précisément quels indicateurs peuvent être utilisés, mais il donne cependant des exemples.

Reconstitution du stock

Pour estimer la reconstitution du stock, on estime dans quelle mesure ce stock se reconstitue réellement et ce, dans un délai déterminé.

Stratégie de capture

On évalue si la stratégie de capture utilisée (comment on pêche le poisson) est susceptible de garantir l’état des stocks. On prend en compte la méthode de pêche et la quantité de poissons qu’elle induit, et le risque de l’état des stocks.

Outils et règles de contrôle

Il existe des procédures qui contrôlent les captures et qui par exemple permettent de voir si on se rapproche du taux de capture maximum.

Information et suivi

Il existe assez d’informations de qualité pour identifier la quantité de poissons pêchée par une pêcherie labellisée (bateau ou toute flotte de bateaux), ou distinguer les quantités pêchées par d’autres bateaux externes à la pêcherie en question par exemple.
 

Évaluation de l’état du stock

L’état du stock est évalué de façon pertinente. Cette évaluation s’appuie notamment sur l’espèce des poissons pêchés, et sa pertinence (fiabilité de la méthode, connaissance des défauts...)  fait l’objet d’une attention particulière.

S’il existe de nombreux critères, ils peuvent apparaître comme redondants. Il semble en effet logique que dans l’objectif de ne pas surpêcher, l’on s’assure de quantifier le nombre de poissons, d’établir des procédures, et d’utiliser des outils de mesure d’évaluation de stock notamment[16].

Principe 2 : préservation de l’écosystème

Ce principe concerne l'impact des activités de pêche sur l'écosystème marin. Les pêcheries doivent minimiser leur effet sur l'environnement et préserver la biodiversité.

Les critères incluent :

  • Pas d’entrave au rétablissement des stocks de poisson
  • La réduction des impacts sur les espèces en danger. Il s’agit des espèces non réglementées par le MSC comme les oiseaux, mammifères, reptiles, amphibiens, et les prises accessoires pêchées par accident mortel
  • La protection des habitats marins vulnérables par réduction voir interdiction des dommages graves ou irréversibles. Il faut s’assurer d’avoir assez d’informations sur habitats afin d’en établir une stratégie de gestion par exemple.
  • La protection de l’écosystème  (l’influence de la capture d’une espèce de poisson sur le reste de l’écosystème comme  un autre poisson qui mangerait le poisson qu’on pêche, par exemple…).

Principe 3 : La pêcherie est gérée de manière efficace

Ce principe examine la qualité de la gestion et de la gouvernance de la pêcherie afin d’assurer des stratégies de gestion efficaces.

Les critères incluent :

  • La présence d’un cadre légal ou de gouvernance compatible avec les objectifs de durabilité, qui inclut l’existence de lois, un système de résolution de litiges, …
  • La présence de processus de consultation entre toutes les parties concernées par la pêche.
  • La perspective d’objectifs à long terme pour cadrer les décision en cohérence avec  les objectifs des principes 1 et 2 relatifs à l’état des stocks et la protection de l’environnement
  • La mise en place d’un système de contrôle et de surveillance garantissant le respect des mesures de gestion prises au sein de l’unité de pêche (bateau, filet, équipe…)

Rien n’est jamais parfait, de nombreux labels sont critiquables, et ce label ne fait pas exception. Le label MSC qui permet d’encadrer la pêche, est la cible de nombreuses et fréquentes critiques en raison de critères variés mais souvent interprétables. Parmi les critiques récurrentes, il ressort que :

  • Le label MSC ne va pas assez loin, ses critères sont trop laxistes
  • Il y a un manque de concertation, du moins récemment, avec les différentes acteurs de la pêche dont des ONG [17]
  • Des pêcheries qui ne respectent pas lescritères du référentiel et/ou labellisées durables à tort. Pour exemple la labellisation du thon rouge qui n’est, selon le WWF, pas une espèce suffisamment rétablie[18]
  • Trop de temps est laissé aux pêcheries pour adopter le nouveau référentiel (v3.1). En effet les pêcheries actuelles peuvent continuer de se référer à l’ancien (v2) jusqu’en 2030.
  • Le label MSC autorise des méthodes de pêche considérées comme néfastes pour l’environnement , dont notamment le chalut de fond dont les filets raclent le fond marin [19],[20],[21].
  • L’utilisation d’une communication qui laisse à penser que le poisson MSC vient surtout de petits pêcheurs, alors que les pêcheries sont plus souvent des unités de grande taille comme des bateaux industriels. Il semblerait que 83% de la pêche de poissons s’effectue par des moyens de grande échelle, industrielle[22]. MSC assume la labellisation de grands bateaux et s’en explique d’ailleurs[23].
  • L’utilisation de dispositifs de concentration de poisson pour attirer et faciliter la pêche d’autres poissons soit autorisée [24].

De nombreuses critiques donc, et cependant le MSC demeure de loin le label le plus répandu.  Le WWF suisse résume bien la situation : « Le WWF recommande le MSC, non pas comme un remède à tous les maux, mais comme le meilleur certificat pour les poissons sauvages vendus sur le marché, même s’il n’est plus en mesure d’appuyer chaque certification. (…) Un poisson certifié est préférable à un poisson qui ne l’est pas, même les scientifiques critiquant le MSC le reconnaissent. »[25]

Lien vers les critères / le référentiel en ligne  

Gestion du label

La label existe depuis 1997 et fait suite à un partenariat entre le WWF et Unilever en réponse à la surpêche du cabillaud au Canada[27]. MSC fait partie de ISEAL, comme d’autres labels comme GOTS ou Fairtrade[28]. MSC est une organisation à but non lucratif[29].

Contrôle indépendant ?

Oui, le contrôle est réalisé par un organisme de certification repris sur le site d’ASI : https://www.asi-assurance.org/s/[30].

Site

www.msc.org

Catalogue des produits / entreprises labellisés

Il n’y a pas de catalogue de produits mais on peut « naviguer » dans la base de données des pêcheries labellisées ici : https://fisheries.msc.org/en/fisheries/

On peut cependant facilement trouver des produits MSC en magasin en Belgique.

Pour aller plus loin

Vérifier si un poisson (labellisé ou non) est durable :

 

 


[1] « Le pourcentage des stocks exploités à un niveau biologiquement non durable a quant à lui augmenté depuis la fin des années 1970, passant de 10 pouPr cent en 1974 à 35,4 pour cent en 2019 » - la situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, FAO (2022).

[2] 6.35 kg de poisson d’aquaculture consommé par personne et par an en 2017 en Europe (poisson élevé en Europe ou ailleurs), pour un total de consommation apparente de 24,35 kilos, soit 26% d’aquaculture et donc 74% de pêche. « The EU fish market » (2019). Au niveau mondial l’aquaculture apporte la moitié des poissons consommés ! (Source : FAO)

[3] Nombreux articles sur le site du WWF France.

[5] Il est possible d’acheter du poisson non labellisé tout en étant pêche durable, en suivant des guides comme celui du WWF ou d’Ethic Ocean par exemple (cf. « Aller plus loin »).

[6] Résumé sur base des principes évoqués dans différents documents du MSC et de l’article de FoodUnfolded.

[8] Résumé sur base des principes évoqués dans différents documents du MSC et de l’article de FoodUnfolded.

[9] Il y a quelques autres cahiers de charges spécifiques (liés à une espèce ou un zone géographique).

[10] Appelé aussi « shark finning », pratique qui consiste à pêcher des requins uniquement pour leurs ailerons, le reste étant rejeté à la mer.

[11] On a essayé d’être le plus clair possible, mais de manière générale le référentiel est ardu à décrypter. Il n’y a pas beaucoup d’efforts faits pour le rendre accessible et les termes employés sont spécifiques (le lexique à lui seul fait 28 pages). À côté, une directive européenne c’est Oui oui à la plage.

[12] Mais sentez-vous libres de lire le référentiel J Il existe heureusement en français.

[14] En anglais dans le texte. Le PRI est la quantité de poisson en-dessous de laquelle le recrutement (l’accroissement de la population) peut être dégradé. Autrement dit, on pêche trop et ça menace la reproduction de l’espèce.

[15] Comme on ne peut pas compter les poissons, on se base sur des indicateurs indirects qui sont censés donner une idée de la quantité de poissons qui existent. Par exemple, pour compter le nombre de personnes qui ont quitté Paris avant l’annonce du confinement du 17 mars 2020, on a regardé quelles étaient les quantités de déchets collectées. Moins de personnes, moins de déchets : ça permet une estimation sachant qu’on ne pouvait pas réellement compter les personnes sortant de Paris (repris de https://www.eval.fr/concevoir-un-systeme-de-suivi-evaluation/etape-3-selection-des-methodes/indicateurs/les-differents-types-dindicateurs/)

[16] C’est un peu comme si pour ne pas dépasser 5 litres de consommation aux 100 km avec une voiture sur l’autoroute, on devait préciser qu’il faut un indicateur de contenance du réservoir, d’avoir une voiture qui consomme peu, de rouler à 90km/h maximum, de vérifier que la personne qui conduit est au courant de ce qu’il faut faire etc. Formaliser est cependant important.

 [19] Extrait de la page qui en parle sur le site de MSC : « Des pêcheries au chalut certifiées MSC ont réalisé de nombreuses améliorations dans leurs pratiques. Par exemple une meilleure surveillance et cartographie des zones de pêche, l’évitement des zones sensibles ou des habitats protégés, l’interdiction de chaluter en période de reproduction. Des modifications apportées aux engins, comme les « rock hopper » (boules ou disques, souvent en caoutchouc), peuvent aussi réduire les contacts entre le filet et le fond marin. »

[21] E.a, sur les techniques de pêche : https://www.make-stewardship-count.org/

[22] https://bloomassociation.org/je-m-informe/nos-ressources-clefs/nos-publications-scientifiques/publication-imposture-du-label-msc/. L’étude citée a été corrigée suite à une réaction de MSC, mais pas sur les chiffres de captures.

[25] Au complet : « Le WWF recommande le MSC, non pas comme un remède à tous les maux, mais comme le meilleur certificat pour les poissons sauvages vendus sur le marché, même s’il n’est plus en mesure d’appuyer chaque certification. Le MSC est encore recommandé parce qu’il aide les consommateurs à s’orienter. En effet, dans les étals des magasins, les produits certifiés côtoient aussi des poissons issus du pillage légal et illégal des mers et des océans. Un tiers des stocks de poissons est victime de la surpêche, et un tiers des prises mondiales est le résultat de la pêche illégale. C’est ici que réside le problème et non dans les 15% de prises mondiales certifiées par le label MSC. Un poisson certifié est préférable à un poisson qui ne l’est pas, même les scientifiques critiquant le MSC le reconnaissent. » https://www.wwf.ch/fr/projets/6-faits-sur-le-label-msc

[28] Iseal est une sorte de coupole dont plusieurs systèmes de labellisation sont membres afin d’assurer la coordination entre eux (ISEAL sur Wikipedia)

[30] Ecocert Swiss AG est par exemple un organisme de certification accrédité par ASI pour le label MSC.

Dernière mise à jour
02 septembre 2024
Rédigé par
Renaud De Bruyn

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