Le label alimentaire « Aquaculture Stewardship Council » (ASC) est similaire au label MSC (Marine Stewardshiop Council), mais pour le poisson d’élevage (aquaculture). Alors que l’aquaculture représenterait la moitié des produits de la mer que l’on consomme dans le monde[1], il a été créé en 2010 afin de garantir que les poissons soient élevés de manière durable. Que peut-on attendre de ce label ?

 

Avis d’écoconso

Le label ASC possède de nombreux critères environnementaux et également sociaux. C’est un bon choix pour minimiser l’impact de l’aquaculture sur l’environnement. Le label bio européen va cependant plus loin sur certains aspects comme le nombre de traitements autorisés, ou l’alimentation végétale bio notamment. Le label ASC par contre intègre  des critères sociaux dont certains sont également repris dans les labels du commerce équitable[2]. L’idéal ? Un produit bio ASC, mais ils sont rares.

Résumé des critères

L’ASC est basé sur plusieurs référentiels, à raison d’un par type d’élevage (saumon, truite, moules…). Il y a 11 référentiels au total[3] qui se basent sur les 7 principes suivants :

  1. La conformité juridique (le respect de la loi, l’autorisation légale pour la ferme d’exercer son activité) ;
  2. La préservation de l’environnement naturel et de la biodiversité ;
  3. La préservation des ressources en eau et de sa qualité ;
  4. La préservation de la diversité des espèces et des populations sauvages (en empêchant, par exemple, les évasions qui pourraient menacer le poisson sauvage) ;
  5. L’utilisation responsable de l’alimentation animale et d’autres ressources (limiter la consommation de farines de poisson par ex.) ;
  6. Préserver la bonne santé des animaux et leur prodiguer des soins (pas d’utilisation superflue d’antibiotiques ou de produits chimiques) ;
  7. La responsabilité sociétale (pas de travail des enfants, santé et sécurité des travailleurs et travailleuses, liberté de réunion, relations avec la collectivité).

Ces 7 principes contiennent à leur tour chacun plusieurs critères plus précis.

Produits concernés

Les 11 référentiels ASC couvrent 17 espèces :

  1. Bivalves (huîtres, moules, palourdes et pétoncles) ;
  2. Crevettes ;
  3. Liches/cobias ;
  4. Bar, dorade et maigre ;
  5. Ormeaux ;
  6. Pangasius ;
  7. Poissons marins tropicaux ;
  8. Poissons plats ;
  9. Saumons ;
  10. Tilapias ;
  11. Truites d’eau douce.

Portée du label 

  • des critères environnementaux : oui
  • des critères sociaux : oui, un peu
  • des critères liés à la santé : non
  • des critères liés au bien-être animal : oui, un peu

Critères du label

On n’abordera ici pas les 11 référentiels. On a choisi de détailler les critères du référentiel du saumon d’élevage ASC à titre d’illustration, en voici les 7 principes :

Principe 1 : respect des différentes législations

Il faut pouvoir prouver que l’élevage respecte les différentes lois nationales sur l’utilisation des terres et de l’eau, possède les permis relatifs à la qualité de l’eau, paie ses impôts etc.

Principe 2 : conservation de l’habitat naturel, la biodiversité et l’écosystème

Il encadre les impacts potentiels des fermes de saumons sur le milieu naturel (habitat, biodiversité locale…). Plus spécifiquement l’impact sur les fonds marins, les effets des substances utilisées ainsi que de la nourriture…

Dans les critères présents dans ce principe :

  • biodiversité benthique (du fond de l’eau) : présence de micro-organismes, de certaines espèces animales…[4] Trop de matière organique dans le fond de l’eau peut par exemple modifier les espèces animales (par exemple certaines sensibles à la pollution) qui sont présentes (et indiquer ou non une pollution des fonds marins).
  • qualité de l’eau dans le site d’élevage et aux alentours (analyse des quantités d’azote, de phosphore, d’oxygène…),
  • relargage de nutriments dans l’environnement d’élevage (quantité de résidus de nourriture qui s’échappent)…
  • impact sur des habitats et espèces sensibles (évaluation de l’impact sur les écosystèmes, pas d’installation d’un élevage dans des zones de haute valeur de conservation[5]…)
  • interaction avec la vie sauvage (pas d’impact sur les espèces en danger, pas d’utilisation de systèmes répulsifs sonores, pas d’action létale contre des prédateurs[6] sans avoir d’abord envisagé d’autres mesures par exemple)

Principe 3 : protection de la santé et de l’intégrité génétique des populations sauvages

Le but du principe 3 est de garantir que les fermes à saumons ne causent pas de torts aux poissons sauvages (maladies, parasites, sorties de poissons d’élevage dans l’environnement…)

Parmi les critères dans ce principe :

  • Parasites et pathogènes introduits par l’élevage : participation (de l’élevage) à une gestion des maladies et des parasites, analyse de la quantité de poux de mer (un parasite), collaboration avec des ONG, des scientifiques et des autorités publiques afin de mesurer l’impact de l’élevage sur les poissons sauvages, dont les salmonidés (la famille à laquelle le saumon appartient, comme la truite) etc.
  • Introduction d’espèces non locales : prise en compte de l’existence préalable de l’élevage  de l’espèce dans la même région, risque d’implantation dans l’environnement …
  • Espèces génétiquement modifiées : elles ne sont pas autorisées. Si les OGM (intentionnellement modifiés) ne sont pas autorisés, on peut utiliser des espèces de saumons sélectionnées pour certaines de leurs caractéristiques.
  • Évasions de poissons d’élevage : un maximum d’évasions est défini (300 par cycle de production) avec une méthode de comptage précise, mise en place de mesures pour éviter les évasions (tester la solidité des filets, noter les défaillances, former les travailleurs…).

Principe 4 : utilisation rationnelle des ressources

Ce principe encadre les éventuels effets négatifs de l’utilisation de ressources, en ce inclus la nourriture et les substances chimiques non thérapeutiques.

On y retrouve comme critères :

  • La traçabilité des ingrédients utilisés pour la nourriture des poissons : origine des ingrédients qui sont présents à plus de 1%.
  • L’utilisation de poissons sauvages comme nourriture des poissons d’élevage : le ratio poissons sauvages (farine de poisson) par rapport aux poissons élevés doit être inférieur à  1,2[7] (aussi pour l’huile de poissons). Il vaut en effet mieux nourrir les saumons avec plus d’alternatives qu’avec des farines ou des huiles de poissons.
  • Origine des nourritures marines utilisées : nourriture labellisée ISEAL[8], pas de poissons ou de farines d’espèces en danger etc.
  • Origine des ressources non marines : tout le soja utilisé doit être labellisé « soja responsable »[9], présence d’une procédure d’achat de ressources durables (par ex. pas certains sojas brésiliens venant de zones considérées comme déforestées), transparence concernant la nourriture issue de végétaux OGM (mais pas interdiction : la société qui élève les saumons doit cependant savoir qu’elle utilise des végétaux OGM et doit ainsi pouvoir en informer ses clients[10]).
  • Déchets (autres qu’organiques) doivent être gérés « proprement » selon ce qui est possible de faire sur place[11].
  • Consommation d’énergie et émissions de gaz à effet de serre : mesure de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre de l’élevage et, pour la nourriture utilisée, émissions de gaz à effet de serre. Il n’y a cependant pas de limites à ne pas dépasser, à ce stade cela se borne à mesurer les émissions et les consommations.
  • Substances chimiques non thérapeutiques (non utilisées pour traiter des maladies) : nettoyage des filets  avec gestion des eaux usées, analyse du taux de cuivre dans les sédiments autour de l’élevage (si utilisation de filets traités au cuivre), taux maximum de cuivre dans les sédiments, utilisation de biocides (pour les filets[12]) réglementés par l’Europe, les USA ou l’Australie[13].

Principe 5 : gérer les maladies et les parasites de manière responsable pour l’environnement

  • Santé des poissons élevés : plan de gestion des maladies et des parasites, visites vétérinaires au moins 4 fois par an, enlèvement responsable des poissons morts, analyse des causes de la mort, taux de mortalité due à un virus toléré si il ne dépasse pas la barre des 10%
  • Traitement des maladies : documentation présente sur toutes les substances (thérapeutiques) utilisées, pas d’utilisation de traitements comme les antibiotiques entre autre qui seraient interdits dans le pays de production ou de vente, analyse du taux de pesticides (anti parasitaires) dans les sédiments, pas d’usage d’antibiotiques considérés comme importants pour la médecine humaine, pas plus de 3 traitements antibiotiques par cycle de production ....
  • Résistances des parasites, virus et bactéries aux traitements : étude de la résistance (c’est-à-dire l’absence d’effet après deux traitements), utilisation d’un traitement alternatif si une résistance est détectée, et rotation entre les traitements.
  • Gestion de la biosécurité : tous les saumons sont de la même génération, avertissement des autorités compétentes en cas de mortalité en augmentation[14], conformité avec le code sanitaire pour les animaux aquatiques[15] etc.

Principe 6 : gérer et développer la ferme d’une manière socialement responsable

Sont inclus, comme critères :

  • Liberté d’association et de négociation collective : accès aux syndicats librement choisis, liberté d’association, de négociation…
  • Pas de travail des enfants de moins de 15 ans), protection des jeunes travailleurs et travailleuses y compris les 15-17 ans.[16]
  • Pas de travail forcé, pas de discrimination.
  • Environnement de travail sain et sûr : équipements de protection individuelle disponibles, formation des travailleurs et travailleuses, assurances, enregistrement des accidents de travail…
  • Salaires : paiement du salaire minimum légal, évolution vers un salaire suffisant (si le salaire minimum du pays par rapport au secteur d’activité n’est pas considéré comme suffisant pour vivre)…[17]
  • Contrats : tous les travailleurs et travailleuses ont un contrat, présence d’un règlement qui assure le respect des critères sociaux des fournisseurs et sous-traitants
  • Résolution des conflits : existence d’un système de gestion des plaintes, et prise en compte d’un délai de 90 jours pour la gestion des plaintes (reçue, traitée et solution trouvée).
  • Heures de travail : heures supplémentaires non obligatoires, payées et ponctuelles, prestations plafonnées à 60h/semaine (dont 12 d’heures supplémentaires).

Principe 7 : être un bon voisin et un citoyen consciencieux

  • Liens et rencontres avec les représentants élus des communautés locales, existence d’un règlement de résolution des plaintes par les représentants et organisations de la communauté  notamment.
  • Respect des cultures et des territoires des communautés indigènes et aborigènes.
  • Pas de limitation d’accès aux ressources des communautés locales sans l’approbation de celles-ci, analyse de l’impact sur ces ressources par a ferme d’élevage…

 

Lien vers les critères / le référentiel en ligne  

https://fr.asc-aqua.org/les-referentiels-asc/

Gestion du label

Le label ASC a été créé en 2010 par le WWF et le Dutch Sustainable Trade Initiative (IDH). Après concertation avec différents acteurs (éleveurs de poissons, ONG, transformateurs, distributeurs…), le premier cahier des charges pour saumon a été lancé en 2013[18].

Contrôle indépendant ?

Oui, via la liste de l’ASI, comme pour le MSC : https://fr.asc-aqua.org/obtenir-certification/trouvez-un-organisme-de-certification/

Site

https://fr.asc-aqua.org/

Catalogue des produits / entreprises labellisés

https://fr.asc-aqua.org/trouver-produit/
 

Pour aller plus loin

L’avis de labelinfo.ch : https://www.labelinfo.ch/fr/portrait/asc-aquaculture-stewardship-council

Lire aussi

 

 


[2] Sans aller aussi loin que Fairtrade.

[3] Les 11 référentiels ASC couvrent 17 espèces : bivalves (huîtres, moules, palourdes et pétoncles); crevettes; liches/cobias; bar, dorade et maigre; ormeaux; pangasius; poissons marins tropicaux; poissons plats; saumons; tilapias; truites d’eau douce.

[4] Notamment basées sur le potentiel redox des sédiments, de différents index fauniques (index biotique marin, Infaunal trophic index etc). Plus d’infos sur ces différents index ici : https://archimer.ifremer.fr/doc/00118/22924/20744.pdf

[5] Définition : « Il se définit comme « une valeur biologique, écologique, sociale ou culturelle d’importance capitale ou critique, reconnue comme unique ou remarquable par rapport à d’autres exemples dans la même région ». C’est une notion qui est née avec le standard FSC des forêts : https://fr.fsc.org/fr-fr/la-foret/hautes-valeurs-de-conservation

[6] Les prédateurs naturels qui viendraient manger des saumons d’élevage.

[7] Le WWF recommande <1. Pêcher du poisson pour nourrir du poisson n’est pas le plus efficace et on aurait intérêt à nourrir des humains directement avec les poissons pêchés (dans une certaine mesure, tout n’est pas consommable directement) que de nourrir des saumons qui seront à leur tour mangés. Plus d’infos ici : « Wild fish consumption can balance nutrient retention in farmed fish » (Nature, 2024).

[8] Groupement de certifications dont fait partie MSC.

[9] RTRS ou équivalent.

[10] Il n’est cependant pas clair si cela se retrouve sur l’étiquette du saumon ASC que l’on achète en magasin. Pour rappel, il y a en Europe une obligation de mentionner si l’aliment que l’on consomme est OGM ou non (au-delà de 0,9%). Par contre rien n’oblige à indiquer si le morceau de viande que l’on achète vient d’une vache qui a été nourrie avec du soja OGM.

[11] Le « proprement » n’est pas vraiment détaillé mais le référentiel précise quand même, à toutes fins utiles, que « rejeter des déchets non biologiques dans l’océan n’est pas une façon « propre et responsable » de fonctionner ».

[12] Pour éviter que des organismes ne s’y accrochent.

[13] Parce que ces entités ont une législation sur les biocides considérée comme rigoureuse.

[14] Par mortalité accrue, le label ASC entend « une augmentation statistiquement significative du taux habituel sur base mensuelle » (A statistically significant increase over background rate on a monthly basis)

[16] Par protection, ASC entend pas de travail dangereux, pas plus de 10h combinées entre école et travail par jour, pas de travail qui empêche d’aller à l’école…

[17] Pas de délai ou d’autres obligations cependant pour arriver à ce salaire « suffisant » pour vivre.

Dernière mise à jour
02 septembre 2024
Rédigé par
Renaud De Bruyn

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