La pollution aux PFAS entraîne divers risques. Quels sont les effets réels sur la santé ? Est-on fort exposé en Belgique ? On passe en revue les dangers.
Les PFAS sont des substances très problématiques. Certains PFAS sont dans la liste officielle des « Substances extrêmement préoccupantes » de REACH, la législation européenne sur les substances chimique, ce qui n’est pas rien.
Les PFAS sont utilisés partout, ont des effets sur la santé et, à cause de leur stabilité, ils s'accumulent dans l'environnement et le corps. 99% de la population mondiale aurait des PFAS dans le sang[1], dans des quantités variables selon notre exposition à ces polluants. Quels sont les risques ?
Sommaire :
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Invisibles à l’œil nu et inodores, les PFAS sont des polluants insidieux.
> Voir : Que sont les PFAS et pourquoi les utilise-t-on ?
Dû à leur dégradation (très) lente dans l’environnement (vu leur structure très stable), on retrouve des PFAS partout autour de nous (dans l’eau, l’air, le sol…). Notre exposition vient donc surtout de notre environnement.
On considère qu’on absorbe en priorité des PFAS via l’alimentation et l’eau. Mais aussi par les poussières, l’air, l’utilisation de produits qui en contiennent…
> Lire aussi : Où trouve-t-on des PFAS ?
On peut donc être exposé de diverses manières, à de plus ou moins fortes doses, selon sa situation. Des échantillons ont été prélevés à divers endroits. On y a analysé la présence de PFAS dans l’eau (fleuve, eau souterraine, eau du robinet…), le sol et les organismes vivants. Certains sites sont considérés comme des « hot spots », des lieux où les PFAS sont concentrés à des doses considérées comme pouvant représenter un risque selon les spécialistes. Ils peuvent y être présents dans le sol, les eaux de surface (fleuve, rivière) ou l’eau du robinet.
Et en Belgique ?
On peut voir sur la carte ci-dessous, les différents lieux où une pollution aux PFAS a pu être détectée par le projet « Forever pollution project » en Belgique.
Parmi les points particulièrement pollués, le site 3M à Zwijndrecht qui a fait l’actualité en 2021[2] avec une concentration maximale relevée de 72 800 000 ng/kg. Cette usine a produit des PFOS pendant plusieurs décennies et jusqu’en 2002. Les PFOS sont un type de PFAS problématique pour la santé humaine, à tel point qu’ils sont interdits depuis 2009.
La quasi-absence de points en Wallonie ne veut pas dire qu’il n’y a pas de pollution, simplement qu’il n’y a pas eu d’analyse réalisée à la date de la parution de la carte. La Flandre a fait beaucoup plus d’analyses récemment, ce qui explique que l’on retrouve beaucoup plus d’endroits pollués sur la carte en Flandre (plus de 800 sites contaminés) qu’en Wallonie. Si on faisait autant d’analyses des deux côtés du pays, on décèlerait potentiellement bien plus de lieux pollués. Des budgets ont été alloués pour identifier des PFAS dans les eaux usées d’ici 2025.
Le travail de la RTBF conjointe au « Forever Pollution Projet » a déjà répertorié plus de 300 sites en Wallonie et à Bruxelles[3]. Dont certains sont considérés comme « hot spot », avec des concentrations très importantes, bien au-dessus de 100 ng par litre ou par kilo. Pour donner un point de comparaison, 100 ng/l c’est le maximum qui sera autorisé dans l’eau du robinet à partir de 2026 en Europe. Cela ouvre la porte à d’autres analyses dans un avenir proche afin de mieux comprendre l’exposition des populations.
Mais il n’y a pas que les « hot spots ». Certains lieux sont également considérés comme contaminés lorsqu’ils dépassent10 ng/l, une dose bien inférieure mais déjà suspectée de créer des problèmes à long terme sur la santé après des expositions chroniques.
En effet, on associe au PFAS des risques « chroniques », c’est-à-dire qu’il sont causés par des expositions répétées à des doses peu élevées. Contrairement aux risques dits « aigus », causés par une exposition pouvant être unique mais à forte dose.
Il reste difficile de dire quel est ou sera l’impact réel de notre exposition aux PFAS, du moins à de faibles expositions[4], d’autant qu’on considère parfois qu’il n’y a pas vraiment de seuil en-dessous duquel il n’y a pas d’effet[5].
Selon la nature du PFAS, le temps que le corps va mettre pour l’éliminer peut varier de plusieurs jours à plusieurs années[6], ce qui va influencer sa bioaccumulation[7]. C’est pour ça qu’on parle de polluants persistants, voire de « polluants éternels » ou « forever chemicals ».
Pour les 4 PFAS les plus présents, l’EFSA estime que la population adulte en absorbe entre 3 et 49 nanogrammes[8] (ng) par kilo de poids corporel par semaine[9].
Pour une personne de 70 kilos, cela signifierait donc une absorbtion moyenne de 1442 ng par semaine pour les 4 PFAS[10].
C’est grave docteur ?
Le souci est que l’EFSA, l’autorité européenne sur la sécurité des aliments, a récemment recommandé une absorption maximale de 4,4 ng de PFAS (toujours les mêmes 4 PFAS) par kilo de poids corporel par semaine (ou 0,63 ng/kg par jour). On appelle ça la TWI, pour « tolerable weekly intake » ou dose hebdomadaire acceptable. En théorie, si on est exposé toute sa vie à cette quantité, on ne devrait pas développer de souci de santé lié aux PFAS.
Pour notre personne de 70 kilos, cela donne 308 ng par semaine. Ce qui veut dire qu’en moyenne on dépasse (assez largement) la recommandation. Évidemment, certaines personnes sont en-dessous et d’autres bien au-delà.
Le CHU de Liège a analysé le sang d’habitants de la province de Liège en 2015. La présence de PFAS était juste en-dessous de ce qui est considéré à l’heure actuelle comme sans risque pour la santé[12]. Par contre, pour les personnes qui ont consommé de l’eau contaminée aux PFAS à Chièvres, les quantités de PFAS dans le sang sont au-dessus. Elles sont comparables à celles des habitants de Zwijndrecht riverains de l’usine 3M (parfois au-dessus, parfois en-dessous selon le PFAS analysé)[13].
Les PFAS sont une famille de substances qui ont toutes des propriétés propres. Certaines ont été plus étudiées que d’autres, ce qui signifie que plusieurs substances sont suspectées d’avoir des effets néfastes sur la santé (humaine et animale), alors que pour d’autres ces effets sont d’ores et déjà démontrés.
Voici quelques effets ayant pu être observés après exposition à certains PFAS[14] :
(les 4 effets en gras, marqués d’une astérisque sont considérés comme étant des effets potentiels avec un niveau de preuve scientifique suffisant selon les NASEM[15])
Il est toutefois difficile aussi de dire si les effets sur la santé sont pires que ceux d’autres polluants auxquels on est également soumis (bisphénols, phtalates, pesticides, particules fines, microplastiques, COV… la liste des polluants est très longue.)
Une bonne partie de l’enjeu autour des PFAS sera surtout de trouver comment faire « sans ». En effet dans un premier temps l’industrie a remplacé les PFAS à « longue chaîne » (de longues molécules de 6 carbones ou plus) par des PFAS à « courte chaîne » (des molécules plus petites), censés moins s’accumuler. Ce qui ne s’est finalement pas révélé être une bonne idée : ils se répandent plus vite et plus profondément dans l’environnement et sont également très persistants[17].
Une autre solution proposée est d’utiliser des PFAS sous forme de polymère (plusieurs molécules de PFAS collées entre elles, comme les plastiques qui sont des polymères (le polyéthylène est un polymère d’éthylène par exemple).
Ils sont censés être inertes et ne pas se dégrader en sous-molécules, ce qui a été démenti par une étude en 2023[18]. Difficile dès lors de croire en un PFAS vraiment inoffensif.
Autant donc s’en passer, quitte à ce qu’ils restent utilisés dans des domaines où ils seraient vraiment indispensables car il n’y a aucune alternative possible.
Étant donné les conséquences des PFAS sur la santé, on estime que leurs coûts pour la société sont très importants et ne feront qu’augmenter à l’avenir. Le coût annuel pour l’Europe est évalué entre 52 et 84 milliards d’euros selon un rapport du conseil nordique des ministres de 2019[19].
Les coûts potentiels à l’avenir effraient d’ailleurs certains investisseurs. En novembre 2023, un groupe de 50 grands investisseurs institutionnels (banques, compagnies d’assurances…) gérant (ou conseillant) pour plus de 10.000 milliards d’actifs financiers ont écrit une lettre aux CEO des 50 plus grandes entreprises chimiques cotées du globe, leur demandant de planifier l’arrêt de la production de PFAS[20].
En dehors des coûts liés à la santé, il est également important de prendre en compte les coûts liés à la dépollution de l’environnement. En Belgique par exemple, suite à la pollution du site de Zwijndrecht, l’entreprise 3M doit assainir les sols autour du site et déboursera pour cela plus de 571 millions d’euros, conformément au principe du « pollueur payeur »[21]. En plus de la Belgique, la multinationale se retrouve également face à des actions en justice dans d’autres régions du monde pour pollution des eaux, des sols…[22]
La bonne nouvelle, c’est que les normes en matière de PFAS ont été très fortement renforcées ces dernières années.
> Lire aussi : Quelles normes encadrent les PFAS ?
En attendant que la situation s’améliore, on peut aussi prendre certaines habitudes pour réduire son exposition aux PFAS.
> Lire aussi : Comment se protéger des PFAS ?
[1] « Pfas : des perturbateurs endocriniens aux effets encore mal compris », Le Soir, 9 novembre 2023 (abonnés).
[2] « PFAS à Zwijndrecht : une catastrophe environnementale sans fin… » sur daardaar.be. La pollution était connue depuis 2017 sans qu’il n’y ait eu de communication particulière à l’époque, ce qui rappelle ce qui s’est passé à Chièvres.
[3] « Enquête sur la piste des PFAS, ces "polluants éternels" qui ont contaminé la Wallonie et Bruxelles ».
[4] En Suède par exemple on a constaté une augmentation de problèmes de santé (trouble développemental du langage - TDL) chez les enfants suite à la contamination de l’eau potable à des taux très élevés de PFAS (10 000 ng/litre). La contamination de l’eau a été découverte en 2013. La contamination provenait de l’utilisation de mousses anti-incendies aux PFAS par un aéroport militaire à proximité depuis les années 80 (sans que l’on sache à partir de quand l’eau était effectivement contaminée). Un tiers des maisons étaient alimentées par une eau contaminée (10 000 ng/litre), deux tiers avec une eau peu contaminée (<5ng/litre). Les mères (et enfants) qui n’étaient pas plus exposés que le reste de la population ne présentaient pas plus de risque de TDL. Source : « Developmental language disorders in preschool children after high exposure to perfluoroalkyl substances from contaminated drinking water in Ronneby, Sweden », 2023.
[5] https://www.ssmg.be/avada_portfolio/environnement-pfas-eau-robinet/ et « EPA Says Even Extremely Low Levels of PFAS in Drinking Water May Be Unsafe » (2022).
[6] 97 ans pour le PFOA selon « Franko et al. (2012). Dermal Penetratoi potential of Perfluorootanoic Acid (PFOA) in Human and Mouse Skin, Journal of Toxicology and Environmental Health, Part A. 75:50–62.
[7] « La bioaccumulation désigne la capacité de certains organismes (végétaux, animaux, fongiques ou microbiens) à absorber et concentrer dans tout ou une partie de leur organisme certaines substances chimiques, éventuellement rares dans l'environnement. Chez un même organisme, cette capacité peut fortement varier selon l'âge et l'état de santé, ou selon des facteurs externes. », selon le portail Environnement santé Wallonie
[8] Un nanogramme (ou ng) est un milliardièmes de gramme, soit 0,000000001 gramme.
[9] Entre 3 et 22 ng/kg pc par semaine pour la moyenne LB, entre 4 et 49 ng pour l’UB. La moyenne LB est calculée en donnant la valeur 0 aux PFAS qui sont détectés mais qui sont en-dessous de la limite de quantification. Autrement dit, on sait qu’il y en a, mais on ne sait pas combien. La moyenne LB (lower bound) considère alors que la valeur est 0. La moyenne UB (upper bound) considère au contraire que si on détecte un PFAS, mais qu’on ne peut pas le quantifier, on lui attribue la valeur de quantification (soir la valeur la plus basse que les méthodes de détection actuelles sont capables de mesurer). Mais oui, c’est passionnant ! (en savoir plus que les LOD et LOQ).
[10] 26 ng = moyenne entre 3 et 49. Si cette personne pèse 70 kg, elle absorberait donc par semaine 26 ng x 70 kg, soit 1442 ng.
[11] Dans ce graphique, on regarde la moyenne d’exposition. Mais on pourrait aussi analyser la médiane. Pour l’Allemagne, la médiane d’exposition de la population est proche de la recommandation de l’EFSA, ce qui signifie que la moitié de la population est au-dessus, et l’autre moitié en-dessous. Voir « Here to stay: per- and polyfluoroalkyl substances (PFAS) in food and in the environment », BfR, juin 2023.
[12] On parle de valeurs « HBM » de 2000ng/litre de sang (plasma) pour le PFOA et 5000ng pour le PFOS Il s’agit ici de la quantité de (certains) PFAS dans le sang. Les valeurs sont plus élevées que ce qui est autorisé dans l’eau ou la nourriture, vu que ces substances restent dans notre corps plus ou moins longtemps.
[13] « Dosage de substances perfluorées dans le sang de riverains d’un château d’eau présentant une contamination importante aux PFAS », CHU de Liège, octobre 2023.
[14] « Effets des PFAS sur la santé » Agence Européenne de l’environnement (2021)
[15] Les NASEM sont les Académies nationales des sciences, d'ingénierie et de médecin aux Etats Unis
[16] « Exposure to per- and polyfluoroalkyl substances (PFAS) and type 2 diabetes risk” Roth, K., & Petriello, M. C. (2022).
[17] « Short-chain perfluoroalkyl acids: environmental concerns and a regulatory strategy under REACH », 2018 et «(« Human exposure to per- and polyfluoroalkyl substances and other emerging contaminants in drinking water (Nature, 2023).
[18] « ‘Safer’ PFAS replacements in food packaging still hazardous, finds research: ‘Polymers aren’t a harmless loophole’ », dans FoodNavigator, 2023.
[19] « THE COST OF INACTION : A socioeconomic analysis of environmental and health impacts linked to exposure to PFAS », Nordic Council of Ministers, 2019. Le conseil nordique des ministres est un organe officiel de coordination des pays nordiques. Le coût pour l’Europe est celui pour les pays de l’Espace économique européen (les 27 + l’Islande, la Norvège etc).
[20] « Des investisseurs craignent que les Pfas ne deviennent le nouvel amiante », Le Soir, 15 novembre 2023.
[21] « Le principe du pollueur-payeur signifie que les pollueurs paient pour les mesures de prévention, de contrôle et de lutte contre la pollution ainsi que pour les coûts engendrés pour la société par la pollution. », d’après la Commission Européenne.
[22] « Les PFAS des mousses anti-incendies dans le collimateur des Etats-Unis et de l’UE » L’usine Nouvelle (2023)
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