On nous inflige
Des désirs qui nous affligent
On nous prend, faut pas déconner, dès qu’on est né,
Pour des cons alors qu’on est…
Une foule sentimentale
On a soif d’idéal
Attiré par les étoiles, les voiles
Que des choses pas commerciales… (1)
«La propreté sans frotter», «doux pour les mains, dur avec la saleté», «débordantes de fraîcheur, qui dure», «la propreté au cœur du linge», «biodégradable», «naturel», «éco-efficacité », «éco-power», «des parfums qui changent la vie», «un monde plus beau à portée de la main», «Powered by nature». Tous ces slogans sont issus de publicités pour les produits d’entretien de la maison et du linge. Ça a l’air idiot, comme ça, tiré de son contexte… Pourtant, ça marche. D’une part, la publicité nous incite à consommer les produits qu’elle met en exergue et pour lesquels elle va même jusqu’à créer l’envie, que nous confondons avec le besoin. D’autre part, elle nous pousse à consommer toujours plus et dissémine de par le monde, érigés en modèles, des modes de consommation non soutenables. Dernière coqueluche des publicitaires, l’écologie s’avère porteuse en termes de marchés et tant les fabricants que les distributeurs veulent leur part de la manne verte. Car la publicité n’est pas une communication destinée à informer le consommateur mais bien à promouvoir la vente de produits. Et pour ce faire, tout est bon : les qualités et performances du produit, avérées ou non, sont vantées par des slogans racoleurs.
Par sa campagne 2012 « On ne se fait pas berner : les produits d’entretien sous la loupe » écoconso vise notamment à permettre au consommateur de s’y retrouver entre allégations environnementales, vérités écologiques, arguments de vente, voire manipulations et mensonges éhontés dans l’étiquetage et la publicité relative aux produits d’entretien. Quelles sont les limites autorisées, sous quel contrôle ? Comment faire le tri?
La publicité est définie comme "toute communication ayant comme but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits ou de services, […] quel que soit le lieu ou les moyens de communication mis en œuvre". (2) La publicité commerciale est définie et régie par la loi du 6 avril 2010 (3) relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.
La loi vise notamment à assurer la protection du consommateur en veillant à la mise à disposition d’une « information suffisante et adéquate » : réglementation appliquée à l’indication des prix, de la quantité, de la composition des produits mais aussi aux pratiques commerciales déloyales, à la publicité, etc.
Le développement durable et les «idées vertes» décuplent l’inspiration des publicitaires, qui surfent l’air de rien sur la vague anxiogène générée par les catastrophes environnementales, les films révélant l’ampleur des dégâts écologiques, la crise climatique et exploitent la volonté du consommateur de «faire de bonnes actions environnementales ». Parallèlement, les pouvoirs publics tentent de faire progresser une consommation plus durable et renforcent les instruments légaux visant à promouvoir le développement de produits plus respectueux de l’environnement et de la santé. Toujours plus sensibilisé, le consommateur accroît d’année en année son intention de consommer des produits plus durables. Toutefois, manipulé par d’habiles discours mêlant le biodégradable au végétal, le naturel aux fabrications « à l’ancienne », il tombe facilement dans les rets de ce qui s’apparente le plus souvent à une verte mascarade. C’est légal, ça ? La loi générale sur les pratiques du commerce ne prend pas en compte la publicité écologique. En 1998 est né en Belgique un code de la publicité écologique, qu’il est recommandé aux producteurs, annonceurs, distributeurs, etc. d’appliquer de manière… auto-disciplinaire. Par ailleurs, c’est le Jury d’Ethique Publicitaire (JEP) qui a été désigné pour vérifier que l’auto-régulation se passe bien. Le JEP, « organe d’autodiscipline (là aussi !) du secteur de la publicité en Belgique, a été créé en 1974 par le Conseil de la Publicité, asbl qui regroupe des représentants des annonceurs, des agences de communication et des médias, dont l’objectif est de promouvoir la publicité, facteur d’expansion économique et sociale » (4). Associations de consommateurs et organisations environnementales évaluent négativement le code, plaident pour qu’il soit remplacé par une véritable loi, contraignante, et remettent en cause l’indépendance du JEP, composé de ceux-là mêmes dont il est censé contrôler le comportement éthique ! Qui scierait volontairement la branche sur laquelle il est assis ? Enfin, le JEP a modifié son fonctionnement et n'est plus compétent que pour la publicité dans les médias, hors expertise technique, ne se prononçant plus dès lors sur l'application complète du code de la publicité écologique. La voie de la dérive verte est donc libre.
La promotion des produits fait l’objet de différents types de déclarations environnementales. Une déclaration environnementale est un slogan (« biodégradable », « sans phosphates »), un texte explicatif ou un message graphique (logo, pictogramme, image) figurant sur un produit ou son emballage ainsi que dans la communication commerciale d’une marque ou d’un produit. Elle est destinée à vanter des mérites environnementaux, avérés ou non, le but ultime étant de tirer un avantage concurrentiel, de positionner une marque sur le marché et d’en vendre les produits.
Trois catégories d’étiquetage environnemental coexistent. L’étiquetage environnemental de type I (ISO 14024) est représenté par les écolabels nationaux et supranationaux (Nordic Swan, Ecogarantie, Ecolabel européen, etc.), qui sont des marquages environnementaux officiels faisant l’objet d’un contrôle par tierce partie. Ensuite, l’étiquetage de type II (ISO 14021) est représenté par les auto-déclarations et marquages assimilés portés par le produit lui-même, de même que les marques et labels propres à une marque, un fabricant, un distributeur. Ils n’engagent que la seule responsabilité de ces derniers, sans garantie par une autorité extérieure. Enfin, les industriels élaborent, par le biais d’analyses de cycle de vie, des écoprofils (étiquetage environnemental de type III, ISO TR 14025) présentant, souvent sous forme de diagrammes, des données quantitatives sur les impacts environnementaux d’un produit.
Nous nous intéresserons ici aux auto-déclarations environnementales qui sont souvent du greenwashing (éco-blanchiment). Selon le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement, le greenwashing «qualifie les opérations de communication qui tentent de valoriser des engagements sociaux ou environnementaux en dépit de l’absence d’actions à la hauteur de cette communication (Utopies). Le «greenwashing» est perçu comme une tentative de minimiser ou d’occulter les conséquences sociales ou environnementales des activités principales des entreprises qui ont recours à cette pratique. […] Concrètement, le greenwashing recouvre des pratiques communicationnelles opaques et illégitimes sous forme de publicité mensongère ou trompeuse, d’occultation des pratiques contraires aux normes et standards internationaux, de mise en valeur des bonnes pratiques de l’entreprise souvent mineures au regard de ses activités principales ou encore d’instrumentalisation d’un tiers légitime. » (5)
Tous les fabricants ne jouent pas les truands dans la promotion de leurs produits mais les pratiques douteuses de certains risquent bien d’amener le consommateur à jeter le bébé avec l’eau du bain, faisant ainsi un tort irrémédiable aux produits véritablement durables. Comment distinguer le greenwashing d’arguments fondés ? Suivez le guide !
Dans le secteur des produits d’entretien, les déclarations environnementales concernent le plus souvent la composition d’un produit et l’amélioration de ses qualités environnementales, son impact sur l’environnement, en particulier sa biodégradabilité, son emballage (composition plus écologique, réduction de la quantité de déchets, caractère recyclable ou recyclé), etc.
La déclaration vague, imprécise portant sur des avantages environnementaux ou « durables » : produit « vert », « non polluant », « écologique », « respectueux de la nature », « 100% naturel », « biodégradable ». 100% non quantifiables, voire fantaisistes (« ami de la nature »!).
L’arbre qui cache la forêt, à décoder façon prestidigitation (ce qu’on me montre cache ce que je devrais voir) : les mentions « au vrai savon de Marseille », « au bio-alcool », « à l’huile essentielle de citron » attirent l’attention sur un élément, pas nécessairement dominant dans le produit. Vérifions dans la liste des ingrédients classés par ordre décroissant d’importance, la place du composant vanté. Le slogan « Sans … » doit générer la question « avec quoi ? ».
Les améliorations environnementales inexistantes : « biodégradable à plus de 90% », « tensio-actifs biodégradables selon la norme OCDE », « tensio-actifs rapidement et facilement biodégradables (norme OCDE-301E) ». Ce n’est que conforme à la législation en vigueur, que tous les produits détergents doivent respecter ! (6) En outre, seuls les tensio-actifs sont concernés et non la totalité du produit comme certaines mentions le laissent entendre. Pour être pertinente, la mention de biodégradabilité doit excéder les exigences de la législation, qui impose aux tensio-actifs des détergents une biodégradabilité primaire minimale de 90 %, mesurée selon une méthode de laboratoire agréée. Autre exemple, « sans… » + une substance nocive, qui n’aurait jamais figuré dans ce type de produit ou n’y figure plus du fait de la législation : logo « sans CFC », alors que ce gaz est interdit depuis des années, lessive textile « sans phosphates », ce composant étant interdit depuis 2007.
La mise en évidence d’un aspect restreint du cycle de vie : vendre un nettoyant en vantant son flacon 100% recyclé / recyclable ou en plastique 100% d’origine végétale, alors que le produit contient des composants néfastes pour l’environnement et la santé.
La mention « recyclable » vantant la qualité de l’emballage. S’il n’existe pas de filière de tri pour l’emballage en question, ou si le consommateur trie mal, il finira dans la poubelle tout-venant. Ensuite, s’il est effectivement en plastique recyclable pour lequel il existe une filière de reprise, mais contient un produit désinfectant, comme c’est malheureusement le cas pour certains nettoyants, il ne pourra bénéficier de la collecte PMC mais devra être évacué au parc à conteneurs, section petits déchets chimiques. Exit le recyclage, argument non fondé.
Les préoccupations environnementales qualifiant les activités de l’entreprise : consommation énergétique réduite sur le site de production, réduction des émissions de gaz à effet de serre, production en circuit fermé, management environnemental de l’entreprise, etc. Ces allégations doivent, pour être acceptables, être vérifiables, précises (spécifier l’activité concernée s’il ne s’agit pas de l’ensemble des activités de l’entreprise), mesurables, explicites (quelles actions les plus significatives sont concernées, avec quels moyens de vérification) et ne pas induire que toutes les activités de l’entreprise sont concernées là où, par exemple, seule l’extraction des matières premières ou l’approvisionnement de l’entreprise en électricité « verte » serait concerné. En outre, il faut qu’un lien objectif puisse être établi entre la démarche environnementale de l’entreprise et le produit concerné. Dire que l’entreprise est verte parce que « zéro papier » dans ses activités administratives n’a pas de lien objectif avec son activité de fabrication de produits d’entretien, qui n’en dérive pas plus de qualité environnementale. Idem pour les compensations de type « 1€ reversé à l’ONG x à chaque paquet de lessive acheté ». La démarche doit être présentée clairement, objectivement, sans induire auprès du consommateur que le produit a des qualités environnementales particulières ou que les impacts environnementaux, voire sociaux, de sa production sont ainsi compensés.
Pour ne pas se faire berner, se recentrer sur ses besoins réels est essentiel. L’entretien d’une maison ne demande qu’un nombre restreint de produits (cf fiche « 123, je passe à l’entretien écologique »). On les choisira écologiques, sur la base de références sûres (cf brochure « Les étiquettes sans prise de tête ») en traquant le greenwashing. On pourra aussi les élaborer avec des ingrédients simples, à impact réduit : bicarbonate de soude, cristaux de soude, vinaigre, etc.
Pour le reste, restez critiques, on chasse le greenwashing toute l’année! Transmettez-nous (info@ecoconso.be ou 081 730 730) toute information greenwashante relevée dans la communication des marques, sur les étiquettes de produits, dans les rayons des magasins. L’Observatoire Citoyen du Greenwashing vous est ouvert pour dénoncer les publicités qui éco-blanchissent les produits.
Bonne chasse !
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