On entend souvent parler de permaculture mais qu’est-ce que c’est au juste ? Éthique, principes, exemples... On fait le tour de cette démarche riche, qui tient compte du fait que tout est lié.

Sommaire :

> Lire aussi : Comment démarrer un potager en permaculture ?

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En résumé, c’est quoi la permaculture ?

La permaculture part du postulat qu’en comprenant mieux le fonctionnement de la nature et des sols, on peut réduire nos impacts environnementaux tout en réalisant des systèmes abondants et résilients. On conçoit ainsi des sociétés humaines efficaces, soutenables et résilientes en harmonie avec l’environnement.

On voit le monde dans toute sa complexité en favorisant les interactions et en s’inspirant du fonctionnement de la nature et des écosystèmes.

Il ne s’agit pas d’une pensée uniquement environnementale mais également sociale, respectueuse des êtres humains et de l’idée du partage des ressources. La permaculture est désormais considérée comme une approche conceptuelle globale, une vision du monde, une philosophie de vie voire même une méthode.

L’appellation permaculture provient de la contraction des termes « permanent » et « culture ». Initialement, le terme « culture » est pensé dans le sens « culture agricole » mais au fil du temps englobe aussi la « culture humaine », « de savoir », « de société ».

Elle répond à une certaine éthique et des principes, se basant sur « l’écologie scientifique » c’est-à-dire sur les connaissances en biologie et indigènes traditionnelles, des observations et expérimentations[1].

Attention : il ne s’agit pas forcément de techniques révolutionnaires ou uniques. La plupart sont déjà pratiquées par celles et ceux qui se soucient de leurs impacts sur l’état du monde ou sont même des techniques héritées depuis des millénaires ! On la considère donc plus comme une boîte à outils qui invite à la réflexion lors de la construction de projets. Sont d’ailleurs très présents dans la permaculture de nombreux outils tels que le design, le zonage… outils de visualisation qui permettent d’organiser des nouveaux projets.
 

Une éthique

L’éthique de la permaculture est basée sur trois principes. Un socle qui soutient la permaculture de manière générale et guide la mise en œuvre.

  1. Prendre soin de la nature/Terre (sols, forêts, eau) 
    On favorise la nature ou a minima on ne lui nuit pas ! On n’épuise pas les ressources de la terre, on favorise la biodiversité et la vie des sols. On refuse donc par exemple les intrants et insecticides.
  2. Prendre soin des humains (soi-même, la communauté, les générations futures)
    Avant d’entreprendre tout changement, on s’assure du bien-être, de la bonne entente et de la coopération entre les humain·es.
  3. Partager/distribuer équitablement les ressources (limiter la consommation, redistribuer les surplus, recycler)
    On évite de tomber dans la surconsommation. L’idée n’est pas forcément de tout produire mais de pratiquer des échanges avec les ressources en surplus.

L'éthique de la permaculture - Source : écoconso
 

Des principes

L'observation des écosystèmes naturels permet de définir une série de principes généraux de design, de stratégie et de comportements. Selon les théories on peut avoir jusqu’à 40 principes ! Ici, on analyse 12 d’entre eux.

Les principes de la permaculture - Source : Permacultureprinciples.com (sur le site, cliquer sur l'image pour plus de détails, puis sur chaque icône)

Ces principes sont suffisamment généraux et universels pour s'appliquer à de nombreux domaines. Ils ne sont pas pour autant figés : en fonction de son contexte, chacun peut déterminer les principes généraux de son propre système.

On voit ici rapidement à quoi correspondent 12 principes. Les exemples cités ici proviennent de l’article de Krebs et Bachs (2018)[2].

1. Observer et interagir

On observe son environnement afin d’en tirer des indications et pouvoir s’y adapter. On parle aussi de « gestion adaptative ». On ne retrouve pas ce principe que dans la permaculture, il est utilisé dans les techniques traditionnelles également. L’observation et l’interaction permettent d’augmenter la résilience et la productivité des systèmes.

2. Collecter et stocker l’énergie

On réduit et on optimise l’utilisation d’énergie (solaire, biomasse, eau…).

Un exemple intéressant ici est le paillage. Le paillage permet de stocker l’eau, d’augmenter les sols riches et d’éviter le ruissellement.

3. Créer une production

On vise un retour sur investissement qui nous semble suffisant pour le temps et les efforts que l’on a fournis.

À ce jour, peu d’études analysent la production agricole réelle en permaculture. Mais on sait que l’agriculture actuelle n’est pas toujours suffisamment efficace en comparaison à l’énergie et aux ressources (intrants et pesticides notamment) investies.

4. Appliquer l’auto régulation et accepter la rétroaction

On crée un système qui se régule au maximum lui-même, sans trop d’interventions humaines.

Par exemple, en favorisant la biodiversité (planter plusieurs variétés, accueillir des insectes, des mammifères et des auxiliaires de cultures), on peut réduire les attaques les ravageurs et leurs conséquences.  

5. Utiliser et valoriser les services et les ressources renouvelables

On vise ici la fin de notre dépendance aux ressources non renouvelables ayant des conséquences néfastes sur l’ensemble de la planète.

Par exemple, on utilise des plantes fixatrices d’azote ou des fumiers animaux (en petite quantité !) à la place de certains engrais minéraux néfastes. On pense également à l’énergie solaire, l’eau de pluie, l’énergie éolienne…

6. Ne pas produire de déchets

On part du principe que, dans la nature, il n’existe pas de « déchets » car tout élément finit par devenir la ressource d’un autre. On réduit les déchets de manière générale : que faire avec les fumiers? Comment opter pour des matériaux durables ?

On peut donner ici l’exemple des herbes coupées ou des tailles d’arbustes que l’on peut utiliser en couverture de sol plutôt que de les porter au parc à conteneur.

7. Partir des structures d’ensemble pour arriver aux détails

On appréhende la situation d’ensemble avant d’essayer de comprendre chaque détail du système.

L’exemple le plus connu en permaculture concernant ce principe est le zonage. On sépare son espace en différentes zones en fonction du temps que l’on va devoir leur apporter. Grâce à cela on va organiser son espace avant même de décider quelles plantes mettre, quelles variétés choisir, quel matériel utiliser… Avoir une vision plus systémique permet d’économiser son énergie.  

8. Intégrer plutôt que séparer

On comprend comment les éléments du système peuvent s’aider mutuellement, on favorise ainsi les relations entre tous les éléments. Ces interactions positives commencent d’ailleurs à être démontrées dans les études.

Par exemple, dans un même espace de culture, certaines plantes sont appelées plantes « compagnes », c’est-à-dire qu’elles fonctionnent bien entre elles et favorisent la pousse ou la productivité des autres, elles ont des synergies positives.

On le voit aussi lorsqu’on favorise les interactions entre différents éléments d’un système (animaux/végétaux….). On pense par exemple à l’introduction de la pisciculture dans des cultures de riz, entrainant de meilleures cultures grâce à la diminution des parasites et autres herbes. 

9. Utiliser des solutions à petite échelle et avec patience

Ce principe soutient qu’il est plus intéressant d’utiliser des petits systèmes productifs plutôt que de grands espaces. Certaines solutions « lentes » sont plus pérennes sur le long terme et plus résistants aux chocs.

Par exemple, le fait de constituer une terre arable par des techniques naturelles (fumier, légumineuses, engrais verts…) permettrait, à long terme, que ces terres soient plus résistantes aux sécheresses.

10. Utiliser et valoriser la diversité

La diversité permet une meilleure résistance et adaptabilité aux situations. En regardant la nature autour de nous, on se rend rapidement compte qu’il n’y a pas de monocultures naturelles.

Selon les études, la diversité augmenterait également l’abondance des récoltes, tout en favorisant la biodiversité des insectes et autres pollinisateurs, la résistance aux prédateurs, la qualité des sols, le piégeage du carbone, la rétention d’eau…

11. Utiliser les interfaces et valoriser les éléments de bordure

On ne s’intéresse habituellement pas beaucoup aux bordures. Pourtant, il s’agit d’endroits de grande biodiversité ! C’est là que se croisent deux biotopes différents. Les favoriser c’est également favoriser cette biodiversité.

Par exemple, augmenter ta taille des bordures des champs permet d’améliorer la pollinisation.

12. Utiliser le changement et y réagir de manière créative

Les écosystèmes ne sont pas des situations fixes et le changement est inhérent à notre monde (on le voit avec le changement climatique). On doit donc être flexible dans leur gestion. Trouver des ressources pour réagir permet de tenter d’en faire un système plus résilient.

Utiliser par exemple la succession naturelle des écosystèmes pour réaliser des plantations est une technique ayant également fait ses preuves.
 

Un exemple pour y voir plus clair : embaucher des poules

La collaboration entre espèces est un principe important de la permaculture. Les poules sont traditionnellement élevées pour leurs œufs et leur viande. La plupart du temps, on leur réserve un coin au fond du jardin avec un poulailler et on les nourrit de grains et de nos déchets.

Mais tout en vivant leur vie, les poules peuvent nous apporter encore plus de choses ! Elles peuvent nettoyer et ameublir le sol du potager à notre place, picorer les insectes et les limaces, enrichir la terre par leurs fientes, aider à réchauffer une serre, etc.

À l'aide d'une cage à poule mobile (autrement nommée tracteur à poules), on peut même remplacer le travail des machines ou des humains. La santé des animaux s'en ressent, la production et la qualité des œufs aussi.

> Apprendre les bases pour adopter des poules : Les poules nos copines écolos

À gauche : Tout ce que la poule est et fait est pris en compte dans l'approche permaculturelle (Source : Blogspot)
À droite : la serre-poulailler (Source : PermacultureDesign)

 

Est-ce que ça fonctionne ?

Pendant longtemps, peu d’études se penchaient sur la question de l’efficacité de la permaculture. Depuis peu, plusieurs recherches ont démontré que les résultats sont plutôt bons ! On observe que les sols cultivés en permaculture possèdent une biodiversité plus importante : oiseaux, vers de terres, plantes racinaires, micro-nutriments… Les sols participent également à un plus grand stockage carbone[3]. Il faudrait toutefois plus d’études afin de pouvoir affirmer l’étendue de ces effets avec certitude.

Et en dehors du monde de l’agriculture ? L’application du concept de permaculture dans les entreprises et au niveau de la société semble prometteuse (pour diminuer l’insécurité alimentaire, augmenter la résilience des communautés…)[4]. Mais les recherches sur le sujet en sont à leurs balbutiements.
 

Un outil pour l’avenir ?

Face à un monde en pleine perte de biodiversité, de perte de matières organiques (terres arables) importantes, en plein changement climatique… Comment la permaculture peut-elle faire partie de la solution ?

Que ce soit à l’échelle d’un balcon ou d’une ville, voire d'un pays, la permaculture donne des outils et un cadre de réflexion accessibles qui aident le citoyen et les collectivités à se situer à la fois dans le local et le global et à évaluer les actions menées.

La permaculture ne semble plus si farfelue ! On voit qu'elle s'intègre parfaitement dans les développements scientifiques actuels comme biomimétisme ou encore le développement de l'économie circulaire, de fonctionnalité, bleue ou symbiotique.

Mais si la permaculture est si intéressante, pourquoi n’est-elle pas appliquée partout ? Il ne faut pas sous-estimer l’énergie, les coûts et le temps mis en place pour la préparation et le mise en place de ces systèmes. C'est d'autant plus vrai lorsqu’on vise des impacts à long terme. Peu de bénéfices sont alors directement visibles (en tout cas en terme budgétaire).

On n’oublie pas non plus que de nombreuses techniques se développent en parallèle : agriculture biologique, agroécologie…

Attention toutefois : comme pour tout il est possible d’avoir des dérives. N’est pas expert·e de la permaculture qui veut ! Toutes les techniques ne se valent pas en terme d’efficacité. La permaculture n’est pas en tant que telle « révolutionnaire » mais elle remet en question et propose des pistes de solutions pour toute personne qui se questionne sur le sujet et souhaite aller plus loin.
 

Petit historique de la permaculture

Datant des années 1920, le concept de la permaculture a été développé dans les années 70 par deux australiens, Bill Mollison et David Holmgren[5]. Initialement tourné autour de la thématique de l’agriculture, le concept a évolué à travers le temps pour englober plus d’aspects et de domaines.  

Cette vision conceptuelle veut répondre aux injustices, à la consommation matérialiste ainsi qu’à l’exploitation exponentielle des ressources finies de la planète. La permaculture a émergé comme de nombreux mouvements sociaux face à ces constats pour proposer une nouvelle vision d’une société solidaire, plus résiliente et efficace, respectueuse de l’environnement et tendant vers plus l’autosuffisance[6].
 

Pour aller plus loin

Livres et revues

Sites

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[1] « Permaculture » Morel K., Leger F. and FGergysib R.S. (2019)

[5] Inspirés par les savoirs traditionnels aborigènes, l'agriculture naturelle du non-agir du japonais Masanobu Fukuoka ainsi que les connaissances en biologie

[6] « Permaculture » Morel K., Leger F. and Fergysib R.S. (2019)

Dernière mise à jour
19 septembre 2024
Thématiques
Rédigé par
Elsa Derenne

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