Le changement climatique entraîne déjà des canicules, des inondations, des impacts sur l'agriculture… Quelles adaptations faire pour mieux s'y préparer ?
Le climat change, c’est une certitude. Les inondations de l’été 2021 ont dramatiquement montré que les effets du changement climatique se produisent ici et maintenant. Ailleurs dans le monde, des températures record, des feux de forêts, des sécheresses, d’autres inondations révèlent notre vulnérabilité face aux éléments naturels. C’est d’autant plus inquiétant que ces évènement devraient devenir plus fréquents et plus violents.
Bien sûr, il faut tout mettre en œuvre pour contenir le réchauffement climatique. Mais le système climatique a une forte inertie : même si les pays parvenaient à tenir leurs engagements pris avec l’Accord de Paris et à rester sous 1,5°C de réchauffement, ce qui est loin d’être gagné, une partie des impacts seraient inévitables.
C’est pourquoi il est nécessaire de s’adapter dès aujourd’hui. On analyse les faiblesses d’un territoire et on met en place des actions pour mieux résister aux effets du réchauffement climatique. Tour d’horizon de quelques mesures d’adaptation.
Sommaire :
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Pour faire face au changement climatique, deux types de réponses sont nécessaires :
Les deux approches sont évidemment complémentaires. Dans la première, on essaye d’agir sur les causes, dans la deuxième on se prépare aux conséquences inévitables. Car le changement climatique est déjà là.
La modification du cycle de l’eau est l’une des conséquences déjà visibles du réchauffement climatique. On le constate à travers les épisodes « extrêmes » qui deviennent plus fréquents : fortes pluies, périodes de sécheresse, vagues de chaleur, inondations…
> Plus d’infos : Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique ?
Intuitivement on n’associe pas la Wallonie à la sécheresse. Pourtant, en 2018 et 2019, une quarantaine de communes ont dû mettre en place des mesures de restrictions d’eau ou l’alimentation par camion-citerne du fait du manque d’eau à certaines périodes.[1]
Cela impacte tous les secteurs, de l’agriculture jusqu’à l’industrie. Par exemple les centrales électriques sont sensibles aux périodes de chaleur et de sécheresse car elles utilisent de grandes quantités d’eau pour le refroidissement.
Les effets de ces changements dans le cycle de l’eau entraînent une série importante de mesures d’adaptation. Celles-ci dépendent largement de mises en œuvre par les pouvoirs publics mais certaines actions peuvent aussi être faites par les citoyens, parfois avec le soutien de primes.
C’est le point de départ. Pour identifier les mesures à adopter sur un territoire, on analyse sa vulnérabilité en matière d’agriculture, d’eau, d’infrastructures/d’aménagement du territoire, de la santé, de l’énergie, de la biodiversité, de la forêt…
Cette étude permet d’identifier les points les plus sensibles et de choisir les mesures d’adaptation les plus pertinentes.
En Belgique, les leviers pour renforcer l’adaptation aux changements climatiques sont essentiellement dans les mains des régions et des communes.
« La Convention des Maires pour le Climat et l’Énergie »[2] rassemble des villes et communes européennes autour des enjeux climatiques depuis 2008. Les signataires s’engagent à établir un Plan d’Action Energie Climat (PACE), comprenant des mesures d’adaptation, validé par le conseil communal.
573 communes belges (sur 581, donc) ont déjà signé la Convention des Maires, dont 378 ont soumis un plan d’action avec des objectifs d'atténuation et d'adaptation. Tout l’enjeu est maintenant dans le suivi. Un rapport de mise en œuvre doit être réalisé tous les deux ans. Or, moins d’un tiers des communes concernées a réalisé ce rapport.
Chaque Région a réalisé une étude de vulnérabilité et établi un plan d’adaptation. Au niveau national, l’essentiel des mesures concerne la coordination entre les entités fédérées. La mise en place d’un centre d’excellence sur le climat (prévu en 2022) est également du ressort du fédéral.
Le site adapt2climate.be de la Commission Nationale Climat reprend les mesures au niveau fédéral et au niveau des trois régions :
Les régions peuvent aussi soutenir les communes de diverses manières, par exemple :
Les mesures d’adaptation au changement climatique doivent être prises au niveau local afin de répondre à la réalité du territoire concerné. L’Europe a toutefois un rôle à jouer. Elle a adopté une nouvelle stratégie pour l'adaptation au changement climatique.[5]
Cette stratégie définit une vision pour que l’Europe devienne résiliente au changement climatique d’ici 2050. Concrètement elle prévoit :
Les épisode de fortes pluies sont l’une des conséquences du changement climatique. Ils entraînent un risque accru d’inondation. Pour les limiter mais aussi se préparer à leurs effets, les régions, les communes ainsi que les citoyens ont un rôle à jouer.
La Wallonie a notamment :
De leur côté, les communes accordent les permis d’urbanisme et peuvent par exemple limiter les constructions dans les zones inondables. Dans la gestion routinière, elles se chargent de l’entretien régulier des avaloirs, de l’entretien des berges des cours d’eau non navigables de catégorie 3 …
La Belgique est un petit pays densément peuplé. Du coup, l’espace au sol est très convoité. On doit à la fois y loger tous les habitants, y produire de la nourriture et de l’énergie, y accueillir des commerces, des activités de loisir et des zones de production, y laisser de l’espace pour la nature et l’indispensable biodiversité… Quand on modifie l’état naturel d’une surface au profit de bâtiments, routes, parkings, jardins, espaces verts urbains…, on appelle cela l’artificialisation des sols.
Force est de constater que l’artificialisation des sols a été importante en Belgique, le plus souvent au détriment de terres agricoles. Heureusement, il y a une tendance à la baisse[6] :
L’objectif est de réduire cela à 6 km²/an à l’horizon 2030 et d’arriver à 0 km² d’artificialisation en 2050, en alignement avec les objectifs européen.
On va donc progressivement cesser d’étendre les zones habitées et au contraire densifier les centres urbains. Problème : les zones urbaines sont particulièrement touchées par le risque d’inondation car l’imperméabilisation des sols empêche l’infiltration des eaux de pluie. Quand il y a un orage ou des pluies qui durent, toute l’eau qui tombe sur les toits, les trottoirs et les rues s’accumule dans les égouts, qui ont du mal à suivre le rythme…
Une technique consiste à ralentir le chemin de l’eau afin que différer son arrivée dans les égouts. Les citernes d’eau de pluie peuvent jouer ce rôle.
Elles apportent aussi de nombreux autres bénéfices. On profite d’une eau gratuite pour arroser son jardin et on réduit ainsi la pression sur les ressources en eau lors des épisodes de sécheresse estivale. On peut aussi alimenter ses toilettes en eau de pluie, c'est environ un tiers de la consommation d'eau chez soi. Voire même l’utiliser pour la machine à laver et la douche, moyennant une filtration adaptée.
Bonne nouvelle, certaines communes proposent une prime pour inciter à l’installation de citerne à eau de pluie (voir ci-dessous).
> Lire aussi :
Les toitures végétales agissent comme des éponges. Elle permettent à la fois de :
On distingue les toitures vertes extensives (plantées de mousses, lichen…), semi-intensives (avec du gazon et quelques plantes) et intensives (elle peuvent accueillir diverses plantes, même des arbres). Certains toits verts peuvent devenir un véritable jardin, à condition d’avoir été conçus pour cela et que la structure du bâtiment le permette.
Ici aussi certaines communes proposent une prime pour inciter à verduriser sa toiture (voir ci-dessous).
Besoin de refaire l’allée devant sa maison ? On évite les revêtements imperméables sur lesquels l’eau ruisselle jusqu’à s’accumuler plus bas. Quand c’est possible, on opte plutôt pour une solution qui permet à l’eau de s’infiltrer dans le sol, comme des dalles engazonnées, du gravier, des pavés drainants…
Malgré ces mesures et d’autres, des pluies extraordinaires peuvent dépasser les capacités d’absorption, surtout si on habite le long d’un cours d’eau ou dans une zone à risque. En cas d’inondation, on peut utiliser certains équipements :
Le site inondations.wallonie.be propose des outils pour adapter les logements aux inondations.
Certaines communes proposent une prime pour des travaux et des dispositifs de ce type (voir ci-dessous).
Certaines communes proposent des primes pour inciter à l’installation de ces dispositifs :
On n’hésite pas à poser la question à sa commune.
Une proportion croissante de la population mondiale vit dans les villes : 50% actuellement et jusqu’à 70% en 2050[7].
Or, la température à l’intérieur des villes est plus élevée de plusieurs degrés par rapport aux alentours. Même la nuit, il peut faire jusqu’à 10°C plus chaud. On appelle cela les îlots de chaleur.
En cause :
La Région bruxelloise a réalisé une cartographie des îlots de fraîcheur. Elle permet d’identifier les zones moins chaudes (où aller chercher un peu de fraicheur lors des fortes chaleurs) et de mettre en évidence les îlots de chaleur (c’est-à-dire les zones les plus à risques, où des actions concrètes doivent être mise en œuvre de façon prioritaire).
Bruxelles propose aussi une carte des cours d’eau, étangs, petits bassins, marais et fontaines.
Il n’y a pas de solution miracle mais un ensemble d’actions peuvent aider à lutter localement contre les îlots de chaleur urbains :
La combinaison d’arbres d’alignements, de façades végétalisées et de toitures vertes peut réduire localement la température de l’air d’une rue jusqu’à 2°C[8].
La Ville de Liège a ainsi lancé son plan Canopée en 2020, qui prévoit de planter 24.000 arbres à Liège d'ici 2030, notamment pour lutter contre les îlots de chaleur urbains.
De son côté la Ville de Namur procède à l’extension de son piétonnier et mise sur la végétalisation. Elle veut en outre créer un parc en lieu et place d’une zone bétonnée :
Pour se rafraîchir, on peut être tenté d’installer un système de climatisation. C’est une mauvaise idée car la clim’ renforce les causes du problème :
Par ailleurs, comme la climatisation augmente fortement la demande en électricité, ce qui peut mettre le réseau sous tension, voire provoquer des délestages pour éviter un blackout (comme cela s’est produit en Californie[11]).
Heureusement, il existe des astuces pour garder la chaleur dehors autant que possible et de bons réflexes pour se rafraîchir sans exploser sa consommation d’électricité.
> Voir nos idées pour se rafraîchir sans climatisation.
L’agriculture est particulièrement sensible aux changements climatiques. Le manque et l’excès d’eau influence les rendements agricoles et les maladies. C’est évidemment un enjeu important pour continuer à nourrir la population.
On doit donc aussi adapter les pratiques agricoles pour qu’elles soient résilientes au réchauffement climatique.
Quelques mesures d’adaptation spécifiques à l’agriculture :
Les forêts sont précieuses pour maintenir la biodiversité et les paysages, protéger les sols, réguler le climat, capter du CO2, fournir du bois… Mais elles peuvent aussi être fragilisées par le réchauffement climatique.
En Wallonie, le projet « Forêt résiliente » a pour objectif d’encourager les propriétaires forestiers à réfléchir différemment leur gestion pour régénérer leurs forêts et les rendre plus résilientes aux changements climatiques.
Il vise notamment le mélange d’essences dans des forêts adaptées aux changements globaux et qui intègrent davantage la biodiversité.
Ce sont les plus démunis qui auront le plus de mal à s’adapter. On l’a constaté notamment lors des inondations en Belgique : les logements inondés étaient le souvent occupés par des personnes grandement précarisées.[15]
Au niveau mondial c’est pareil : les pays plus pauvres auront plus de difficulté à investir dans des mesures d’adaptation. Pourtant ce sont les moins responsables du changement climatique !
C’est pourquoi il est prévu que les pays riches financent des mesures d’atténuation et d’adaptation dans les pays pauvres à hauteur de 100 milliards de dollars (86 milliards d’euros) par an. Ce principe a été acté à la COP de Copenhague en 2009, puis repris dans l’accord de Paris. Il devrait enfin être honoré en 2023.
Le montant peut sembler élevé mais il faut avoir en tête que les coûts de l’adaptation dans les pays en développement sont estimés à 70 milliards de dollars par an. Et ils ne feront qu’augmenter, pour atteindre 140 à 300 milliards de dollars en 2030 et 280 à 500 milliards de dollars en 2050.
Le nombre de catastrophes a été multiplié par cinq au cours des 50 dernières années, d’après l’Organisation Mondiale Météorologique[16]. Heureusement, elles font trois fois moins de victimes, grâce à de meilleurs systèmes d’alerte et de gestion. Toutefois, en Belgique il y a eu encore 1400 morts en 2020 des suites de la canicule.
Les coûts engendrés par ces catastrophes sont énormes. Les pertes économiques ont été multipliées par sept entre les années 1970 et 2010.
Rien qu’en 2021, ils s’élèvent à 150 milliards d’euros (170 milliards de dollars) pour les 10 catastrophes météorologiques les plus coûteuses.[17] C’est la tempête Ida qui a coûté le plus cher (65 milliards de dollars). Suivie par les inondations en Europe, notamment en Allemagne et en Belgique (4 milliards de dollars).
Parmi les conséquences : les primes d’assurance vont augmenter considérablement. Déjà lors de la COP 21 en 2015, le président d’Axa (premier assureur mondial) déclarait qu’un monde à +2°C serait encore assurable mais pas un monde à +4°C.[18]
> Lire aussi : Quelles sont les conséquences du réchauffement climatique ?
En Europe, les pertes économiques dues aux événements climatiques extrêmes se chiffrent entre 450 et 520 milliards d’euros sur la période 1980-2020, avec seulement un tiers qui est assuré.[19]
Or, un Wallon sur sept habite dans une zone inondable (soit 524 000 personnes). La valeur des biens présents dans ces zones est estimée à 31,5 milliards d’euros. À titre de comparaison, la valeur des biens touchés par les inondations de l’été 2021 était de 2,1 milliards d'euros...[20]
Les investissements faits aujourd’hui pour les mesures d’adaptation au changement climatique sont donc essentiels aussi pour des raisons économiques. On appelle certaines de ces actions des « mesures sans regret ». Ce sont des mesures qui sont rapidement rentables, apportent des bénéfices multiples, même dans le cas où les impacts des changements climatiques seraient surestimés. Par exemple faire une cartographie de la vulnérabilité et prendre de mesures en conséquence, ou encore mettre en place des systèmes d’alerte précoce ciblant les personnes vulnérables (notamment les personnes âgées).
Enfin, il y a aussi des actions qui sont bénéfiques à plusieurs niveaux. Par exemple, développer un maillage vert, c’est-à-dire créer des espaces verts là où il en manque et relier tous ces espaces entre eux. L’eau est mieux absorbée par le sol lors des pluies et les arbres créent des zones ombragées agréables lorsqu’il fait chaud. C’est aussi bénéfique pour la biodiversité car les espèces peuvent plus facilement se déplacer d’un espace vert à l’autre. Enfin, cela crée un cadre de vie plus agréable pour les habitants. De la même manière, on peut développer un maillage bleu (fontaines, étangs, mares, cours d’eau…).
Si une partie des actions d’adaptation dépend des pouvoirs publics, on peut aussi poser des gestes concrets à son niveau : installer une citerne à eau de pluie, éviter de bétonner son allée, verduriser sa toiture, planter des arbres dans son jardin, installer une mare…
> Lire aussi : 8 idées pour favoriser la biodiversité au jardin.
[1] IWEPS, cahier de prospective n°4, Risque de raréfaction des ressources en eau sous l’effet des changements climatiques, quelques enjeux prospectifs, septembre 2020.
[2] Précisions sur le site de la Convention des Maires.
[5] Communiqué de presse de la Commission, 10 juin 2021.
[8] Gromke et al. (2015), cité par Bruxelles Environnement.
[9] On compte environ 200g de CO2 par kWh d’électricité en Belgique. On pourrait penser qu’en plein été, quand le photovoltaïque produit davantage que ce qui est consommé la climatisation serait « zéro impact » mais il faudrait étudier globalement les usages de l’électricité pour pouvoir faire l’arbitrage le plus intelligent.
[10] D’après l’Agence Internationale de l’Energie.
[11] Voir par exemple cet article de Les Echos.
[12] L’agrocologie est un ensemble de pratiques culturales respectueuses de l’Homme et de l’environnement. Elle se base sur cinq principes de base : https://www.agroecology-giraf.be/fr/principes/
[13] Site dédié à la gestion des soles en Wallonie : sol.environnement.wallonie.be
[15] Carte blanche « Penser l’après-inondations en ne laissant personne sur le bord du chemin », Service interfédéral de lutte contre la pauvreté.
[16] L’OMM a publié un atlas des catastrophes des 50 dernières années (1970-2019). Voir Communiqué de l’OMM, août 2021.
[17] D’après l’évaluation de coûts faite par l’ONG Christian Aid « Counting the cost 2021 - A year of climate breakdown ».
[18] Cité par Novethic : « Réchauffement climatique : un monde à + 2 °C n’est déjà plus assurable », juillet 2021.
[19] Selon l’Agence Européenne pour l’Environnement, janvier 2022.
[20] Source : congrès résilience, 2 décembre 2021.