Le recyclage serait-il la solution miracle au problème des déchets ? On recycle de mieux en mieux et de plus en plus. On est passés de 32% à 46% de déchets ménagers recyclés entre 2005 et 2017 en Europe. Et ce taux devrait atteindre 65% en 2030.

Mais est-ce que recycler est suffisant ?

Réduire la quantité, voilà la priorité européenne en matière de gestion des déchets.[1] Le recyclage n’arrive qu’en 3e position. Et c’est normal puisque, selon l’adage : le meilleur déchet est celui qui n’existe pas.

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Dans les faits, on constate pourtant que l’on continue à utiliser des produits jetables ou à faible durée de vie.[2]

Si le recyclage est essentiel, il est encore trop souvent vu comme « la » solution universelle. [3]

Pourtant, recycler a ses limites. Les voici.

Sommaire :

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La collecte et le recyclage restent partiels

D’une part, on ne peut pas récupérer 100% de ce qui a été fabriqué. Produits perdus dans la nature, pollués, stockés un peu partout dans nos maisons, non triés et incinérés ou enfouis, désagrégés sous forme de petits morceaux, on ne « capte » jamais la totalité des déchets. Plus on utilise de produits jetables, plus on risque de les disperser.

D’autre part, on ne recycle pas tout ce qu’on collecte. Certaines filières n’existent pas ou ne sont pas considérées comme efficaces ou rentables. Résultat :

  • Sur les 26 millions de tonnes de déchets plastiques produits par an en Europe[4], seulement 30% sont récupérés pour être recyclés.[5]
  • Si on se limite à regarder les plastiques d’emballage ménagers (bouteilles, films, raviers…), le résultat est meilleur : le recyclage est de 42% en Europe[6] et de 38% en Belgique.29,[7]
  • Il n’en reste pas moins que 70% des déchets de plastique ne sont pas recyclés et sont donc enfouis ou incinérés.[8]

Le taux de collecte et de recyclage est bien meilleur pour les autres matériaux comme le verre, le métal ou le papier-carton.
 

Certains éléments sont difficiles à récupérer

Pour certains produits, on a beaucoup de mal à récupérer leurs éléments pour les recycler. C’est typiquement le cas des produits électroniques, qui utilisent de très nombreux éléments en très petites quantités, difficiles voire impossible à séparer pour les récupérer.[9]
 

Les nombreux matériaux dans un téléphone sont difficiles à extraire pour recyclage

Les 52 éléments contenus dans un smartphone. Source : Ingénieurs sans frontières [CC BY-NC-SA]
 

Très souvent, le recyclage est si difficile – quand il n’est pas impossible – qu’il est moins cher d’acheter des matières premières « neuves » que des recyclées. On estime ainsi que les ressources récupérables dans un smartphone valent 1 €.[10]

Si les technologies de recyclage évoluent, on est encore loin d’une boucle fermée où tout ce qui est produit est recyclé (et réutilisé) de manière significative.
 

Les pertes lors du processus

Perte de matière lors du recyclage

Infographie : écoconso [CC BY-NC-ND]
 

Comme tout processus (fabrication, traitement…), il y a des pertes lors du recyclage.

Par exemple :

  • Une tonne de plastique collecté ne permet jamais de produire une tonne de plastique recyclé.[12],[21]
  • La filière du recyclage du PET (le plastique utilisé pour les bouteilles transparentes par exemple) suisse affiche ainsi une perte de 3%.[13]
  • Pour l’acier, il faudrait 1,092 kg d’acier à recycler pour produire 1 kilo d’acier recyclé (soit 8% de perte).[14] D’autres sources mentionnent 2% de perte.[15]

Cela semble peu, mais mathématiquement, si on perd 5% d’une matière à chaque cycle, on aura perdu la moitié de la matière après seulement 14 cycles ! Autrement dit, si on recycle 10 canettes, après 14 recyclages on ne pourra plus en fabriquer que 5.

Pourtant, on calcule toujours les chiffres de recyclage sur base des collectes, c’est-à-dire de ce qui est fourni aux entreprises de recyclage, pas sur les tonnes de matières recyclées effectivement produites.
 

Certains produits sont difficiles à recycler

Idéalement, il faudrait fabriquer des produits qui sont facilement recyclables. Or, dans les faits, les recycleurs doivent généralement se « débrouiller » pour recycler ce qu’ils reçoivent : des emballages multimatières impossibles à séparer[16], des éléments collés, contaminés par ce qu’ils ont contenu (le carton de la pizza, le plastique ayant contenu des produits d’entretien), des emballages qui contiennent des adjuvants qui perturbent le recyclage, etc.

De manière générale, les additifs utilisés lors de la fabrication du plastique[17] influencent le recyclage. Par exemple, les bouteilles de lait en PET opaques ne sont pas recyclables à cause de la charge utilisée pour les rendre opaques.[18] Ce que l’emballage a contenu peut aussi influencer le recyclage, comme avec le ketchup dont le plastique devient jaune au recyclage

Cela rend donc le processus de recyclage complexe. Mais cela soulève aussi le problème des impacts sur la santé des résidus dans la matière recyclée. Ainsi, un rapport européen a ainsi mis en avant la présence de retardateurs de flammes[19] dans des jouets faits avec du plastique recyclé.[20] La question est encore plus épineuse lorsqu’il s’agit de produire des emballages destinés à contenir des aliments.[21]
 

Les matières recyclées sont parfois de moins bonne qualité

Les métaux et le verre se recyclent très bien. On peut refaire des pièces métalliques ou des bouteilles en verre de même qualité qu’à l’origine.

Par contre, on n’arrive pas encore vraiment à fabriquer des bouteilles en plastique à base de 100% de déchets de bouteilles en plastique.[22] La situation devrait changer avec l’obligation européenne d’avoir 25% de plastique recyclé dans les bouteilles à l’avenir. L’obligation concerne le marché d’un pays dans son ensemble. Pour atteindre cet objectif, certaines bouteilles pourraient être fabriquées en plastique 100% recyclé alors que d’autres pas. Or, pour pouvoir fabriquer des bouteilles en plastique entièrement recyclé, il deviendra important d’avoir suffisamment de déchets de plastique de bonne qualité.[23]

Actuellement, les matières plastiques sont souvent recyclées dans d’autres produits moins qualitatifs (des tuyaux, par exemple).
 

Le recyclage sous forme d’objets non recyclables

Le comble est atteint quand on recycle des bouteilles en PET en pulls, par exemple. Certes, c’est mieux que d’utiliser du plastique « neuf » mais le pull en question n’a pas de filière de recyclage. Du coup, la boucle est vite terminée. Au final, la matière n’aura été  recyclée qu’une seule fois.
 

Le processus de recyclage a aussi des impacts sur l’environnement

Transport des déchets, tri, broyage, nettoyage, fusion des matières sont autant d’étapes qui ont un impact écologique. Comme tout processus, il y a une consommation d’eau, d’énergie, de matières et donc pollution de l’air, de l’eau et émission de gaz à effets de serre.

Bien entendu, recycler a souvent moins d'impact que produire une matière « neuve », mais cela ne veut pas dire que le processus est neutre.

Par exemple :

  • le verre se recycle très bien mais le processus est tellement énergivore que les emballages en verre jetable (et recyclé) sont généralement mal classés dans les écobilans (par rapport au verre réutilisable ou au plastique par exemple)
  • le papier recyclé est préférable au papier neuf, mais peut s’avérer moins écologique si l’énergie nécessaire au recyclage provient de sources non renouvelables.[24]

Cela montre bien que réduire les déchets est la priorité. Le recyclage vient en solution pour les déchets qu’on ne sait pas éviter.
 

On exporte beaucoup de déchets

Si une partie de nos déchets est recyclée en Belgique, une autre partie est exportée. Parfois au sein de l’Union européenne, parfois en-dehors, dans des conditions souvent peu claires voire carrément mauvaises.

Par exemple, le plastique est loin d’être recyclé localement. Les emballages en plastique collectés en Belgique (le sac bleu) sont recyclés dans les pays frontaliers.[25] Mais cela laisse pas mal d’autres plastiques à traiter et recycler. 50% des déchets de plastique européens collectés pour recyclage sont exportés en dehors de l’Union européenne.[26]La Belgique est dans le top 5 des pays exportateurs de déchets de plastique au niveau mondial, selon Greenpeace.[27] Beaucoup de ces déchets de plastique étaient envoyés en Chine. Mais la Chine a revu ses critères de qualité pour l’importation et ne veut plus de nos déchets.

Faute d’infrastructure de recyclage, de nombreux pays, comme les États-Unis, se retrouvent parfois à devoir incinérer des plastiques pourtant triés par leurs habitants.[28]

> Lire aussi : « C’est quoi le problème avec le plastique ? »

Le plastique n’est pas le seul concerné. L’Europe exporte encore beaucoup de déchets électriques et électroniques, dont 80% vers l’Afrique[29], mais aussi des voitures.[30]
 

Recycler, si on n’a réellement pas pu éviter le déchet

Recycler est indispensable. Tout ou partie de ce que l’on utilise deviendra, à terme, un déchet. Mais il est primordial de ne pas avoir à recycler trop d’objets trop rapidement.

Car même si les processus de recyclage s’améliorent, le meilleur déchet reste celui qui n’existe pas.

> Lire aussi : 7 astuces zéro déchet pour alléger sa poubelle au quotidien

 


[1] Directive 2008/98/CE relative aux déchets.

[2] Il y a pourtant eu un essai de promotion des objets réutilisables dans les années 90 avec les écotaxes. Elles ont fait long feu. Deux articles pour y voir (un peu) plus clair sur La Libre et le Vif. Particulièrement pour les emballages, on trouve toujours en Allemagne les mêmes bouteilles réutilisables en plastique que celles que l’on a vues un bref instant en Belgique dans les années 90. Visiblement, ailleurs, ça peut marcher.

[3] Il suffit de voir toute la promotion faite autour du recyclage. Des bouteilles en plastique recyclées en magnifiques pulls, des canettes qui deviennent de jolis vélos, des gsm repris pour être recyclés si on achète le tout dernier modèle – qu’importe si l’ancien fonctionne toujours etc.

[4] Tous déchets de plastique confondus.

[5] Source : http://ec.europa.eu/environment/circular-economy/pdf/plastics-strategy-brochure.pdf . Ce qui n’est pas recyclé est enfoui ou incinéré, en fonction des pays européens. En Belgique, il n’y a plus de mise en décharge de déchets ménagers. Les plastiques collectés et non recyclés sont donc incinérés (avec récupération d’énergie).

[7] Il s’agit du pourcentage de plastique collecté pour être recyclé, par rapport à ce qui est mis sur le marché.

[8] Avec récupération d’énergie, du moins en Belgique.

[9] La quadrature de l’économie circulaire ou pourquoi recycler n’est pas si simple par Eric Pirard (audio) ainsi que « Une mine d’or dans ma poche » du même auteur.

[13] 1174 tonnes du PET réellement collecté et trié (donc sans les résidus qui ne seraient pas du PET) pour 38604 tonnes à recycler. Soit une perte de 3%. Source : https://www.petrecycling.ch/fr/savoir/chiffres-et-faits/flux-des-matieres

[16] M&M’s va changer son emballage pour cette raison, d’ailleurs. À lire sur processalimentaire.com. TetraPak a annoncé, en 2018 que “La majorité des briques alimentaires sont composées de carton (75 %), de plastique (20 %) et de feuilles d’aluminium (5 %). Si les fibres récupérées lors du recyclage trouvent un marché solide lorsqu'elles sont converties en pâte à papier de qualité supérieure destinée à être utilisée dans des biens industriels et de consommation, il n'en est pas de même pour le mélange polymère et aluminium récupéré (PolyAl).”. Autrement dit, on recyclait la partie papier, mais les deux autres couches restaient ensemble. Depuis le temps qu’on récupère les cartons à boissons…

[18] Cités par Médor. La bouteille de lait en PET opaque, même déposée dans le sac bleu, ne sera probablement pas recyclée, contrairement aux bouteilles « naturellement opaques » en PEHD, qui elles sont recyclées. Quand on vous dit que le recyclage du plastique, c’est compliqué ! Visuellement, difficile de distinguer les deux, même si, au toucher, la « consistance » est différente. Pour les plus motivé.e.s, le PET opaque a le numéro 1, le PEHD, le n°2 (comment reconnaître les plastiques ?)

[19] Des retardateurs de flammes sont ajoutés dans certains plastiques, notamment dans les plastiques utilisés pour des électroménagers. Comme le plastique brûle bien, il faut lui ajouter des retardateurs de flamme. Ces retardateurs de flammes sont toxiques pour la santé.

[21] Le plastique pose de nombreux problèmes de qualité quand il s’agit d’utiliser du plastique recyclé pour fabriquer des matières amenées à entrer en contact avec des aliments. Mais ce n’est pas impossible -> http://www.processalimentaire.com/Emballage/Les-plastiques-recycles-reclament-leur-droit-au-contact-alimentaire-32073 . Le plastique n’est pas le seul concerné, le carton recyclé l’est aussi. Le verre ou le métal ne posent pas ce genre de problèmes.

[22] Les industriels du plastique cherchent à produire des matières plastique qui pourront être recyclées « à l’infini ». Mais actuellement, ce n’est pas le cas. Tout au plus fabrique-t-on des bouteilles de produits d’entretien avec la « crème » des PMC collectés (Le Soir, 26 avril 2019). La Suisse cependant y arrive, mais elle a une collecte séparée de bouteilles PET de boisson qui lui permet d’avoir une matière à recycler de très bonne qualitél.

[23] D’autant que le plastique recyclé… est plus cher que le plastique vierge.

[24] « Limited climate benefits of global recycling of pulp and paper », Nature, octobre 2020. Article vulgarisé sur youmatter.world.

[29] « La décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie, véritable défi économique et environnemental pour le Ghana. » (francetvinfo.fr)

[30] « Changement climatique: des voitures d'occasion ''dangereuses et polluantes'' exportées en l'Afrique » (bbc.com).

 

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