Quelles normes encadrent les PFAS ?

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Quelles normes encadrent les PFAS ?

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Les PFAS, des substances de plus en plus encadrées. Les lois et les normes évoluent, notamment en ce qui concerne les PFAS dans l’alimentation et dans l’eau.

Les PFAS sont des polluants dits « émergents », c’est-à-dire que leurs effets néfastes ne sont connus que depuis peu et que l’on en apprend toujours sur ces substances. C’est surtout au début des années 2000 qu’on a commencé à prendre conscience de notre exposition aux PFAS (et des problèmes que cela pouvait poser), notamment avec le procès intenté à la société Dupont et son PFOA (un type de PFAS) aux USA[1].

En Europe, si les PFAS sont loin d’être interdits, ils sont de plus en plus réglementés.

Sommaire :

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Certains PFAS sont réglementés

L’usage de certains PFAS a été réglementé par la convention de Stockholm sur les Polluants Organiques Persistants (POPs). Parmi eux, on retrouve notamment les PFOS (acide perfluorooctane sulfonique), PFOA (l’acide perfluorooctanoïque utilisé autrefois dans le téflon) ainsi que les PFHxS (acide perfluorohexanesulfonique)[2].

Certains PFAS sont aussi classés comme « substances extrêmement préoccupantes » (SVHC) par l’ECHA (l’agence européenne des substances chimiques). Cela en raison de leur persistance, de leur mobilité dans l’environnement et de leur toxicité.

Les « substances extrêmement préoccupantes » sont des substances ou groupe de substances considérées comme pouvant avoir des effets néfastes sur la santé humaine et/ou l’environnement[3]. C’est pourquoi elles sont réglementées et l’agence européenne des substances chimiques encourage progressivement leur substitution par des substances moins problématiques.
 

Pas d’interdiction générale mais des normes spécifiques

Certains pays européens souhaitent aller plus vite et plus loin et ont porté une initiative devant l’agence européenne des substances chimiques afin d’obtenir une restriction « universelle » de la production de la catégorie des PFAS au niveau européen, c’est-à-dire une interdiction globale de production et d’utilisation au niveau européen[4].

S’il n’existe donc pas de législation qui interdit les PFAS dans leur ensemble, il existe néanmoins des normes spécifiques.

La nourriture et l’eau sont deux voies importante d’exposition aux PFAS. On s’attarde donc sur les normes dans ces domaines.

> Voir : Où trouve-t-on des PFAS ?
 

Les normes en matière d’alimentation

On distingue deux types de normes :

  • les recommandations de consommation, c’est-à-dire l’exposition à une certaine quantité de polluant, exprimée généralement en µg ou ng de contaminant par kilo de poids corporel par jour ou par semaine. Ce sont par exemple la dose journalière admise (DJA) ou encore la TWI (Tolerable Weekly Intake)[5]. En Europe l’EFSA (l’autorité européenne de sécurité des aliments) fait ce genre de recommandation aux autorités.
     
  • la quantité maximale de contaminant acceptée par kilo d’aliment.

La seconde découle d’ailleurs de la première : selon ce qui est mangé en moyenne par la population, on calcule la norme de contamination des aliments afin qu’une personne ne dépasse pas la dose maximale admise par jour ou par semaine.

Les seuils évoluent :

  • l’EFSA recommandait en 2008 de ne pas dépasser 150 ng de PFOS et 1500 ng de PFOA (deux types de PFAS) par kilo de poids par jour (dose journalière admise)
  • l’EFSA recommande à présent de ne pas dépasser 4,4 ng pour 4 PFAS (dont le PFOS et le PFOA) par kilo de poids par semaine.

Évolution des normes de l’EFSA entre 2008 et 2020 pour certains PFAS
Évolution des normes de l’EFSA entre 2008 et 2020 pour les PFAS concernés. Attention que l’échelle n’est pas proportionnelle : il y a autant d’écart entre 1 et 10 qu’entre 100 et 1000, donc la norme a baissé drastiquement ! Source : EEB, 2023.
 

Mais recommandation de consommation ne veut pas dire qu’il y a une norme maximale de contaminant admis dans un aliment.

Il n’y avait d’ailleurs aucune norme européenne qui limitait la quantité de PFAS dans les aliments avant 2023. En 2017, l’AFSCA a donc établi ses propres normes pour le PFOS et le PFOA (les deux seuls pour lesquels l’EFSA avait donné une recommandation). Depuis 2023 l’Europe a mis à jour sa législation afin de mieux coller aux recommandations de l’EFSA[6].

Prenons deux exemples parmi les produits alimentaires qui ont une norme.

 

Poisson (PFOA)

Œufs (PFOA)

AFSCA (2017)

1 500 000

1 000 000

Europe (2023)

200

300

Exemple de normes exprimées en ng/kilo d’aliment. On voit tout de suite la diminution drastique de la dose de contaminants acceptés.

En plus, la norme européenne tient compte de 4 PFAS différents et plus seulement 2, avec une somme pour les 4 PFAS qui doit être inférieure à la somme de la norme de chaque PFAS[7].

Ce sont des normes maximales, mais il est intéressant de voir quelle quantité d’un aliment on « peut » manger sans dépasser la dose maximale admise par semaine (4,4 ng/kilo de poids corporel). Si on se penche sur les œufs :

  • La norme pour les 4 PFAS les plus présents est de 1700 ng (dont 300 pour le PFOA) par kilo d’œuf.
  • Pour ne pas dépasser 4,4 ng/kilo de poids corporel par semaine, une personne de 70 kilos ne pourrait pas consommer plus de 180g d’œufs (sans compter les autres aliments qui pourraient aussi être contaminés).
  • Cela équivaut à un peu plus de 3 œufs, ce qui est assez peu. Bien sûr ce serait 3 œufs contaminés au maximum de la norme. La recommandation de l’EFSA est donc assez stricte.
     

Les normes pour l’eau

L’eau potable a sa propre législation, différente de celle des contaminants dans les aliments.

La directive « eau »[8] a été récemment revue et prévoit une norme de :

  • maximum 100ng de PFAS dans l’eau (pour 20 PFAS différents, dont bien entendu les 4 PFAS évoqués ci-dessus)
  • et maximum 500 ng/ litre pour le total des PFAS[9].

C’est de cette fameuse norme dont on a beaucoup parlé en Wallonie suite à la pollution de l’eau potable à Chièvres, notamment.

Cette norme ne sera cependant appliquée en Europe qu’à partir de 2026. Le dernier rapport sur les substances émergentes en Wallonie avait montré que les taux de composés PFAS (pour les 5 analysés) étaient la plupart du temps inférieurs à 5ng/litre, sauf à certains endroits où le taux atteint 50 ng/litre (notamment du côté de Mons)[10].

Si l’on revient à la norme de 100ng/litre, un rapide calcul montre que 100 ng/litre, c’est en fait particulièrement élevé quand on compare cela à la dose maximale admise par semaine considérée sans risque pour la santé.

Ainsi, une personne de 70 kilos pourrait absorber sans risque par semaine jusque 308 ng de 4 PFAS par semaine (selon la recommandation la plus récente). Or, si elle boit deux litres d’eau par jour « aux normes », elle pourrait absorber 1400 ng de PFAS par semaine (en plus de l’alimentation !).

Certains pays ou régions ont déjà une norme plus stricte que ce que l’Europe imposera en 2026 :

  • Le Danemark, les Pays-Bas, la Suède et la Flandre ont toutes une norme inférieure ou égale à 4,4 ng / litre pour les 4 PFAS les plus présents[11]. Ce qui permet, en théorie, de ne pas dépasser la recommandation de l’EFSA de 4,4 ng/kilo de poids corporel par semaine en tenant compte de notre exposition via les aliments et l’eau.
  • Les États-Unis vont plus loin également : l’EPA (Agence de protection de l’environnement) propose une norme pour 6 PFAS qui va de 1 à 4 ng/litre[12].

Curieusement, rien ne semble prévu pour l’eau minérale naturelle à ce stade (la plupart des eaux en bouteille de marque). Une eau minérale naturelle se distingue, selon la législation européenne, notamment par sa « pureté originelle ». Les critères qui objectivent cette pureté (selon le SPF santé en Belgique) ne reprennent cependant pas les PFAS[13]. Cela dit, les études ne montrent pas une pollution significative des eaux en bouteille par les PFAS[14].
 

Et les emballages ?

Pour rester dans l’alimentaire, il est à noter qu’il n’y a pas de normes européennes en ce qui concerne les contaminants en provenance de l’emballage de manière générale (au-delà de principes généraux). Chaque État membre est donc responsable de développer ses propres normes[15].

Il y a par contre une législation spécifique au plastique qui, elle, tient compte de contaminants, dont certains PFAS[16].

Et sauf surprise de dernière minute, l’Europe devrait interdire les PFAS dans les emballages alimentaires en papier en 2024. C’est une des réformes attendues par la révision de la directive « emballages » qui a été votée au parlement européen fin novembre 2023.
 

Les normes évoluent

On l’a vu, les normes évoluent.

Depuis le début des années 2000, les études qui concernent les PFOA et PFOS ont augmenté de manière exponentielle :

Évolution du nombre d'études sur différents contaminants
Nombre d’études sur différents contaminants de 1839 à 2019. Mis en évidence en rose, les courbes pour les PFOA et PFOS. Source : « Revisiting the “forever chemicals”, PFOA and PFOS exposure in drinking water », Nature, 2023.

Il est probable que d’autres normes et études viendront affiner notre connaissance de notre exposition aux PFAS à l’avenir.
 

Plus d’infos

 

[1] « Dark waters : le procès du PFOA » sur actu-juridique.fr.

[3] « Substances extrêmement préoccupantes » SPF santé publique

[5] Il y a d’autres acronymes utilisés, mais elles expriment la même chose : une dose à ne pas dépasser par durée.

[6] Règlement 2023/915.

[7] Pour les œufs par ex., les normes pour les PFOS, PFOA, PFNA et PFHxS sont respectivement de 1000, 300, 700 et 300 ng/kilo soit un total de 2300. La norme ajoute cependant un « plafond » pour la somme des 4 de 2000 ng. Tous les aliments n’ont cependant pas de norme.

[8] Directive 2020/2184.

[9] Même si ce total n’est pas encore clairement défini, visiblement.

[10] Rapport « Biodien », 2018.

[12] « Proposed PFAS National Primary Drinking Water Regulation », EPA, 2023. En 2017 la base américaine de Chièvres en Wallonie avait d’ailleurs arrêté de consommer l’eau potable XXX

[14] Selon une étude réalisée aux USA, 39% des eaux en bouteille analysées contenaient des PFAS, mais <5ng/litre (« Detection of ultrashort-chain and other per- and polyfluoroalkyl substances (PFAS) in U.S. bottled water », 2021). D’autres études indiquent des taux faibles ou ne dépassant pas 30ng/l, mais la grande majorité est plus proche des 5ng/l ou en-dessous (« Human exposure to per- and polyfluoroalkyl substances and other emerging contaminants in drinking water » et « Revisiting the “forever chemicals”, PFOA and PFOS exposure in drinking water » (Nature, 2023).

[16] Règlement 10/2011.

 

Voir aussi

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