Pour préserver le climat, on doit réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. écoconso propose une action par an.
On n’a plus le choix. Pour la planète et pour éviter un réchauffement climatique de 1,5°C, on doit réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, et par 20 à l’horizon 2050.
Mais qu’est-ce que ça représente concrètement dans la vie quotidienne de diviser par deux ses émissions de CO2 ? Et quelles actions mettre en place ?
Sommaire :
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Oui, on pourra encore utiliser son smartphone, se déplacer en voiture, prendre l’avion ou manger de la viande. Mais pas comme aujourd’hui. Il faudra revoir ses habitudes de manière beaucoup plus raisonnée, pour qu’elles soient compatibles avec les limites de la planète et pour être solidaire avec l’ensemble de ses habitants.
En 2030, on utilisera des applis pour partager des services ou mieux emprunter les divers moyens de transports, on sera flexitariens et on fera preuve de créativité pour découvrir le monde sans systématiquement prendre l’avion. Bref, on devra diminuer sa consommation, traquer les gaspillages et payer le juste prix pour les ressources limitées et polluantes (l’énergie fossile notamment).
Quelques exemples :
En 2018 |
En 2030 |
Mesures prises qui devraient être prises entre 2019 et 2030 pour arriver à ce résultat* |
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Un vol court (1500 km) et un vol long (plus de 6000 km) chaque année |
Un vol moyen tous les 2 ans ou un vol long tous les 5 ans |
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Une chaudière à mazout qui consomme 2000 l/an |
Une isolation refaite et une pompe à chaleur |
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Une grosse voiture (diesel 7l/100 km et une petite (essence 5l/100 km) par ménage |
Une petite voiture électrique ou pas de voiture du tout |
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9 kg de vêtements neufs chaque année |
3 kg de vêtements neufs chaque année |
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Un nouveau smartphone tous les 18 mois |
Un nouveau smartphone tous les 4 ans |
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De la viande de bœuf plusieurs fois par semaine |
De la viande de bœuf une fois par semaine |
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1000 € sur un compte en banque classique |
Parts dans une coopérative, un peu de crowdfounding, le reste dans une banque éthique |
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* Ces mesures sont explicitées plus loin dans l’article.
Pour parvenir à réduire de 50% les émissions de CO2 en 10 ans, il faudra donc que tout le monde participe : citoyens, entreprises et pouvoirs publics.
Diviser ses émissions par deux en Belgique, cela signifie passer de 12 tonnes de CO2/an par personne en 2018[1] à 5,4 tonnes de CO2 en 2030. Pour y arriver, on peut diminuer ses émissions de 6,5% chaque année.
Concrètement, cela signifie qu’on doit mettre en place une action par an qui permet d’économiser 700 kg de CO2environ les premières années. On conserve l’action précédente et on y ajoute une nouvelle action chaque année. On choisit des actions qui font économiser autour de 700 kg de CO2 par an les premières années, pour évoluer les dernières années vers des actions qui permettent d'économiser plutôt autour de 400 à 500 kg par an.
Pour choisir ses actions, il faut comprendre ce qui génère le plus d’émissions dans nos comportements :
Les secteurs sur lesquels on a le plus d’impact au niveau individuel sont : le chauffage des bâtiments, le transport par route, l’alimentation, les loisirs, les appareils ménagers et les autres biens et services acquis par les ménages. Une partie non négligeable est constituée par des biens et services non payés par le consommateur (comme les routes).
Source : lettre n°9 de la plateforme wallonne pour le GIEC.[2]
> Lire aussi : Quelles sont les causes du changement climatique ?
Ceci dit, 700 kg de CO2 ce n’est pas très parlant… Alors voici, en exemple, une combinaison d’actions qui fonctionnent et puisent dans les différents domaines :
Infographie : écoconso [CC BY-NC-ND]
(cliquer sur l'image pour voir en grand en pdf)
Bien sûr, on peut aussi choisir plusieurs plus petites actions qui, cumulées, totalisent 700 kg de CO2.
> Voir : Notre checklist de 16 actions pour le climat.
On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. Mais de cette façon progressive, cela paraît beaucoup plus faisable. Dans tous les cas, il est essentiel d’agir dès maintenant. Car plus on attend, plus l’effort à réaliser sera important, et plus il entraînera de contraintes et de conséquences.
> Lire aussi : Quelles sont les conséquences du changement climatique ?
Alors qu’une action qu’on met en place aujourd’hui (et qu’on conserve) porte ses fruits chaque année.
Les petits gestes et les changements plus profonds au niveau individuel (abandonner la voiture, isoler son logement, éviter l’avion) sont nécessaires. Mais ils ne suffiront pas à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Il faut un changement plus global, coordonné entre les citoyens, les pouvoirs publics et les entreprises.
Dans les débats des politiques et des entreprises face aux jeunes mobilisés par le climat, on peut voir chacun défendre les efforts déjà accomplis. Par exemple : la grande distribution se félicite d’avoir supprimé les sacs en plastique, la Ministre se félicite d’avoir développé l’éolien offshore et la fédération des entreprises rappelle que le secteur a diminué ses émissions de 30% depuis 1990.
On peut bien sûr saluer les progrès réalisés mais il faut être conscient que c’est largement insuffisant et qu’il faut passer à la vitesse supérieure pour réduire considérablement les émissions.
Les pouvoirs publics doivent orienter les choix des consommateurs et les actions des entreprises. Elles peuvent utiliser pour cela, entre autres, la réglementation, les taxes, les subsides et les investissements dans des solutions plus durables (comme le train ou le vélo par exemple).
Les entreprises doivent se tourner vers des solutions bas carbone mais ont besoin d’être soutenues pour assurer le passage d’un modèle classique vers un modèle climato-compatible. Par exemple, une taxe carbone aux frontières, au niveau européen, peut encourager les entreprises locales à passer à d’autres modèles économiques.
Face aux propositions, on entend souvent : « oui, à condition de ne pas toucher aux emplois ». Mais on ne peut pas freiner tout changement sous prétexte qu’on va perdre des emplois. Il faut s’adapter et préparer la transition avant que celle-ci s’impose de manière brusque. D’autant que la transition vers un système décarboné pourrait amener la création nette de 80000 emplois d’ici 2030 en Belgique.[3] C’est surtout le secteur de la construction qui devrait en profiter, ce qui est intéressant car ce sont des emplois non délocalisables : isoler les bâtiments doit se faire en Belgique, c’est un investissement dans l’économie locale avec des bénéfices locaux.
Pour arriver à 5,4 tonnes de CO2/an en 2030, celui qui émet 20 tonnes par an en 2018 devra faire davantage d’efforts que celui qui en émet 8. Mais tout le monde n’est pas prêt à abandonner son SUV ou ses vacances aux Maldives.
Plusieurs solutions existent pour orienter la consommation vers des solutions plus sobres.
Personne n’aime l'idée de rationner la consommation.
Une étude française[4] montre ce que pourrait être une telle politique, par exemple :
Cela tient la route du point de vue climatique mais ce serait difficilement acceptable socialement.
Pour éviter le rationnement, il faut se rendre compte que certaines habitudes de consommation doivent changer volontairement et que le prix des biens et services devrait tenir compte de leur impact sur le climat. Ce qui est bon marché peut coûter cher à la société et à l’environnement : partir en week-end en avion pour 20€ ou s’envoler au bout monde pour moins de 200€, acheter plein de t-shirts à 2€, commander sur Internet un produit qu’on peut trouver dans un commerce local parce que c’est moins cher…
Une autre solution consiste à mettre un prix sur certaines émissions de CO2 (entre autres celles du logement et des voitures) et de taxer les billets d’avion.
La tarification carbone, déjà utilisée dans plusieurs régions dans le monde, est une application du principe de pollueur-payeur : mettre un prix sur le CO2 pour inciter à en émettre moins. Cette tarification concernerait les secteurs du bâtiment, des transports, de l’agriculture, des déchets et des industries non soumises à ETS[5] et des gaz fluorés.
En Belgique, on envisage une tarification carbone de 10€/tonne de CO2 émise en 2020. Elle augmenterait progressivement jusqu’à atteindre 40 à 100 € en 2030.[6]
On émet 1 tonne de CO2 quand on brûle :
Concrètement, on paierait cette tarification carbone à l’achat de combustible.
Diesel |
Essence |
Mazout |
Gaz |
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Kg de CO2 émis par litre (diesel, essence, mazout) ou par kWh (gaz) |
2,71 |
2,24 |
2,63 |
0,202 |
Surcoût par litre ou par kWh |
0,03 € |
0,02 € |
0,03 € |
0,00 € |
Coût moyen de la taxe (à 10€/tonne de CO2) [7] |
33 € |
31 € |
32 € |
30 € |
La taxe carbone représenterait donc en moyenne 32€ par logement et 31€ par voiture en 2020 et pourrait atteindre en moyenne 127 €/logement et 154 €/voiture en 2030 (en tenant compte de la réduction de la consommation).
Le revenu de la taxe carbone doit évidemment servir à financer des mesures en faveur du climat, en premier lieu la rénovation énergétique des logements et le développement d’alternatives à la voiture.
Cependant, cette taxe est dite régressive car elle pèse proportionnellement plus lourd sur les plus faibles revenus, notamment pour une consommation sur laquelle ils ont parfois peu de maîtrise. Un locataire avec un petit revenu se retrouve souvent à habiter dans un logement mal isolé et donc à consommer plus d’énergie. Pourtant, la possibilité de réaliser des travaux d’isolation ne dépend pas de lui mais du propriétaire. Or, comme le propriétaire ne paie pas les factures, il n’a que peu d’intérêt à investir dans ces travaux. Et même les propriétaires n’ont pas nécessairement les moyens pour investir de manière conséquente dans l’amélioration de leur logement.
Pour corriger cela :
Le kérosène n’est pas taxé, les billets d’avion ne sont pas soumis à TVA et les compagnies low cost proposent des sièges à des tarifs dérisoires. Cela avantage forcément l’avion par rapport aux autres moyens de transport (train, autocar…) qui sont, eux, soumis à ces taxes.
Or, un seul voyage en avion peut annuler les efforts de réduction de gaz à effet de serre de toute une année. L’aller-retour Bruxelles - New-York provoque l’émission d’une tonne de CO2 par passager. Mais par différents mécanismes (traînées de condensation, émissions de N2O…), l’effet sur le réchauffement climatique est équivalent à celui de 2,7 tonnes de CO2.
Même si les émissions du secteur aérien ne comptent que pour 3% dans les émissions globales dans le monde, il faut agir pour les diminuer. Pour réduire l’envie de prendre l’avion, une taxe sur les billets d’avion est envisagée. Dans l’idéal, on pourrait imaginer qu’elle s’élève à 10% du prix du billet avec un minimum de 25€ par vol.
Comme pour la taxe carbone, il faudrait que les recettes soient intégralement utilisées pour mener des politiques de transition énergétique.
Le logement est l’un des secteurs les plus émetteurs de CO2. Des travaux d’isolation et d’amélioration du chauffage permettent de diviser la consommation par deux ou par trois. Mais on ne récupère son investissement qu’après de longues années car ces travaux coûtent souvent cher.
Les primes permettent d’alléger la facture des travaux mais sont insuffisantes pour les ménages à petits revenus, même s’ils reçoivent des montant jusqu’à six fois supérieurs aux revenus les plus élevés. En Wallonie, les propriétaires-bailleurs ont également accès aux primes s’ils respectent la grille indicative des loyers.
Ce n’est toutefois pas suffisant pour rénover une partie significative de logements : on devrait rénover 3% des bâtiments par an au lieu de 1% actuellement.[8] Il faut donc trouver des moyens financiers supplémentaires pour inciter à isoler le parc de logements les plus vétustes.
Changer de système peut coûter cher mais il y a également des bénéfices. Et ne rien faire a un coût encore plus élevé. Par exemple, les embouteillages coûtent à la Belgique 1 à 2 % de son PIB, soit entre 4 et 8 milliards d’euros par an ![9]
La taxe carbone permettrait de collecter 2,6 milliards d’euros en 2030 pour la Belgique.[10] Si on y ajoute la taxe sur les billets d’avion, cela constitue une belle réserve d’argent, qui doit bien sûr servir à financer des politiques climatiques.
En plus de cela, une proposition de Pierre Larrouturou fait grand bruit pour financer la transition : créer un Pacte Finance Climat[11] alimenté par les banques elles-mêmes. Tous les mois, la Banque centrale européenne crée 80 milliards d’euros sous forme de prêts à taux zéro, essentiellement aux banques. C’est donc de l’argent qui alimente la spéculation. Si on consacrait ne fût-ce que la moitié à des politiques en faveur du climat, on pourrait disposer d’une manne financière (de l’ordre de 8 milliards pour la Belgique) pour payer la transition énergétique : isoler les bâtiments, développer les transports en commun et les énergies renouvelables, aider à la transformation des systèmes alimentaires…
En tout, une transition vers une Europe neutre en carbone en 2050 coûterait de l’ordre de 290 milliards/an. C’est énorme. Mais, actuellement, l’Europe dépense 266 milliards d’euros par an pour importer des combustibles fossiles. Si elle parvient à la neutralité carbone d’ici 2050, l’économie sur la facture d’importation serait de 2000 à 3000 milliards entre 2031 et 2050.[12]
[1] Émissions moyennes par Belge : voir Combien de gaz à effet de serre émet-t-on-en en Belgique ?
[2] Lettre de la plateforme wallonne pour le GIEC, n°9 : l’empreinte carbone.
[3] Les impacts macroéconomiques de la transition bas carbone en Belgique, octobre 2016 sur climat.be.
[4] « Comment s’aligner sur une trajectoire compatible avec les 1,5°C ? » Analyse de la faisabilité technique et mise en perspective de l’ampleur et de la rapidité des mesures à mettre en place. - B&L évolution.
[5] 37% des émissions belges sont déjà soumises à une tarification via le système européen d’échange de quotas de CO2 (ETS). Cela concerne les industries fortement émettrices comme la sidérurgie, les raffineries de pétrole, l’aviation ou les centrales électriques.
[6] Débat national sur la tarification carbone, sur climat.be.
[7] Basé sur les hypothèses d’émissions suivantes :
[8] Source : Lettre de la plateforme wallonne pour le GIEC, n°10 : Réconcilier habitat et climat.
[9] D’après « Etudes économiques de l’OCDE : Belgique », 2013.
[11] Pour plus d’infos, voir Pacte Finance Climat.
[12] Communication de la Commission européenne : Une vision européenne stratégique à long terme pour une économie prospère, moderne, compétitive et neutre pour le climat 28 nov. 2018.