L’habitat alternatif ou « léger », comme les yourtes ou roulottes, séduit de plus en plus d’habitants en Belgique. Mais est-il légal ?
Sommaire
Depuis le 2 mai 2019, le Code wallon du Logement et de l’Habitat Durable (CWLHD) devient le Code wallon de l’Habitat Durable (CWHD) qui intègre la définition « d’habitats légers ». Par conséquent, une garantie de vie minimale est assurée à l’aide de critères minimaux de salubrité et d’habitabilité. Un petit pas pour la loi, un grand pas pour l’habitat alternatif.
> Lire aussi Pourquoi choisir de vivre dans un habitat léger ?
Alors, si on est tenté par ce type de maison, est-ce légal et où ?
En Belgique, contrairement à la France, il n’existe rien de réellement harmonisé. Actuellement, seule la législation wallonne donne des directions plus précises concernant l’habitat léger. Dans les autres Régions, sans reconnaissance spécifique, on est contraint de répondre aux normes imposées classiquement aux logements, notamment en matière de salubrité (surface minimum, WC à chasse d’eau, ventilation) ou de performances énergétiques. Des exigences difficiles à respecter et peu adaptées aux habitats alternatifs.
En effet, sur le terrain wallon, ce type de logement alternatif existe bel et bien : plus de 25 000 personnes vivent dans des habitats dits « permanents » (zones de loisirs, comme les campings) et dans des habitats dits « temporaires » (yourte, « tiny house ») [1]. Un phénomène qui continue de s’amplifier au vu des difficultés croissantes d’accès au logement et les atouts de l’habitat léger.
Les Régions flamande et bruxelloise n’ont pas encore appliqué de législation adaptée. Les habitats légers ne correspondent à aucune norme juridique (on parle de « vide juridique »). Dans ces deux Régions, les habitats légers à but social et touristique sont néanmoins autorisés.
Quelques pistes toutefois...
Le Code bruxellois du Logement reconnaît « l’habitat itinérant », avec des normes de salubrité élémentaires. Cela s’applique plutôt aux gens du voyage.
À présent, la législation wallonne tient compte des particularités de l’habitat léger. L’habitation peut être permanente ou temporaire. Elle peut également être mobile (tiny house, caravanes, roulottes, tipi, péniches…), non mobile (chalets, cabanes, yourtes, dômes…), isolée ou communautaire. À ne pas confondre avec l’habitation hors-norme (moulin, église, cabane de pêche, bateaux…).
L'habitation légère est à présent définie comme « l’habitation qui ne répond pas à la définition de logement […], mais qui satisfait à au moins trois des caractéristiques suivantes [2] :
Le nouveau décret wallon du 2 mai 2019 intègre des critères minimaux de salubrité et d’habitabilité des habitations légères concernant :
Le hic : le récent Code du Développement Territorial (CoDT) reprend l’habitat léger au sens large et omet de mentionner les spécificités mentionnées dans le décret.
Le CoDT, késako ? Il s’agit une circulaire, autrement dit un texte de loi, qui découle des différents décrets (logement, sol, déchets…) de la Région wallonne. Il sert d’outil concret utilisé par les pouvoirs publics pour appliquer les décrets wallons. Y intégrer des règles urbanistiques plus précises permettrait alors une harmonisation entre les communes ainsi qu’une meilleure compréhension de l’interprétation de la loi.
De son côté, la commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve reconnaît l’habitat léger comme un habitat démontable, transportable ou réversible dans le quartier de la Baraque à Louvain-la-Neuve. Ce cas est plutôt exceptionnel. Il a pour but, entre autres, d’expérimenter l’habitat léger, de favoriser la vie communautaire et de sensibiliser à l’auto-construction [3]. Depuis 2022, la commune de Tintigny dispose de son propre quartier aménagé pour l'habitat léger. D'autres communes réfléchissent aussi à développer ce type de zones spécifiques.
La Région flamande reconnaît les habitats légers (roulottes, yourtes, tiny-houses….).
Pour l’utilisation d’habitats légers dans un but touristique, deux types d’hébergements se distinguent : ceux liés à une chambre (hotel, Airbnb, tiny-house…) et ceux liés au terrain (camping, tentes, yourte...)[4]. Ces derniers doivent répondre aux normes d’exploitation définies par l’Aménagement du territoire (présence de sanitaires, collecte des déchets, électricité, évacuation des eaux...).
Toute construction visant l’habitation nécessite un permis de bâtir. Le problème est qu’on ne trouve pas grand-chose de spécifique à l’habitat léger dans les règlements d’urbanisme.
Voici ce qui existe.
Il existe des permis d’urbanisme à durée limitée et des dispenses de permis dans le cadre de recherches universitaires.
Trois catégories d’habitations sont différenciées :
Le recours à un architecte n’est pas obligatoire si l’habitation est préfabriquée/en kit, sans aucune condition. À l’inverse, les projets des construction (érigé sur place) doivent faire recours à un architecte, sauf conditions spécifiques[6]. Parcourir la brochure « Fiche de Logement – L’habitation légère en Wallonie » pour plus d’informations. Le réseau brabançon pour le droit à l'habitat a publié un tuto vidéo pour déposer sa demande de permis d'urbanisme pour un habitat léger.
La nouvelle législation laisse cependant des zones d’ombres sur certaines règles urbanistiques. Les communes gardent donc une grande marge de manœuvre décisionnelle, certaines étant plus tolérantes que d’autres.
Pour le Brabant Wallon, la maison de l'urbanisme a édité un référentiel de l'habitat léger qui vise à faire le point sur la question.
Le vide juridique concernant la législation des habitations légères laisse une zone grise en Flandre. La décision revient à la politique urbanistique des communes. Les normes de qualité du logement sont définies dans le Codex flamand du logement de 2021.
Aussi, la loi flamande présente des exemptions pour l’obtention d’un permis d’un habitat léger, par exemple si l’installation n’a pas de but résidentiel et si elle est située dans un rayon de 30 mètres de la maison. Plus d’informations sur le site Vlaanderen is omgeving, un site officiel du Gouvernement flamand.
Juridiquement, oui. Le seul motif valable de refus de la domiciliation par la commune est de ne pas y habiter effectivement. Elle ne peut pas refuser une domiciliation pour des raisons de salubrité, d’urbanisme ou d’aménagement du territoire.
Il existe également un régime particulier qui permet de disposer d’une adresse de référence auprès d'un CPAS[7].
Dans un contexte de logement, non. Vu le vide juridique autour des habitats légers, ils sont considérés comme illégaux.
Dans un but à finalité sociale ou touristique, la location d’habitat léger est autorisée. Par exemple, à Bruxelles, des associations comme Home for Less recourent aux tiny-houses pour les sans-abris.
Au vu de la nouvelle législation, les règles de baux d’habitations légères s’appliquent comme un contrat de location type. La "le bail d'habitation en Wallonie" du SPW décrit ce contexte (durée du bail, répartition des frais et charges, réparations…).
Concernant les permis de location, ils sont obligatoires pour les hébergements d’étudiants et les personnes y habitant durant la plus grande partie de l’année. Ils doivent également répondre à des critères minimaux de qualité [8].
À noter que les hébergements touristiques sont soumis au Code wallon du Tourisme.
Aucune précision des normes de salubrité et de sécurité spécifiques n’est indiquée dans le Codex flamand du Logement. Les règles à appliquer sont les mêmes que celles d’un logement classique. Plus d’informations sur le site du Gouvernement flamand.
Non. Ces zones ne sont pas destinées à l’habitat, sauf pour l’exploitant agricole ou forestier dont l’activité constitue la profession. Il existe aussi des exceptions dans le cadre de la diversification des activités agricoles ou dans le cadre de la valorisation de la zone forestière par le tourisme (hébergement de loisirs). Dans ces cas, il s’agit bien d’hébergement et non d’habitation.
Oui. Il s’agit d’une des nouveautés intégrés dans le décret du 2 mai 2019. Ces demeures sont limitées aux parcelles de terrain en zone de résidence (zone habitat et zone à caractère rural). Cependant, la décision finale appartient à la Commune, et la tolérance peut varier d’un endroit à un autre.
C’est là qu’on est perdus ! Il faudrait son accord évidemment, mais aussi l’accord de la commune, régler des questions de domiciliation éventuelle, de partage de charges, etc.
Une reconnaissance juridique de l’habitat léger permet de définir les droits et les obligations pour ses habitants. Cette reconnaissance est nécessaire pour :
Pour vos questions sur l’habitat léger, vous pouvez vous adresser/consulter :
Des lieux de rencontres existent : « Les rencontres de l’habitat léger » à Buissonville, le Festival de l’habitat léger à La Louvière, le réseau Trois-tiers à Ottignies…
[2] SPW Logement et Territoire, « Les Fiches Logement - L’habitation légère en Wallonie », mai 2021, 22 pages.
[3] Bureau d’étude Agora. (2018). Règlement Communal Urbanistique - Cahier des prescriptions1. 10 Aire des quartiers alternatifs et d’habitat léger. RCU 2018 Cahier Des Prescriptions L III Aire 1.10 Des Quartiers Alternatifs et d’habitat Léger.
[4] VISITFLANDERS, Peter De Wilde. Le décret flamand relatif à l’hébergement touristique en un coup d’oeil. 2016. 20 pages.
[5] SPW Logement et Territoire, « Les Fiches Logement - L’habitation légère en Wallonie », mai 2021, 22 pages.
[7] Les conditions pour avoir une adresse de référence au CPAS (Droits Quotidiens).