La rencontre entre des chercheurs et des citoyens.

Les sciences participatives peuvent être présentées comme une synergie entre :

  • des scientifiques qui manquent de temps et de moyens pour observer eux-mêmes certains sujets en de multiples points et pendant une durée suffisante et
  • des citoyens passionnés qui contribuent à la recherche scientifique en récoltant des données ou/et en prenant part à l'élaboration des protocoles ou à l'analyse des données.

Un rapport a été publié en début d'année, avec la collaboration de l'INRA : "Les Sciences participatives en France, État des lieux, bonnes pratiques & recommandations"  [1]. Il propose notamment une échelle d'implication des citoyens allant de la simple récolte de données (crowdsourcing ou myriadisation) à une définition plus complète d'une recherche. 

Les sciences participatives ne sont pas neuves (la première campagne de comptage des oiseaux par le grand public date de 1900 : le Christmas Count Day aux Etats-Unis) mais l'essor successif d'Internet, des réseaux sociaux et des smartphones (avec leur GPS et leurs applisfacilitent la participation des citoyens. Les capteurs low-cost contribuent également au déploiement d'un nombre de stations d'observations plus élevé.

De nombreux projets concernent :

  • la biodiversité (observation d'oiseaux, insectes, plantes...)
  • la pollution de l'air (notamment la mesure des particules fines) et de l'eau, la pollution sonore et même la pollution lumineuse
  • l'astronomie 
  • la médecine

Avec le changement climatique il est particulièrement important de suivre au plus près la mobilité et la disparition d'espèces, sur une période longue.

Participer aux sciences citoyennes en Belgique

En Belgique il y a relativement peu de projets qui font appel aux observations des citoyens et peu de publications sur les sciences participatives.

Mais les chiffres d'une opération comme "Devine qui vient manger au jardin" sont impressionnants : en 2016, près de 12000 personnes ont participé, chacune observant quarante oiseaux ! 

Quelques projets :

  • Recensement des papillons de jardin organisé par la Natagora les 30 et 31 juillet 2016
  • Le Reseau Tela Botanica regroupe 30000 botanistes (amateurs ou professionnels) dont 1000 Belges. C'est l'un des porteurs de l'Observatoire des Saisons qui s'intéresse aux rythmes saisonniers de la flore et de la faune pour comprendre l'impact du changement climatique sur les écosystèmes.
  • www.observations.be initiative d'Aves-Natagora et de Stichting Natuurinformatie, alimenté en observations par de nombreux bénévoles et groupes de travail. L'application ObsMapp permet d'y encoder de manière conviviale les observations sur un smartphone avec indication automatique de l'heure et de la localisation.
  • http://www.planetwatch.be/Map.aspx : mesure de la pollution de l'air par des enfants
  • Baguage des oiseaux : si vous trouvez un oiseau bagué (mort ou vif), vous pouvez encoder les indications de la bague sur le site Euring et permettre ainsi un suivi scientifique.  
  • Le projet Air Quality Egg utilise des capteurs "low-cost" [2] pour évaluer la qualité de l'air à partir des concentrations de CO2, CO, NO2, O3, SO2 et de particules. Les capteurs coûtent tout de même 240€/pièce et il en existe quatre versions, suivant le type de substance mesurée !
  • Sur une plateforme comme crowdcrafting.org vous pouvez trouver des tâches à effectuer, par exemple : reconnaître des villes photographiées par le satellite ISS, dire si une photo montre un moustique ou non ...

Qu’apportent les sciences participatives ?

A la recherche scientifique

Avec la complicité des citoyens, les scientifiques peuvent récolter davantage de données, souvent sur des zones géographiques ou des durées plus étendues. 

  • Grâce aux observations de tous les participants des observatoires Vigie-Nature, les chercheurs du Muséum National d'Histoire Naturelle analysent les données pour comprendre les mécanises qui régissent la biodiversité et notamment l'impact du changement climatique, de l'urbanisation ou encore des pratiques de jardinage.
  • FoldIt est un serious game développé grâce à une collaboration entre le département d'informatique et de biochimie de l'Université de Washington où les participants s'amusent à replier des protéines; cela a permis, par exemple, de comprendre  la structure de protéines liées à la transmission du SIDA !

  • En passant par un groupe Facebook existant, des entomologistes ont complété leur travail de terrain grâce à des citoyens et ont inventorié 17 espèces de fulgoridés (insectes apparentés aux cigales) du Cambodge. [3]

Le but d'impliquer des citoyens peut également être plus qualitatif : la validation scientifique des observations n'est pas nécessairement la finalité recherchée, il peut s'agir davantage de sensibiliser le grand public à une problématique spécifique en l'impliquant au plus près dans une recherche.

Aux participants

Une enquête a été menée en France au mois de mai [4], elle indique un grand intérêt des français pour l'actualité liée aux sciences et montre que 2/3 sont prêts à participer à un projet de recherche scientifique en collectant des informations sur l'environnement.

Concernant les leviers d'engagement, 51% attendent surtout un feedback sur comment leur travail a été utilisé, 32% aimeraient rencontrer les chercheurs et échanger avec eux et 32% aimeraient recevoir en avant-première les résultats obtenus. Remarquons que, pour 35% de répondants, recevoir une indemnité financière constitue un levier d'engagement non négligeable.

Pour les participants, la plupart du temps bénévoles, l'intérêt de prendre part à un projet scientifique semble bien être le principal moteur.

Génial. En plus de se rendre utile, on apprend progressivement le ciel.
Vous devriez mettrez dans le menu un raccourci pour recommander
cette application une ou plusieurs de nos connaissances.
 
Témoignage laissé par un utilisateur de l'appli "Ciel en péril".


Les données sont-elles fiables ?

Les observateurs amateurs ne vont toutefois pas devenir des spécialistes pour autant et quelques spécialistes pointent les limites des sciences participatives qui simplifient trop certains concepts à leurs yeux, allant jusqu'à parler de pseudo-sciences ou de "sciences molles". Le rôle de chacun doit donc être bien défini : l'amateur ne deviendra pas scientifique juste en consignant des observations.

Les scientifiques qui encadrent l’étude doivent établir un protocole d'observation et de validation suffisamment performant pour garantir la qualité des observations. La validation des données est donc une étape cruciale : avec des citoyens ont peut obtenir davantage de mesures mais comment s'assurer que la qualité est fiable ? Dans le cas d'observations de la faune ou de la flore, par exemple, on recourt à des photos ou des vidéos pour objectiver les observations. Il peut aussi y avoir une validation par les pairs, que ce soient d'autres amateurs ou des scientifiques.

Une autre limite pourraient être des contributions partisanes menées par des groupes de militants pour infléchir les résultats d'une étude. L'analyse des données doit pouvoir permettre de détecter des dérives dans les observations.

Des citoyens qui volent le travail des scientifiques ? 

Dans les sciences participatives, le crowdsourcing (littéralement : les ressources de la foule) ne doit pas être vu comme une ubérisation de la recherche : des observateurs bénévoles ne vont pas prendre la place de scientifiques brevetés : ils vont travailler ensemble. Les scientifiques sont et resteront nécessaires pour définir le sujet d’étude, définir les protocoles, valider les données puis les interpréter. 

Le crowdsourcing ne s'applique pas qu'aux sciences participatives. Un site comme Wikipedia en est l'exemple emblématique : des milliers de rédacteurs contribuent bénévolement à enrichir le contenu d'une encyclopédie en ligne qui a fini par détrôner la vénérable Encyclopedia Universalis. OpenStreetMap est un autre exemple qui montre la puissance du travail collaboratif non rémunéré : des volontaires complètent en continu une carte du monde qui peut ensuite être utilisée gratuitement par un grand nombre d'applications. 

Le fait que cela soit du travail bénévole garantit aussi que ce soient des passionnés qui participent, et non des personnes intéressées uniquement par une source de revenus [6].  Cela évite des dérives telles que le « microworking » décrié par une chercheuse du FNRS [5] : des plateformes comme  Mechanical Turk d'Amazon proposent d’effectuer des tâches simples (par exemple recopier le contenu d'un ticket de caisse dans un formulaire), qui donnent lieu à des micropaiements (par exemple 0,02€). Si les qualifications demandées sont faibles, le salaire obtenu l'est aussi : en travaillant de manière efficace un tel travailleur peut espérer gagner ... 2€/heure.

Pour aller plus loin

[1] Rapport "Les Sciences participatives en France, État des lieux, bonnes pratiques & recommandations", Février 2016 : http://www.sciences-participatives.com/

[2] Article "Les capteurs low cost de pollution : un nouvel Eldorado pour l'évaluation de l'exposition individuelle aux particules ?" Duché S., Madelin M. (pdf)

[3] Communiqué de presse "Des utilisateurs de Facebook contribuent à l'étude d'insectes au Cambodge", Institut des Sciences Naturelles

[4] Enquête "Les français et les sciences participatives", Ipsos, mai 2016

[5] Article "Miracles et mirages du crowdsourcing"

[6] Apport des sciences du numérique dans les sciences participatives ALLISTENE - GT “Sciences Participatives”, Novembre 2015

Annuaire des sciences participatives en matière de biodiversité (France) : http://www.naturefrance.fr/sciences-participatives


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