La laine a de quoi séduire : souple, infroissable, solide, chaude ou fraîche selon la saison, respirante, facile d'entretien… Certes, les fibres synthétiques ont fait oublier un peu ses propriétés étonnantes et le prix de la laine sur les marchés internationaux n'encourage pas le retour des bergers dans nos paysages. La laine enthousiasme pourtant artisans et créateurs et, en Wallonie, la filière laine ne demande qu'à s'épanouir.
Depuis que les bergers promènent leurs troupeaux, le mouton est élevé pour sa laine. C'est seulement les 50 dernières années qu'on l'élève davantage pour sa viande et son lait. Mais même les éleveurs qui ne s'intéressent guère à la laine doivent tondre une fois par an : c'est une nécessité sanitaire. Et quid de cette laine alors ?
Quelque 50% de la laine produite mondialement est exportée, à l'état brut ou partiellement transformée. La Chine est le plus grand importateur et c'est là que part le plus gros de la laine produite en Wallonie et en Europe. Elle y est lavée et transformée avec des procédés peu respectueux des droits humains et de l’environnement. Par contre, la laine travaillée en Belgique est souvent importée. Pourquoi ? Pour des raisons d’homogénéité de la fibre et parce que la laine mérinos haut de gamme, fort demandée, n’est pas produite dans nos contrées.
Il existe en Wallonie grosso modo deux types d’éleveurs : les amateurs qui ont quelques brebis au fond du verger, et les professionnels qui ont au moins 250 brebis. Tous ensemble, ils produisent environ 140 tonnes de laine brute par an.
La petite échelle de la filière locale s'explique. L'industrie textile du début du 20e siècle demande des matières homogènes et standardisées. Or, la laine est un produit vivant et ne répond pas à ces exigences. On lui préfère donc le nylon et les autres fibres synthétiques qui viennent d’être découvertes. Celles-ci se laissent aussi laver plus facilement dans les lessiveuses de l'époque. Comme la pub incite les ménagères à être modernes et à laver en machine, la laine perd son attrait et son prix dégringole.
La Filière laine, créée en 2011, se mobilise pour relancer production et transformation locales. Elle offre aux éleveurs et artisans un soutien pour préserver emploi et savoir-faire et propose des actions et formations pour mieux faire connaître cette matière exceptionnelle. Beaucoup d'acteurs sont présents sur le territoire wallon : élevage, tonte, transformation… mais pour l'instant, avec le faible prix de la laine, sa production et sa transformation ne constituent jamais l'activité principale d'une ferme. Le prix de vente d'aujourd'hui ne paie même plus le tondeur…
Après la tonte annuelle, la laine est lavée pour enlever graisse (le "suint") et saletés, puis elle est cardée ou peignée.
Ensuite, la laine est transformée selon l’utilisation prévue : filée pour le tricot ou le tissage, aiguilletée pour les tapis, feutrée pour les sacs, chapeaux, pantoufles et accessoires ; elle peut aussi rester simplement cardée pour les matelas et couettes.
Quels sont les traitements qui peuvent éventuellement être appliqués à la laine ?
Les cahiers des charges des labels bio comme GOTS interdisent de nombreux produits nocifs, mais la démarche de labellisation n'est pas évidente pour les nombreux petits éleveurs et artisans. La Filière laine développe actuellement un label de laine locale qui se concentre sur la traçabilité. Ce label veut privilégier les produits locaux ou européens : un produit en laine venant de Chine ou d'autres pays lointains, où la législation environnementale est moins stricte ou inexistante, sera plus susceptible de contenir des résidus de produits indésirables.
La fibre de laine possède des propriétés fabuleuses et souvent ignorées.
La réparation peut évoquer des séances pénibles de raccommodage. Pas de panique. Le "Woolfiller" est une méthode rapide de réparation de la laine. Les fibres de laine autour du trou sont intiment mélangées à d’autres, de la même couleur, grâce à un « picotage » d’aiguilles en forme de flèches. Une fois les fibres bien agglomérées, la réparation est quasi invisible et résiste à la lessive.
La laine a l'étonnante capacité d'absorber différentes molécules. Les odeurs dont elle s'imprègne disparaissent rapidement après quelques heures à l’air. Utilisée pour l'aménagement de la maison, elle participe à l'épuration de l'air intérieur. Des études menées entre autres au Leibniz Institute for Interactive Materials à Aix-la-Chapelle ont démontré que la laine absorbe dans une certaine mesure les formaldéhydes libérés par les panneaux de particules et d'autres matériaux.
La laine se décline en vêtements de tous types, bijoux, semelles, pantoufles, couverture ou couette, rembourrage matelas... C'est ici que nous profitons de ses propriétés isolantes et régulatrices de la chaleur et de l'humidité. En effet, un pull en laine tient chaud mais ne devient jamais étouffant. D’ailleurs, les costumes italiens de luxe pour homme sont en pure laine… pour l’été !
La laine fait aussi merveille comme fibre technique : un t-shirt en laine fine, porté près de la peau, sera parfaitement adapté pour des pratiques sportives. Un tel vêtement tient chaud, respire, sèche vite et ne retient pas les odeurs comme le ferait le polyester.
L'entretien de la laine est plus facile qu'on ne croit :
Les produits anti-mites à base de paradichlorobenzène ou de pyréthrinoïdes sont toxiques, mieux vaut les éviter. La « naphtaline » de nos grand-mères est interdite depuis plusieurs années.
En savoir plus sur les mites peut aider à protéger nos précieux vêtements.
La laine est un bon isolant thermique et un très bon isolant acoustique. Sa perméabilité à la vapeur d’eau et ses très bonnes capacités hygroscopiques la rendent très intéressante en construction. Elle peut absorber jusqu’à 33% de son poids en eau sans que cela nuise à son pouvoir isolant !
Depuis les années 1990, la laine de mouton est conditionnée industriellement en différents produits pour le bâtiment :
Les laines utilisées comme isolant reçoivent un traitement antimites puis sont mélangées à 10 à 20 % de fibres thermofusibles (polyester ou polypropylène), ce qui assure la tenue du produit fini. Petit bémol : le prix des isolants manufacturés en laine de mouton reste élevé.
Aujourd’hui, en Belgique, les plupart des négociants en matériaux écologiques commercialisent des isolants issus de filières de pays voisins : Pays-Bas, France, Allemagne, Autriche. Il existe cependant un isolant en vrac 100% laine wallonne et du feutre au mètre qui peut servir de sous-couche.
Mieux vaut ne pas utiliser la laine non nettoyée pour isoler la toiture : le "suint" n'éloigne pas les mites, contrairement à certaines rumeurs tenaces. Résultat : trous, ponts thermiques et isolation inefficace !
L'intérieur d'une maison peut être tout habillé de laine ! Dans les chambres, matelas, couvertures, couettes, oreillers, surmatelas peuvent être 100% laine et même 100% laine locale. Partout ailleurs, on trouvera en laine les tapis, stores, rideaux, coussins, maniques, plaids, abats-jours, rembourrage de fauteuils garnis, panneaux acoustiques…
La laine brute, non lavée, peut protéger des conduits extérieurs du gel ou isoler un abri de jardin. Attention, elle s'utilise uniquement à l'extérieur, où le gel tuera les mites. Elle est également utile dans le jardin : comme paillage autour de jeunes plants repiqués, pour protéger rosiers et autres plantes fragiles du froid ou pour éloigner les taupes qui n'en apprécient pas l'odeur. De même, dans le trou de plantation d'un arbre, elle éloignera les mulots. Accrochée aux branches basses, son odeur éloigne le gibier friand des jeunes pousses.
Quand on vous disait que la laine est étonnante…
Dossier rédigé par Els De Geest et Jean-François Rixen, avec l'aide précieuse d'Ygaëlle Dupriez de la Filière laine.