Sans qu'il en ait toujours conscience, la nature est indispensable au citadin. Les écosystèmes fournissent en effet des services indispensables à la vie humaine comme l'alimentation, l’eau, les matériaux de construction, le traitement des déchets, la qualité de l'air, le climat régional, la santé etc. Ces services sont la plupart du temps situés en dehors des zones urbaines, sur des distances très étendues. Leur intérêt et leur importance ont donc été longtemps invisibles et peu pris en compte dans le développement des villes. Bonne nouvelle, cela change rapidement.


Principaux bénéfices des écosystèmes urbains pour l'homme.
Les cahiers de Biodiv’2050, mars 2015

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Îlots de fraîcheur

L'artificialisation et l'imperméabilisation croissante des sols par le béton et le bitume empêchent l’infiltration naturelle des eaux dans les sols avec pour conséquence des inondations et une diminution du renouvellement des nappes phréatiques qui fournissent l'eau des villes et des agriculteurs.

L'imperméabilisation, les matériaux de construction utilisés, l'organisation des infrastructures urbaines, la circulation automobile et l'énergie utilisée dans les bâtiments agissent de concert pour favoriser le phénomène des îlots de chaleur urbains : des zones urbaines qui limitent le rafraîchissement en stockant la chaleur pendant la journée et en la libérant pendant la nuit. Les îlots de chaleur urbains ont des impacts sur la qualité de l'air, la qualité de l'eau et la santé humaine. Même s'ils ne sont pas causés par le changement climatique, ce dernier n'arrange rien. Face à ces enjeux, de nombreuses villes à travers le monde mettent en œuvre des stratégies pour réduire leurs îlots de chaleur tout en augmentant leur capacité d'adaptation aux changements climatiques.

Augmenter la part de la végétation en ville est l'une des réponses principales apportées. Jouant  le rôle de climatiseur, la végétation rafraîchit par évapotranspiration, mais aussi par l'ombre qu'elle procure. Son rôle dans l’amélioration de la qualité de l’air urbain est également important. Les maillages verts et bleus et autres corridors écologiques se développent de même que la plantation d'arbres, des pelouses sur les voies de tram, des toitures et façades vertes... Autre stratégie pour réduire les îlots de chaleurs : augmenter les points d'eau (étang, mare, fontaine) qui, en s’évaporant, provoquent un rafraîchissement de l'air.

Un jardin pour tous, tous au jardin

Le retour de la nature en ville répond également à une demande croissante des citadins pour des paysages urbains plus verts, la pratique du jardinage individuel ou collectif, un certain bien-être et une qualité de vie éloignée de la pollution, du bruit de la circulation et du rythme effréné des centres villes. L’Organisation mondiale de la santé estime à 12 m², la surface d’espace vert idéal par habitant.

De nombreux citoyens et associations environnementales, se sont donnés pour mission de préserver les espaces verts et jardins privés qui existent encore dans les villes, d’augmenter leur taille et leur connectivité, de les diversifier et de favoriser une gestion douce, écologique et accueillante pour la biodiversité. À travers des échanges de pratiques et de semences, des animations, des formations, des brochures, des conseils, des mises à disposition de kits potagers et de terrains, ils contribuent depuis de nombreuses années au maintien d’écosystèmes urbains riches.

Malgré une tendance influencée par les médias et les publicités à l'uniformisation des usages (essentiellement détente, loisirs et social) et des espèces cultivées dans les jardins, on observe une progression des jardins collectifs, des potagers, serres, vergers, et même poulaillers. La pelouse reste majoritaire, mais une partie importante des jardiniers laisse une place à la vie sauvage, comme en témoigne la carte du réseau des jardins nature proposée par Natagora. Les zones urbaines sont devenues un refuge pour de nombreuses espèces, notamment les pollinisateurs.

Villes comestibles

Autre intérêt du retour de la campagne en ville : la production alimentaire. La Belgique, par exemple, abrite 95% de citadins. Elle a déjà perdu 63% d’exploitations agricoles en 30 ans en raison du prix des terrains et des difficultés qu'ont les jeunes de reprendre les fermes. Dès lors, malgré une demande croissante pour des produits alimentaires sains et locaux, ce type de production diminue en Belgique au profit d’un modèle agroalimentaire d’importation remis en cause. Ceci n’est pas étranger au développement rapide des potagers et de l’agriculture urbaine depuis une décennie.

Les contraintes et les difficultés des villes (manque de terrain, petite surface, difficulté d'approvisionnement en intrant (terre), pollution, lumière etc.) stimulent des expérimentations et alternatives innovantes dont les spécificités sont la créativité, l'aspect social, citoyen et environnemental. Des cultures en pots, bacs, sacs ou bouteilles, investissent les interstices, les friches, les trottoirs, les toits, les murs, les balcons, les fenêtres, voire l'intérieur des habitations. Les initiatives citoyennes très dynamiques comme les jardins collectifs, les incroyables comestibles, le réseau transition et les projets en permaculture participent activement à la diffusion des pratiques de jardinage urbain et à la relocalisation de l’agriculture en ville.

De nouvelles formes de fermes urbaines souvent très productives émergent. En témoigne, cette famille de Los Angeles qui cultive 2.7 tonnes de nourriture par an dans son jardin de 370 m².

À Bruxelles, outre les jardins et potagers collectifs, dont certains sont cependant menacés par des projets immobiliers, plusieurs projets d’agriculture urbaine existent. Permafungi produit des champignons à partir de marc de café. La ferme urbaine de Neder-Over-Hembeek fournit en fruits et légumes des GASAP (groupement d’achats et de soutien à l’agriculture paysanne). Packfarm, la ferme urbaine de Tour et Taxi propose, quant à elle, un jardin collectif, un poulailler, un four à pain, une serre et une cantine.


Le potager toit de la KBR, Bruxelles

En Wallonie, la « Ceinture aliment-terre liégeoise » s'est engagée dans la transformation du système alimentaire régional en favorisant l’accès du plus grand nombre à une alimentation locale de qualité. S’inspirant des ceintures vivrières, elle rassemble de nombreux acteurs locaux du secteur, comme des fermiers, des distributeurs, des restaurateurs, des consommateurs ainsi que des associations et acteurs du mouvement des villes en transition. Cette initiative a donné des idées et des ceintures alimentaires se développent à Namur et à Charleroi. Le projet VERDIR de l’Université de Liège quant à lui cherche à réhabiliter les friches industrielles de Wallonie en sites d’agriculture biologique.


Les villes résilientes de Luc Schuiten
« Il est temps de penser à un modèle de ville durable qui intègre les besoins alimentaires :
elles comprendraient des serres, potagers, vergers, poulaillers...
 »

Une nécessaire stratégie concertée

Végétaliser les villes et conserver des espaces agricoles et naturels contribuent significativement à l'amélioration de la qualité de vie pour tous et à une meilleure résilience des villes. Loin du gigantisme voire du greenwhashing urbain de certains projets, le foisonnement de ces initiatives individuelles et collectives a de quoi réjouir. Elles participent au développement d'un urbanisme vert et alimentaire durable et montrent que la transition est non seulement possible mais en cours.

Les pouvoirs publics ont ici un rôle crucial en favorisant ces initiatives et leur nécessaire synergie afin de développer une véritable stratégie urbaine durable. Dans cette optique, la Région bruxelloise mène depuis plusieurs années des actions de transition vers plus de durabilité, notamment avec les quartiers durables, quartiers verts ou les maillages potagers.

   
   

 

Source des illustrations : jacme31, Wikimedia, Natagora, Ferme Ecantourd, Urbanists, Monika Kostera, Luc Schuiten

 

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