Qui ne connaît pas le «plus blanc que blanc» qui faisait bien rire Coluche... Il est fort probable qu'aujourd'hui, il n'aurait pas manqué d'égratigner les pratiques qui visent à considérer qu'une maison propre doit être désinfectée dans tous ses recoins, à l'instar des salles d'opération. La moindre apparition de bactérie ou de virus, largement médiatisée, transformée en épidémie mondiale par la rumeur, provoque l'apparition à la une des écrans publicitaires de nouveaux produits désinfectants « absolument indispensables pour protéger toute la famille ». Ils sont généralement assortis d'un packaging ultra-séduisant, et de gadgets extra-sensoriels comme la cellule de détection qui réagit au passage de la main sous le doseur pour dispenser une quantité de produit « sans qu'on doive toucher quoi que ce soit ». A la clé, surproduction de déchets, non recyclables de surcroît, et résistances des bactéries au nom de l'hygiène.

 

Au commencement, il y avait... La publicité !

Bon nombre de gels W.C., habillés dans leur emballage en forme de canard, contiennent également de la javel ou d'autres désinfectants chargés de détruire ces satanés microbes qui nous guettent et nous «menacent» sous le rebord de la cuvette. Qui se charge de nous convaincre de la nécessité de ce produit ? La publicité, qui nous alarme, nous culpabilise : une maison n'est pas propre si on n'y élimine pas tous les microbes ; et du même coup, elle vante des solutions miracle à base d'eau de Javel et autres composants chlorés (super décapant pour la cuisine, spray javel pour la salle de bains,...).

Nombre de personnes, ainsi influencées par les slogans publicitaires, considèrent leur foyer comme un hôpital confronté à une épidémie, alors qu'à la maison, la désinfection n'est nécessaire qu'en cas de maladie contagieuse soumise à déclaration, sur ordre du médecin ou des services de la santé publique (certaines hépatites, salmonellose,...). Globalement, selon les médecins, la propreté individuelle diminue dans la même mesure que les ventes de produits dits «hygiéniques» augmentent.

Question d'équilibre !

Nous vivons dans un environnement où nous baignons continuellement dans une «soupe» de microorganismes, et c'est normal. Il existe un équilibre entre les diverses espèces. Dans notre corps, par exemple, la flore bactérienne du système gastro-intestinal participe à la digestion et sa présence empêche la colonisation par des organismes pathogènes (qui peuvent provoquer des maladies). La disparition de cette flore bactérienne est généralement la cause de gros problèmes de santé.

Protection immunitaire

Lorsqu'il est en contact avec des microorganismes et autres corps organiques étrangers, notre système immunitaire réagit en produisant des anticorps qui lui permettent de se débarrasser de ces indésirables envahisseurs, parfois responsables de maladies graves.

Ce n'est pas sans conséquences pour l'être humain. Ses défenses naturelles s'affaiblissent et il devient sujet aux maladies infectieuses ainsi qu'aux allergies...Ces nombreuses espèces de micro-organismes se retrouvent partout dans notre maison, sur le parquet, sur les rideaux, sur la table de la cuisine, dans le lit,... au point d'y constituer une véritable flore bactérienne familiale dont dépend notre protection immunitaire. Les microorganismes sont partout ! En utilisant un désinfectant, le délicat équilibre bactérien s'effondre. Un grand nombre de microorganismes meurent, laissant la place à d'autres très prompts à se développer (souvent pathogènes).

Nettoyer plutôt que désinfecter !

Tous les désinfectants du monde ne remplaceront jamais l'hygiène qui résulte de l'utilisation régulière de produits de nettoyage multiusages et de composition simple. De plus, une étude de Test-Achats montre que les nettoyants «désinfectants» sont moins efficaces que les nettoyants classiques, ce qui encourage leurs utilisateurs à en verser plus pour obtenir un résultat satisfaisant. On retiendra que la désinfection préventive ne sert à rien. Elle n'est utile que curativement, dans des circonstances définies par les autorités de santé. Elle doit être mise en œuvre selon un mode opératoire bien précis qui implique généralement que les surfaces soient nettoyées, dégraissées avant l'usage du désinfectant, sous peine d'inefficacité.

Des cocktails asphixiants...

Un réel danger réside dans le fait que certains désinfectants réagissent chimiquement avec d'autres substances pour émettre des produits encore plus dangereux. Le cas de l'eau de Javel, le plus courant des désinfectants, est particulièrement frappant à cet égard. En effet, un violent dégagement de chlore gazeux peut se produire lors du mélange de l'eau de Javel et d'un produit détartrant, dont le principe actif est un acide.

Ce dégagement de chlore gazeux :

  • est irritant pour les voies respiratoires et les yeux ;
  • peut provoquer des maux de tête, des nausées et lorsque l'exposition est importante (dans l'espace confiné d'un W.C., par exemple) ;
  • peut causer un œdème pulmonaire entraînant des complications graves.

Mais qui passerait son temps à mélanger des produits ? Et bien, cela arrive plus facilement qu'on ne pense lorsque l'on verse de l'eau de Javel dans une cuvette préalablement nettoyée avec un détartrant, même du simple vinaigre. L'eau de javel réagit aussi avec l'ammoniac ou même simplement l'urine en produisant des chloramines gazeuses qui, une fois inhalées, se décomposent en ammoniac et en acide hypochlorique dans les poumons et endommagent les alvéoles pulmonaires.

Avec les produits en blocs (disposés dans la chasse d'eau), il convient également d'être prudent car si un bloc contient de la Javel, par exemple, l'utilisation d'un détartrant provoquera une réaction chimique..., avec émission de chlore gazeux ! Du reste, la Javel n'est pas un nettoyant. Elle blanchit la couche supérieure du calcaire, donnant ainsi une illusion d'optique associée à l'idée de propreté. En outre, c'est un produit instable dont l'efficacité désinfectante est diminuée si le flacon est ouvert depuis quelques semaines, non protégé de la lumière et soumis aux variations de température.

A noter que le chlore s'échappe d'un flacon non ouvert jour après jour ; de l'eau de javel vieille de plusieurs années n'a quasi plus aucune efficacité en tant que désinfectant. Inutile de remplacer la Javel par d'autres désinfectants comme le Dettol, très médiatisé. Loin d'être nécessaire, il est la plupart du temps mal utilisé, affecte l'environnement et est suspecté d'être cancérigène…

Mais que faut-il faire pour éviter cette dérive ?

Pour se développer, les bactéries ont besoin de nourriture et d'un abri où se loger, ce que leur offrent les débris de nourriture, les résidus graisseux et le calcaire. Il suffit donc de maintenir une propreté de fond en entretenant son espace de vie régulièrement avec des produits simples et polyvalents plutôt qu'acheter une batterie de produits nettoyants agressifs. Un détergent liquide à base végétale ou un savon noir dégraissera les sols, surfaces, vitres, etc. de toute la maison tandis que le vinaigre enlèvera toute trace de calcaire dans la cuisine comme dans la salle de bains. Ces solutions peuvent avantageusement remplacer une bonne partie des produits d'entretien du commerce. Ceux-ci sont en général chers, leur biodégradabilité n'est pas totale et ils posent souvent de graves problèmes à l'environnement ou à la santé.

Idéalement, un kit d'entretien de la maison sera composé de quelques incontournables simples comme le détergent liquide neutre à base d'huile végétale, le savon de Marseille, le savon noir ou savon mou, le vinaigre, le bicarbonate de soude (abrasif, désodorisant, assainissant, adoucissant de l'eau), les cristaux de soude ou carbonate de soude (dégraissant puissant, à dissoudre dans l'eau chaude), etc. Une description détaillée de ces produits et de leur utilisation est proposées dans la fiche 107 intitulée : «Une autre façon de nettoyer...».

Pour en savori plus :


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